Lors de sa sortie médiatique ce week-end sur une chaîne de télévision de la place, le ministre Alain Orounla ne s’est pas dérobé sur la question relative aux prochaines électionsprésidentielles….

Interview de Alain Orounla : « Talon est plus préoccupé par son bilan »

Interview de Alain Orounla : « Talon est plus préoccupé par son bilan »

Lors de sa sortie médiatique ce week-end sur une chaîne de télévision de la place, le ministre Alain Orounla ne s’est pas dérobé sur la question relative aux prochaines élections
présidentielles. Il a fait connaître à ses intervieweurs l’approche du pouvoir exécutif à ce propos, notamment quel est l’état d’esprit du premier concerné par la question, à savoir le président Talon lui-même.

Pour la prochaine et 5e fois, pratiquement, on aura un 1er août dans la sobriété. C’est vrai qu’on a un bon prétexte pour cette fois-ci.

Alain Orounla : Vous avez raison, parce qu’on observe depuis 2016, c’est-à-dire depuis l’accession du président Patrice Talon au pouvoir, une rationalisation des dépenses dans tous les secteurs, et le secteur des manifestations officielles n’échappe pas à la règle. Puisqu’on a opéré une rupture là également avec les cérémonies fastueuses, extravagantes et coûteuses voire même ruineuses. Donc, dès 2016, le gouvernement du président Patrice Talon a choisi de célébrer les évènements importants de notre pays dans la solennité mais dans la sobriété. Et la sobriété s’est imposée, pour 2020, qui marque quand même le soixantième anniversaire de l’accession de notre pays à la souveraineté nationale et internationale. La cérémonie avait été préparée pour marquer avec des choses très importantes le 60e anniversaire de notre indépendance, mais c’était sans compter avec l’imprévu Covid-19.

Qu’est-ce qui était prévu pour marquer de façon particulière cette célébration ?

Des travaux ont été entrepris pour arranger le boulevard de la Marina. Notamment, nous avons investi beaucoup d’argent et d’énergie dans l’embellissement de ce boulevard dans le but d’y installer un podium géant, celui qui est utilisé pour le 14 juillet en France. Donc, c’est vous dire que le gouvernement s’était préparé à organiser une fête en grand.

Donc, le gouvernement du président Patrice Talon s’était préparé à faire la rupture avec l’austérité et la sobriété qui ont caractérisé cette célébration depuis son avènement au pouvoir en 2016 ?

Parce que ce n’est pas une fête de l’indépendance comme les autres. C’est une fête qui marque les soixante ans, c’est important. Soixante ans d’indépendance, ce n’est pas pareil que 59 ou 58 ans. C’est un caractère de décade qui est important et qu’on souhaitait marquer dans le prolongement de la sobriété, mais dans une solennité plus éclatante. Face à l’invité surprise, le gouvernement ne pouvait pas décaler car nous devons répondre à ce rendez-vous historique, commémorer ce soixantième anniversaire tout en ayant à l’esprit la responsabilité de la santé des Béninois pour lesquels nous avons arrêté un certain nombre de mesures de prévention contre la pandémie du Covid-19. Et donc, dans le respect de cette mesure et des gestes barrières, nous allons célébrer avec une plus grande sobriété cet anniversaire.

Comment un gouvernement qui a pu organiser les élections communales, qui a laissé les marchés et les restaurants et bars ouverts, pense qu’il n’est pas possible de tenir un défilé militaire qui n’implique pas toutes les populations ?

Je voudrais vous rappeler que dans le même esprit, nous avons organisé les élections sans dégât en prenant le maximum de précautions puisque tout a été mis en œuvre pour que les gestes barrières fondamentaux soient observés. Je crois et je suis même certain que c’est à l’occasion de l’organisation de ces élections communales que nous ne pouvions pas rater pour des impératifs constitutionnels et républicains, que l’on a pu observer au mieux les gestes barrières. Le gouvernement a pris toutes les précautions y compris celles de la surveillance par les forces de défense et de sécurité aux abords des sites de vote afin que nul ne prenne la responsabilité ou n’expose l’autre à la contamination.
Un défilé est fait pour être vu, un défilé de cette envergure est organisé pour qu’il y ait des manifestations, de la liesse populaire et on ne peut interdire que les gens viennent voir le défilé ; c’est pour eux que ça se fait. Le gouvernement ne peut pas prendre le risque d’organiser des attroupements alors que c’est lui qui a la responsabilité d’interdire les regroupements. Ce ne serait pas en cohérence avec les mesures qui se sont imposées à nous et que nous appliquons en toute responsabilité. Le gouvernement ne veut prendre aucun risque. De façon concrète, il y aura le dépôt de gerbe, la cérémonie solennelle pour saluer la mémoire de nos illustres disparus et pour saluer nos forces de défense et de sécurité. Donc, la République sera honorée, seulement que les populations seront privées du spectacle qu’appelle un défilé.

Au-delà du caractère symbolique de ce 1er août, c’est le tout dernier pour le président Patrice Talon. Lui a-t-il été facile la prise de cette décision ?

Dans les circonstances que vous pouvez imaginer, si pendant de nombreuses semaines, de nombreux mois, le gouvernement, sous l’impulsion du président de la République, a pris les dispositions pour célébrer avec solennité, comme je vous l’ai rappelé, cette fête, c’est certainement pas de gaité de cœur qu’on a vu cette pandémie venue parasiter la chose. Mais l’état d’esprit n’est pas à l’émotion, il fallait être réaliste car la santé et la vie des Béninois sont au-dessus des ambitions ou des volontés de marquer cet évènement.

Ça fait 60 ans d’indépendance, Me Orounla. Comment appréciez-vous le chemin parcouru par le Bénin ?

L’ensemble des Béninois et d’ailleurs des analystes, ont toujours admis que notre pays comme beaucoup d’autres pays d’Afrique, ont pris du retard. Le bilan des 60 ans n’a jamais été élogieux mais nous devons admettre que ces quatre dernières années, notre pays a accompli des bonds substantiels dans de nombreux domaines, nous avons fait pendant ce dernier quinquennat beaucoup plus d’efforts que par le passé et que cela permet à notre pays de commencer par engranger un bilan qui peut être satisfaisant.
Le deuxième motif pour lequel nous devons célébrer ces 60 ans d’indépendance, c’est que nous avons fait plus de progrès que par le passé. C’est une observation qui est admise par le plus grand nombre. Les gouvernements précédents n’ont pas manqué de travailler, ils ont travaillé à leur rythme. Mais ces cinq dernières années, le rythme a été un peu plus accéléré. Les résultats que nous avons aujourd’hui permettent de constater que des chantiers ont été courageusement abordés sous le leadership du président de la République. Bref, des ambitions ont été matérialisées et nous permettent de dire que si nous avions choisi d’aller à ce rythme dès les premières heures de notre indépendance, le Bénin serait un peu plus avancé qu’il ne l’est aujourd’hui.

Me Alain Orounla, pourquoi à votre avis, la courbe du coronavirus a commencé par monter juste au lendemain des élections communales ?

Je conteste au nom du gouvernement toute corrélation entre l’organisation des élections communales qui ont été tenues avec le maximum de précautions et l’augmentation des cas de Covid-19. Les scientifiques se sont tous accordés pour dire que cette augmentation que nous connaissons et dans tous les pays d’ailleurs, peut être liée à la saison des pluies, donc à la fraicheur.
Nous reconnaissons que la saison des pluies est un facteur de propagation, il y a eu aussi un relâchement de la part de certains de nos compatriotes dans l’observance des gestes barrières, ce qui pourrait expliquer la chose. Il faut aussi ajouter que nous avons changé de phase, car nous faisons à présent les dépistages systématiques qui révèlent des cas qui étaient cachés. Il faut expliquer à nos compatriotes que ce mal existe car certains estiment qu’il n’est pas plus dangereux que le paludisme.

Monsieur le ministre, depuis quelques jours, certains de nos compatriotes ont commencé par recevoir des petits Sms, est-ce à dire que les mesures sociales promises par le gouvernement ont démarré ?

Fidèle à sa réputation, le gouvernement du président Patrice Talon tient parole. C’est-à-dire que les mesures, aussitôt annoncées, sont mises en œuvre. Les différents transferts sont faits et ce sont des sommes importantes qui correspondent à l’exécution des mesures sur lesquelles nous avons eu l’occasion de communiquer abondamement.

Me Alain Orounla, est-ce qu’on a pris vraiment tout le monde en compte dans les mesures sociales ?

Tout le monde a été pris en compte, ne serait-ce qu’à travers la subvention sur l’électricité et l’eau. Pour ce qui est des entreprises, il va de soi que la répartition commence par les entreprises qui ont une existence légale. C’est ces entreprises qui contribuent à l’effort national. Les sous qui sont décaissés ne viennent pas du néant. Ils viennent des impôts qui sont prélevés. Donc, c’est tout à fait normal que les efforts d’atténuation aillent d’abord vers ces entreprises formelles.

Le Bénin a fermé la plupart de ses ambassades dans le monde, cela cache-t-il une difficulté économique ?

Le Bénin ne peut pas déployer des représentations diplomatiques comme certains pays à savoir la France, les Etats-Unis et certaines grandes puissances. Le rôle assigné aux ambassades comme les Etats-Unis et la France par exemple dans nos pays ne peut pas être le même que celui que notre Etat, avec ses moyens limités, peut assigner à ses représentants. Donc nous rompons avec une tradiction séculaire. Il y a des diplomates qui vont accomplir leur mission à travers une ambassade itinérante par exemple. Il faut préciser qu’il n’y a pas d’isolement diplomatique, le Bénin reste présent sur tous les continents ».

Lorsque vous quittez un pays, il y a l’image que vous renvoyez à ce pays qui n’est pas forcément amicale et c’est pour ça d’ailleurs que certains parlent d’isolement, n’est-ce pas ?
Il n’y a pas d’isolement diplomatique du Bénin. Ceux qui disent cela vont vite en besogne. Il ne s’agit pas ici d’une rupture des relations diplomatiques, mais plutôt d’un redéploiement diplomatique en accord avec les Etats dans lesquels ces ambassades sont physiquement présentes. Nous faisons ce qui est mieux pour rationaliser les ressources de l’Etat comme ce fut le cas à l’avènement au pouvoir du président Patrice Talon, où il y a eu des suppressions de postes dans l’administration, mal comprises au début mais qui nous ont fait économiser plus de 100 milliards.

Monsieur le ministre de la Communication, êtes-vous au courant de la dernière décision du président de la Haac ?

Il n’y a pas de décision du président de la Haac, mais plutôt une décision de la Haac qui est dans son couloir constitutionnel de régulation. C’est vrai que nous avions vu cette décision qui a semé l’émoi au sein des professionnels, nous suivons la chose attentivement.

Quelle est votre lecture personnelle de la situation dans un contexte où il est souvent fait au régime le procès de restreindre la liberté d’expression ?

La première lecture que je voudrais faire, c’est que chacun est dans son rôle. La Haac s’occupe de la régulation des médias et pour une fois, on ne verra pas la main du gouvernement dans ça. Ce qu’il m’appartient de dire en tant que ministre de la Communication, c’est que je vais me rapprocher de l’instance de régulation pour voir comment réguler le secteur afin que le travail de promotion de l’information de qualité continue.
Cette décision prise par la Haac a semé l’émoi au sein des hommes des médias et en tant que ministre de la Communication, je ne peux pas rester insensible. Je dois rappeler aux hommes des médias, que le ministre de la Communication est un des leurs et nous devons avoir le réflexe de nous rapprocher les uns des autres.

Avez-vous le sentiment en tant que ministre de la Communication que les acteurs des médias sont épanouis ?

J’ai le sentiment que le monde des médias est une corporation qui compte beaucoup de laissés-pour-compte. Je crois qu’il y a une part de responsabilité à imputer aux acteurs eux-mêmes qui ne sont pas parfois solidaires des faîtières.

Le débat public est animé par comment va se dérouler l’élection présidentielle, déjà que la question du parrainage suscite assez d’inquiétudes. Que pouvez-vous dire aux Béninois à ce sujet ?
C’est une vue de l’esprit que de penser que les parrainages ne sont pas à la disposition de tout le monde. Je voudrais rappeler que l’élection de 2021 sera organisée dans la paix, la concorde et l’allégresse. Le code électoral insiste sur le parrainage qui n’est pas une nouveauté parce qu’il est expérimenté dans des grandes démocraties avec plus de succès. Le code électoral qui est la référence en la matière, dit que le candidat à l’élection présidentielle doit être parrainé par un nombre précis d’élus. Ce qui veut dire que le parrainage n’est pas un verrou. Le seul verrou dans notre Constitution est «Nul ne peut faire plus de deux mandats ».
Le parrainage est un filtre démocratique pas comme la disposition qui dit ‘’vous ne pouvez pas être candidat si vous n’êtes pas de nationalité béninoise depuis 10 ans’’. Cette disposition par exemple est un verrou.
La loi n’intime à aucun élu d’accorder son parrainage à tel candidat au détriment de l’autre. Le gouvernement assume les différentes lois votées par le parlement qui vont dans le sens de la réforme du système partisan.

Croyez-vous que des élus peuvent parrainer un candidat de l’opposition, surtout si le président Patrice Talon est candidat ?

Que des partis se réclament de la gouvernance du chef de l’Etat ne veut pas dire que ces partis lui appartiennent. Pour 2021, tout est ouvert, rien n’est fermé. La prochaine présidentielle sera ouverte. Et constatez qu’en 2021, il n’y aura pas une candidature unique comme certains tentent de le faire croire. Je voudrais finir pour dire qu’en l’état actuel de notre code électoral, le président de la République a droit d’être candidat quand il le décidera. Et s’il le décide, il n’aura besoin que de 16 parrains.

Patrice Talon a-t-il l’air d’être préoccupé par sa réélection en 2021 ou se représentera-t-il ?

Le président de la République est plus préoccupé par le bilan qu’il va présenter à la fin de son mandat et donc nous exhorte à achever les chantiers. Il est plus préoccupé à avoir un bilan élogieux en 2021 plutôt que par des questions électoralistes qui sont prématurées.

Pourquoi aucun proche de Patrice Talon n’est capable de nous dire, il est candidat, il ne le sera pas ?

La déclaration de candidature est un acte personnel et le président Patrice Talon a le droit de se présenter mais aussi le droit de se retirer. Pour ce qui me concerne, nous avons un leader et nous le disons dans une grande majorité comme les Béninois, que le Président Patrice Talon prenne ses responsabilités pour briguer un second mandat.

Par LA NATION