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A bâtons rompus avec le député Léon Aden Houessou : « Les populations ont rejeté le mandat unique »

A bâtons rompus avec le député Léon Aden Houessou : « Les populations ont rejeté le mandat unique »

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A bâtons rompus avec le député Léon Aden Houessou : « Les populations ont rejeté le mandat unique »

Moïse DOSSOUMOU 2 septembre 2020

Il fait partie des députés peu connus au sein de l’opinion. Léon Aden Houessou, membre de la 8ème législature, dresse ici son parcours professionnel et politique. Instituteur de son état, actif en politique depuis plus de deux décennies, il n’est sorti de l’ombre qu’à la faveur des législatives de 2019. Candidat à une élection pour la première fois, il a réussi à se faire élire sur la liste de l’Union progressiste à Bopa. Depuis lors, il fait une autre expérience de la vie politique en qualité de législateur. L’homme qui n’a pas sa langue dans sa poche est un fidèle de Patrice Talon. Mais à l’Assemblée, contrairement à certains de ses pairs, il ne manque pas d’interpeller le gouvernement sur des préoccupations essentielles. Membre du Conseil d’orientation et de supervision de la Liste électorale permanente informatisée (COS-LEPI), il rassure de la transparence des travaux devant aboutir à une liste crédible.

Que peut-on retenir de votre parcours professionnel ?
J’ai embrassé la carrière d’instituteur en 1998 en qualité de contractuel. En 2007, après le Certificat d’Aptitude Pédagogique obtenu en 2003, j’ai dirigé une école primaire publique dans la circonscription scolaire de Bopa. Après sept (7) années passées à ce poste, je pris part au concours des Conseillers Pédagogiques, ce qui me permit d’intégrer ce corps.

A quel moment avez-vous commencé la politique ?
J’ai débuté la politique en même temps que ma carrière professionnelle. J’ai milité au départ dans le parti FARD-Alafia. Ce parti qui était beaucoup plus basé dans le Nord-Bénin n’a pas tellement d’audience dans le Sud, particulièrement dans le Mono ; ce qui justifie l’effectif peu considérable de militants dans ledit département. Dès la création de l’UPD-GAMESU, nous qui étions du FARD-Alafia avons rejoint ce groupe sur conseils des ténors de notre ancien parti. C’est ainsi que je me suis aligné derrière Jean-Claude HOUNKPONOU qui dirigeait l’UPD-GAMESU. Pour le compte de ce parti, j’ai été le premier vice-président pour la section de Bopa. En 2007, à l’occasion des législatives, Mathurin Coffi NAGO et Jean-Claude HOUNKPONOU ne partageaient plus la même vision. En 2008, au terme d’un conseil national tenu à Grand-Popo, le président Mathurin Coffi NAGO a pris les rênes du parti. Fragilisé, Jean-Claude HOUNKPONOU a démissionné pour créer le BDP. Moi, j’ai poursuivi mon chemin avec l’UPD-GAMESU dirigé par Mathurin Coffi NAGO en tant que président de la section de Bopa. Ce parti a adhéré par la suite aux Forces Cauris pour un Bénin Emergent (FCBE) où j’ai été élu Coordonateur de la commune de Bopa. Au terme des élections de 2011, plus tard courant 2013 à 2014, une crise divisa Boni YAYI et Mathurin Coffi NAGO. Ce dernier a alors créé son propre parti, les Forces Démocratiques Unies (FDU), dans lequel j’ai milité en conservant toujours mon poste de président de section. Il faut dire que pendant tout ce temps où j’étais très engagé, je ne me suis présenté à aucune élection. Malheureusement, tous ceux que mon mentor, le président Mathurin Coffi NAGO présentaient aux élections le décevaient par la suite. Au fil du temps, avec l’effectivité de la réforme du système partisan, les FDU ont rejoint l’Union Progressiste faisant partie des fondateurs de cet important groupe politique. A la faveur des législatives de 2019, au vu de ma fidélité, on m’a proposé candidat suppléant au ministre Mahougnon KAKPO. Après l’installation de la 8ème législature, le ministre est resté au gouvernement et j’ai rejoint l’Assemblée nationale le 21 mai 2019.

Comment appréciez-vous l’ambiance au niveau du parlement ?
La vie parlementaire est très passionnante parce qu’il est très rare de retrouver des gens comme moi dans ce milieu. Par le passé, ce sont des personnes riches, qui ont les moyens de financer une campagne électorale qui étaient au parlement. Un instituteur comme moi avait très peu de chances d’y aller. Mais du fait de mon engagement politique, j’ai été propulsé à ce niveau. Depuis que j’y suis, je me bats pour que ma participation aux travaux parlementaires impactent le cours des choses. J’interviens beaucoup et je suis devenu l’avocat des enseignants à l’Assemblée nationale. A mon actif, je totalise déjà neuf questions au gouvernement dont cinq ont déjà été débattues en plénière. Les quatre autres sont en attente.

Quels sont les sujets évoqués dans lesdites questions ?
Je me suis intéressé aux installations photovoltaïques qui ne sont pas dans le giron de la Société Béninoise d’Energie Electrique (SBEE). Et il a fallu ma question pour que ces poteaux soient mis en service. Il y a évidemment des questions qui concernent l’enseignement. Je me suis intéressé à l’évaluation diagnostic des enseignants pour plaider le cas de ceux qui ont échoué. Ils devaient suivre une formation complémentaire pour être évalués de nouveau. A défaut, ils seront orientés dans d’autres secteurs. Jusque-là, la formation n’a pas encore débuté. Il y a aussi eu une question relative à la pénurie d’enseignants et au retour de la gestion des subventions de l’Etat dans les écoles par les directeurs. Au moment où j’occupais ce poste, c’était très difficile. Car c’est nous-mêmes qui gérions les subventions. Cela posait beaucoup de problèmes parce qu’on avait l’ex Direction de l’Inspection et de la Vérification Interne (DIVI) à nos trousses. Des comptables ont été envoyés pour nous prêter main forte. L’année dernière seulement, il a été décidé que les comptables soient retirés de la gestion des subventions. J’ai déploré le fait parce que les directeurs d’école ont beaucoup de charges. Il leur faut gérer une classe, les collaborateurs, les subventions, la cantine scolaire… Et au même moment, on leur demande de fournir un bon résultat sans quoi ils seront déchargés. Qu’il vous souvienne également que je suis l’auteur de la question relative à la Société Nationale de Commercialisation des Produits Pétroliers (SONACOP) lorsqu’elle était en difficulté. Aujourd’hui, ce sujet n’est plus d’actualité.

Pourquoi les questions relatives à la fermeture des frontières nigérianes ou encore à la hausse annoncée des tarifs d’électricité et d’eau n’intéressent pas les députés ?
Je n’ai pas beaucoup d’éléments relatifs à la hausse annoncée des tarifs d’électricité et d’eau. Mais par rapport à la fermeture des frontières, d’autres députés ont formulé des questions au gouvernement. Et le débat a eu lieu. Sur ce dossier, il y a beaucoup de choses en dessous qu’on ne peut pas révéler à l’opinion publique.

Pour revenir à la 8ème législature, le fait que tous les députés soient d’une même chapelle politique ne vous dérange pas ?
L’opinion publique pense qu’il n’y a pas de voix discordantes. Mais il faut reconnaître que les deux blocs qui animent l’Assemblée nationale discutent beaucoup. Nous ne nous entendons pas souvent. Vous avez dû constater lors des deux dernières élections que nous nous sommes opposés sur le terrain. Les deux partis ne se sont pas fait de cadeau. Pour la dernière élection par exemple, les rivalités étaient si poussées qu’on a oublié le parti FCBE qui est venu nous surprendre en arrachant des communes. Il faut dire qu’à l’Assemblée, nous ne votons pas les lois les yeux fermés. Le monde évolue et il faut évoluer avec. Les gens ont décrié le vote de la loi interprétative du code électoral qui a abouti à la désignation des maires. Mais nous devons apprendre à respecter les lois du système partisan. On ne peut pas être élu sur une liste et juste après se désolidariser du parti. La loi dit que c’est le parti majoritaire qui va contrôler la mairie. Je donne l’exemple de la commune de Sèmè-Podji. L’Union Progressiste a eu 14 députés et le BR en a eu 19. Quatre (4) conseillers du BR se détachent de leur parti et se retrouvent avec les 14 de l’UP pour faire la majorité afin d’élire le maire. Ces comportements vont créer des problèmes plus tard. A Sèmè-Podji, les électeurs ont fait confiance au BR. Le maire doit être d’office de ce parti. Voilà ce qui a été corrigé.

A Parakou par contre, les populations ont porté en majorité leur choix sur le parti FBCE. Mais après, avec l’intervention du juge, c’est l’un des partis minoritaires qui a repris le contrôle de la ville…
Cette situation n’est pas imputable aux partis de la mouvance. Aucun recours n’a été formulé contre le parti FCBE par ceux de la mouvance. C’est entre FCBE qu’ils se sont retrouvés devant les juges. Mieux, au départ, c’est un maire FCBE qui a été installé. C’est après l’intervention du juge électoral que la situation a changé. Si les recours en question avaient été formulés par l’UP ou le BR, les populations n’auraient pas accepté cela.

Qu’est-ce qui explique la bonne performance de l’UP aux deux dernières élections ?
Pour les législatives de 2019, nous avons pris le dessus. Mais pour les communales, nous avions un peu d’inquiétude par rapport à ce qui se passait sur le terrain. On avait l’impression que le BR allait nous battre. Mais il faut reconnaître que l’UP est un parti très organisé. C’est cela qui explique les bons résultats que nous avons. L’UP est bien structurée et le respect de la hiérarchie est une réalité. Vous savez que les vrais stratèges politiques sont de l’UP. Nous comptons dans nos rangs trois anciens présidents de l’Assemblée nationale. Ce sont des personnes politiquement mûres et leurs expériences sont d’une grande utilité.

Vous faites partie du Conseil d’orientation et de supervision de la Liste électorale permanente informatisée (COS-LEPI). Comment évoluent vos activités ?
Nous venons de démarrer. Nous prenons langue avec les institutions de la République pour aboutir à une LEPI acceptée de tous. Nous sommes entrain de nous ouvrir à l’opinion et les conseils sont les bienvenus.

Vu que l’opposition n’est pas représentée au sein de cet organe, quel gage de crédibilité pouvez-vous donner à l’opinion ?
La liste électorale doit prendre en compte tout le monde. Si nous faisons en sorte qu’à la fin les gens ne retrouvent pas leurs noms sur la liste, nous n’aurons pas fait du tort à une chapelle politique, mais plutôt au peuple qui nous fait confiance. Nous avons prêté serment pour accomplir une mission. Nous allons réussir avec brio. Nous n’allons pas tricher pour réussir. A deux reprises, l’UP a gagné les élections sans tricher. Le COS n’est pas dans la logique de truquer la liste. Il vaut mieux prendre tout le monde en compte au lieu de chercher à écarter certains ; peut-être c’est ceux que vous écartez aujourd’hui qui pourront voter pour vous demain, vous ne le savez pas.

Comment appréciez-vous la multiplication des mouvements de soutien au chef de l’Etat à l’approche de la présidentielle ?
A l’approche des élections, tout le monde cherche à trouver un moyen pour subvenir à ses besoins. Ceux que nous voyons sont des marchands politiques qui s’agitent sur le terrain. En réalité, ce sont les partis qui devraient se prononcer. Mais, ce qui se passe ne date pas d’aujourd’hui. On cherche à soutenir un candidat dans l’espoir d’occuper une bonne position en cas de victoire. Au sein de l’UP, nous ne nous agitons pas. Nous ne prenons pas de décision à la hâte. Nous avons déjà eu plusieurs rencontres afin de mieux nous organiser pour la présidentielle.

La réforme du système partisan n’est-elle pas censée mettre fin à ces pratiques ?
Si on interdit à ces mouvements de se créer et de se prononcer, ce serait un tollé. On dira que les lois de la démocratie sont violées et que les libertés d’association et d’expression sont menacées. Constatez que ceux qui le font ne se présentent pas comme des membres d’un parti. Ce sont des groupes ponctuels et ils vont bientôt disparaître. Ils ne sont pas si organisés que ça. C’est une activité circonstancielle. A la fin de la présidentielle, on ne parlera plus de ces mouvements.

Mais la majorité de ces groupes appellent le chef de l’Etat à renoncer à sa promesse de mandat unique…
Il faut reconnaître que je ne pensais pas personnellement que le président de la République allait émerveiller le peuple béninois. L’affairisme, la recherche du gain facile faisaient partie de nos comportements. Mais la rigueur dans la gestion du chef de l’Etat a fait reculer ces pratiques. Aujourd’hui, les Béninois ont la crainte de la chose publique. Il a tout fait pour canaliser les choses afin que l’argent rentre dans la caisse de l’Etat et non dans les poches des individus. Tout le monde constate que les infrastructures foisonnent dans le pays et ce n’est que le début. Si les gens veulent qu’il revienne, après les infrastructures, il faut qu’il soulage un peu les populations du point de vue du social. Il faut reconnaître que le chef de l’Etat nous a habitués au travail. Avant, nous nous amusions beaucoup avec le temps alors dit-on : « le temps, c’est de l’argent ». Aujourd’hui avec Patrice Talon, la ponctualité est une règle maîtresse et pratiquée par tous. Car lui-même, en donne toujours l’exemple. Avant, il fallait attendre l’autorité pendant des heures, alors que le temps perdu ne se rattrape jamais. Il a modifié nos habitudes.

Donc, à titre personnel, vous souhaitez que Patrice Talon soit candidat à sa succession…
Il n’avait pas renoncé au mandat unique. Il avait plutôt voulu d’un mandat unique. Si les députés avaient validé ce projet en son temps, le débat ne se poserait pas. Mais cela ayant été rejeté, il a dit qu’il aviserait. Il peut donc se présenter ou non. Attendons qu’il se prononce.

Si la 7ème législature a rejeté le mandat unique, pourquoi la 8ème ne l’a pas validé quand elle procédé à la révision de la Constitution ?
On ne peut pas revenir sur ce que le peuple a rejeté. Et c’est pourquoi en acceptant l’aspiration du peuple pour deux mandats, nous avons ajouté l’expression « de sa vie ». Donc quelle que soit la volonté d’un président ou de son peuple, nul ne peut faire plus de deux mandats présidentiels.

Mais vous agissez au nom du peuple…
Je suis d’accord, mais dans l’opinion publique, les gens ne voulaient pas du mandat unique.

Est-ce à dire que la réforme constitutionnelle est conforme aux aspirations du peuple ?
Bien entendu, même si des contraintes peuvent s’imposer. On parle du parrainage aujourd’hui. Par le passé, il y avait trop de candidats pour la présidentielle. Maintenant, on a voulu élever le niveau de la compétition. C’est ce qui justifie le parrainage.

Donc le parrainage ne sera pas l’apanage des partis ?
La loi n’a pas précisé que c’est l’affaire des partis. Si les députés d’un parti choisissent de soutenir le candidat de leur parti, on ne peut pas les obliger à parrainer un autre candidat. Si éventuellement, des élus s’opposent à leur parti et parrainent un candidat qui à la fin se retourne contre eux ? Nous avons voulu fermer la page des candidats providentiels. Pour ce faire, il faut que les candidats militent préalablement dans des partis. Si un candidat parvient à réunir le nombre de parrainage exigé, tant mieux pour lui.

Les chances de l’opposition se trouvent ainsi réduites quant à sa participation à la présidentielle
C’est un fait que l’opposition a peu de chances. La logique recommande que les élus soutiennent les candidats de leur parti et non d’autres candidats venus d’ailleurs.

Si l’opposition ne parvient pas à participer à la présidentielle, le scrutin sera alors un match amical
Si l’opposition n’est pas en lice, ce ne serait pas la faute aux partis de la mouvance. L’opposition n’avait pas vite pris en considération la réforme du système partisan. Personnellement, je ne serais pas gêné de voir l’UP et le BR en lice. Si aujourd’hui, l’opposition ne peut pas aller à la présidentielle, qu’est-ce qui prouve que ce ne sera pas le cas contraire au cours des années à venir ?

C’est quand même préférable que le scrutin soit ouvert…
Pourquoi les électeurs n’ont pas refusé de voter pour les législatives et les communales ? Beaucoup évoquent le faible taux de participation, mais je tiens à faire une nuance. Le nombre d’inscrits sur la liste électorale, c’est un peu plus de 5 millions de personnes, alors que la population s’élève à plus de 11 millions. Si on considère le nombre de votants dans nos régions, c’est parce que depuis dix ans que le COS/LEPI est mis en place, on n’a jamais éliminé les morts. En plus, il y a les invalides, ceux qui ont perdu leurs droits civiques ou encore ceux qui ont voyagé. Toutes ces personnes grossissent inutilement la liste électorale. Quand on va apurer la liste, vous allez constater que la liste sera réduite à environ 3,5 millions d’électeurs. Ceci ne fera qu’augmenter le taux de participation. C’est cela la réalité.
Propos recueillis par Moïse DOSSOUMOU