Décédé le mardi 26 février dernier à Paris, le roi du Tchink system, Stan Tohon Mohamed Ibitosh, laisse un grand héritage dans le gotha musical béninois. Après une carrière bien…

Deuil dans la musique béninoise: Excentrique Stan Tohon !

Deuil dans la musique béninoise: Excentrique Stan Tohon !

Décédé le mardi 26 février dernier à Paris, le roi du Tchink system, Stan Tohon Mohamed Ibitosh, laisse un grand héritage dans le gotha musical béninois. Après une carrière bien remplie auréolée d’une trentaine d’albums dans son escarcelle, le colosse anticonformiste s’en est allé !

Singulier, Roger Stanislas Tohon alias Stan Tohon Mohamed Ibitosh ou Papy Grande, aura été, non pas par sa colossale stature mais par son art. Alors que le Bénin des années 70 était encore sous l’influence du high-life ghanéen, de la juju nigériane, de la rumba congolaise, de la musique afro-cubaine et autres, le jeune adolescent, la douzaine, fait plutôt un retour à la source traditionnelle pour créer ce qui deviendra un courant musical national : le Tchink system.
Bien qu’influencé très tôt par James Brown dont il interprétait les chansons et Gnonas Pedro aux côtés duquel il a évolué pendant longtemps, Stan Tohon se refuse de « copier les autres» et va chercher le Tchinkounmè brut de Savalou, un rythme à l’origine funéraire dans lequel excellait feu Anatole Houndéfo dit Alokpon. Il fusionne tambours aquatiques ‘’gota’’ et sonorités d’instruments modernes rappelant le jazz, le reggae, l’afro-beat, le Rnb, le soukouss et autres musiques en vogue. Le choix de ce rythme traditionnel n’est pas un hasard, selon l’artiste. « C’est une musique très riche dans laquelle on retrouve beaucoup de rythmiques », a-t-il justifié.
Le parcours n’aura pas été sans embûches pour le gamin de la rue, flâneur, débrouillard touche-à-tout : aide-maçon, fabricant de claies ‘’bohoungô’’ qui sera très tôt révélé comme un talent incontournable par les animateurs Guy Kpakpo et Dave Wilson, après qu’il a abandonné à deux reprises les bancs. Ces derniers contribuent à l’enregistrement de son tube Yalo à la Satel, un morceau dénonçant la misère ambiante qui lui a valu l’exil au Togo comme son ami Nel Oliver qui a trouvé refuge en France, aux temps forts de la Révolution.
Le précurseur du Tchink se fera remarquer sur le plan international (Côte d’Ivoire, Ghana, Burkina Faso, France), dans la même veine que Wally Badarou et Angélique Kidjo révélée par l’album Logozo et avec qui Stan Tohon a fait l’ex-Cemg (Collège d’enseignement moyen général) de Gbégamey. Et depuis, il n’a cessé de conjuguer le verbe ‘’Tchinker’’, avec différentes sortes du rythme Tchink, lesquelles ressemblent tantôt à du reggae, tantôt à de la salsa ou encore à du funk, etc.

Plus qu’une musique…

Le Tchink system deviendra un courant musical national auréolé par une danse mais aussi un look particulier de son initiateur. Il disait avoir horreur de voir « des artistes qui s’habillent comme des fonctionnaires ».
« Il ne faut pas que le look s’endort, il faut le réveiller », estime l’artiste, remarquable par ses tresses et surtout ses costumes bouffants. En fait, le fringant jeune homme des années 80 s’est métamorphosé en un mastodonte de 110 kilos voire plus, laissant entendre sur lui des boutades comme quoi il pouvait manger à lui tout seul une bassine de beignets, un cochon entier. Qu’à cela ne tienne ! Stan Tohon s’en moquait.
Dans le même temps, la vedette semble perdre de sa superbe, après un long séjour en France. Il enchaînera les albums mais ils ne connaissent pas le même succès que les premiers titres comme Yalo, Ahouamatchizo, Okou et plus tard, Zémidjan, Oxo. Toutefois, l’artiste garde le cap. Il saisit surtout les occasions des élections pour inoculer, à travers ses morceaux, le vaccin de la prévention des conflits et de la non-violence. Autoproclamé «sommité » de la musique béninoise, il en profite, lorsqu’il en obtient les moyens, pour faire des tournées avec d’autres artistes. Ses prises de position vis-à-vis des gouvernants font de lui un artiste parfois engagé.
Le roi Stan Tohon s’en est allé, mardi dernier, à l’âge de 65 ans, laissant derrière lui deux enfants : Pétronille et Carlos et une veuve : l’artiste marocaine Khadidja avec qui il a refait sa vie depuis 2004.
Dans le milieu artistique, Stan Tohon est quelque peu craint, taxé à tort ou à raison d’être responsable du mauvais sort de tel ou de tel autre. Mal-aimé ou pas, c’est un grand artiste qui a tourné dos à la scène. Ses nombreuses œuvres parlent de lui et pour lui. Salut l’artiste !.