Si le phénomène des grossesses en milieu scolaire n’est pas nouveau, il faut reconnaitre qu’il prend de l’ampleur en dépit des multiples campagnes de sensibilisation sur la question. Au-delà des débats qu’il suscite, il est temps que chacun joue sa partition pour conduire les adolescents vers une sexualité responsable.
La commune de Dassa, sans être une exception, a beaucoup fait parler d’elle ces derniers jours dans les médias et sur les réseaux sociaux. La raison, 33 cas de grossesses sont dénombrés dans un collège de ladite commune.
Les grossesses en milieu scolaire ne sont pas propres à une commune, encore moins à un pays. La quasi-totalité des établissements scolaires enregistre chaque année des cas de grossesses parmi les élèves. Tomber enceinte alors qu’on est encore sur les bancs a toujours été mal vu dans notre société. Si par le passé les élèves filles enceintes n’étaient pas autorisées à trainer à l’école avec leur ‘’gros ventre’’, la situation a évolué depuis plusieurs années au point où une élève enceinte peut poursuivre allègrement ses études si son état le lui permet.
Loin d’être un phénomène nouveau, la grossesse en milieu scolaire est aujourd’hui assimilée à une épidémie tant le phénomène prend de l’ampleur. Cette situation n’est pas propre au Bénin et ne concerne pas que le milieu scolaire. « Dans les pays en développement, 20 000 filles âgées de moins de 18 ans deviennent mères chaque jour, soit 7,3 millions de naissances par an, un chiffre bien plus élevé si l’on tient compte de toutes les grossesses », souligne le Fonds des Nations Unies pour la Population (Unfpa). Pour cette institution, la grossesse chez l’adolescente découle généralement moins d’un choix délibéré que de l’absence de choix : elle est la conséquence d’un accès réduit ou nul à l’éducation, à l’information et aux soins de santé.
Pourtant, mieux que par le passé, une kyrielle d’organisations de la société civile sillonne les écoles secondaires pour sensibiliser et informer les apprenants des risques d’une sexualité précoce et des grossesses non désirées. A cela s’ajoute la mise en place dans certaines écoles ou à proximité, de structures facilitant l’accès des jeunes aux services de santé sexuelle et de reproduction.
Comment expliquer la persistance de ce fléau, malgré toutes les actions et stratégies mises en œuvre pour les éviter ? Chaque année, des milliers de cas de grossesses sont enregistrés en milieu scolaire, au primaire comme au secondaire.
A en croire certains acteurs de la société civile, plusieurs facteurs expliquent la recrudescence des grossesses en milieu scolaire. Au nombre de ceux-ci, il y la pauvreté des ménages, même si la grossesse des adolescentes à l’école n’est pas l’apanage des familles pauvres. « Les filles pauvres, peu instruites ou vivant dans des régions rurales risquent davantage de tomber enceintes que les filles plus riches, instruites ou vivant en ville », confirme l’Unfpa. Il faut signaler aussi la démission des parents qui, en quête de la pitance quotidienne, abandonnent de plus en plus les enfants à eux-mêmes, sans suivi, ni éducation appropriée. Le développement des technologies de l’information et de la communication, notamment des réseaux sociaux et l’évolution de notre société, a contribué à aggraver la situation en ce sens que certains de ces médias sont des vecteurs de messages ou de pratiques incitant à la sexualité précoce. Dans ces conditions, l’école aujourd’hui n’est plus seulement un lieu d’apprentissage et d’éducation. Les élèves y subissent l’influence de leurs pairs et sont de plus en plus exposés à toutes sortes de tentations : sexualité précoce, homosexualité, consommation de tabac et de stupéfiants, prostitution, gangstérisme et autres pratiques répréhensibles. Tout cela, à l’insu des parents. Il suffit de discuter avec des responsables d’établissements scolaires, publics comme privés, pour se convaincre de la situation. Dans certaines communautés du Bénin où des pratiques rétrogrades tels que les mariages précoces et forcés ont toujours cours, la grossesse d’une élève, fut-elle mineure, n’est pas perçue comme un problème.
Selon l’enquête démographique et de santé réalisée au Bénin en 2011-2012, « La fécondité des adolescentes est élevée. En effet, 17 % de femmes de 15-19 ans ont déjà commencé leur vie féconde : 13 % sont déjà mères… La fécondité précoce est dix fois plus élevée parmi les jeunes filles non instruites (32 %) que parmi les jeunes filles ayant un niveau secondaire 2nd cycle ou plus (3 %) ».
Des conséquences pour la fille
Voir une fille enceinte à l’école est désormais chose courante, tolérée voire banale. Si certaines s’en sortent sans difficulté, d’autres par contre, du fait de leur jeune âge, à défaut d’y laisser leur vie, s’en sortent avec des séquelles graves sur le plan de la santé. On constate dans certains cas, que de nombreuses adolescentes ne sont pas prêtes physiquement à une grossesse ou un accouchement, et sont par conséquent plus vulnérables aux complications. Selon l’Unfpa, « Les complications liées à la grossesse et à l’accouchement constituent l’une des principales causes de mortalité chez les adolescentes ». Ces filles sont également confrontées à d’autres risques, notamment la fistule obstétricale. Certaines adolescentes enceintes désespérées tentent d’avorter clandestinement. Elles y perdent parfois la vie ou s’en sortent avec des séquelles graves comme la stérilité.
La grossesse d’une fille peut changer radicalement sa vie. « Elle peut être contrainte d’abandonner ses études, ce qui contribue à réduire ses perspectives d’emploi. Elle devient aussi plus vulnérable à la pauvreté et à l’exclusion », relève l’Unfpa. En un mot, la grossesse accentue la déperdition scolaire et compromet l’épanouissement des filles et de leurs progénitures.
Il faut travailler à réduire les grossesses en milieu scolaire et de façon générale, les grossesses chez les adolescentes. L’une des approches que préconisent des Ong intervenant dans le secteur de la santé de la reproduction est l’intégration de l’éducation sexuelle dans les programmes scolaires. Dans l’entretien qu’elle nous a accordé récemment, Mistoura Salou, membre de Ceradis Ong et experte en approche d’éducation en santé sexuelle et de la reproduction des adolescents et jeunes, mettait en exergue les avantages d’une telle approche. « Les statistiques ont prouvé que les jeunes qui ont reçu une éducation sexuelle sont plus susceptibles de retarder le démarrage de l’activité sexuelle, et lorsqu’ils démarrent cette activité, ils sont plus en mesure de négocier des rapports protégés que ceux qui n’ont pas reçu cette éducation », souligne-t-elle. En plus des Ong, il faut que les enseignants et les parents prennent le relais, jouent leur partition en accompagnant l’adolescent vers une sexualité responsable. Pour certains acteurs associatifs, il ne sert à rien de continuer à se voiler la face en pensant que les adolescents ne sont pas sexuellement actifs. Ils estiment qu’il faut aussi promouvoir l’utilisation des méthodes contraceptives pour sauver les adolescentes des pratiques sexuelles à risque et des grossesses non désirées.
Lorsque la grossesse intervient malgré tout, il faut accompagner la jeune fille jusqu’à l’accouchement. Il faut également aider les jeunes mères afin qu’elles puissent retourner à l’école et réaliser pleinement leur potentiel