Talon dans l’ère du temps. Le président de la République se départit, à volonté, des habitudes, et affiche son ambition de voir son pays citer parmi les grandes nations quand il s’agira des nouvelles orientations
en matière sécuritaire. « Les défis sécuritaires de notre temps ont changé de nature et de dimension. Ces défis nous imposent une cohérence d’actions et une meilleure organisation de nos forces de sécurité publique. L’ère du policier ou du gendarme posté au bord de la voie ou dans nos contrées est révolue… », a déclaré hier le chef de l’Etat à la réception du Rapport de la commission d’étude de la création d’une force unique chargée de la sécurité intérieure. C’est dire que sous la rupture, la politique de l’Etat est globale, aucun secteur n’est laissé en rade. D’ailleurs, à quoi servirait ce combat pour le bien être des Béninois, à travers la mise en œuvre du Programme d’actions du gouvernement (Pag), si la sécurité des personnes et des biens n’est pas une priorité ? Mais visiblement, impossible n’est pas Talon. Oser une fusion de la police et de la gendarmerie, deux forces de sécurité publique qui ont évolué jusqu’ici de façon parallèle en termes d’équipements, de formations ou de grades, relève presque de la fiction. Beaucoup en ont ri, le 26 octobre 2016, quand dans son traditionnel compte rendu du conseil des ministres, le secrétaire général de la présidence, Pascal Irénée Koupaki annonçait cette volonté du gouvernement de parvenir à la création d’une force unique chargée de la sécurité intérieure dès 2018. Pourtant, avec le rapport de la commission mise en place, pour se pencher sur la réforme, l’on se rend à l’évidence qu’il n’y aura plus qu’un seul pas à franchir.
L’unité et non la complémentarité
Au dire du Gl Félix Hessou, président de la commission, cette force unique qui sera dénommée ‘’la Police Républicaine’’ aura pour mission le maintien de l’ordre public sur le territoire national et sera capable de faire face à toutes les phases de l’évolution d’une crise. La police républicaine saura concilier les manœuvres militaires et policières. Ce ne sera donc pas une unité mixte. « L’esprit de ce changement ne repose pas sur le tout-en-un, mais la naissance d’une nouvelle force qui gomme les anciennes identités au profit d’une force unique pour la sécurité intérieure. C’est cela le défi le plus important à relever », a laissé entendre le chef suprême des armées, le président Patrice Talon. Pour lui, les menaces auxquelles le monde doit désormais faire face ont pour noms : le terrorisme, la cybercriminalité, le trafic de drogues et de substances illicites de tous genres en bandes organisées dont les modes opératoires sont de plus en plus sophistiqués. Et ces menaces exigent une nouvelle définition des rôles et de nouvelles compétences davantage tournées vers le développement du renseignement. La fusion de ces forces de sécurité publique permettra donc d’anticiper sur les risques à travers la collecte d’informations précieuses. L’union fait la force dit-on. Il ne s’agira aucunement d’une complémentarité.
Au regard des propositions faites par la commission, les agents de la gendarmerie, jaloux de leur formation militaire, qui ne souhaiteraient pas rester dans la ‘’Police Républicaine’’ ont la possibilité d’être accueillis au sein des forces armées béninoises. Ils disposent encore de six mois pour se décider. Car, la police et la gendarmerie seront dissoutes dès le 31 décembre 2017. Il n’y aura plus de Directeur général de telle ou telle force de sécurité publique, mais plutôt un officier général pour commander la troupe.
Plus de syndicats, mais des délégués de personnel
La création d’une force unique chargée de la sécurité intérieure mettra aussi un terme à la durée de vie des différents syndicats qui se livrent une guerre froide au sein de la police nationale. La fin de règne est donc proche pour le Synapolice et le Synagab-police. Qu’ils profitent alors des quelques semaines qui nous séparent de 2018 pour fumer le calumet de la paix. Les forces armées ou de sécurité publique devraient avoir pour dénominateur commun, la discipline, parce que chargées, chacune en ce qui la concerne, de rétablir l’ordre.
Aussi, cette réforme permettra-t-elle de mettre un terme au conflit générationnel et de grade qui sévit au sein de la police nationale. Chacun devra mériter son grade dans la ‘’Police République’’. Les problèmes d’effectifs auront également un début de solution avec cette fusion de la police et de la gendarmerie qui il faut le rappeler, avait déjà été mise à la disposition du ministère de l’intérieur et de la sécurité publique depuis le 16 septembre 2016.
L’Assemblée nationale doit jouer sa partition
- Adrien Houngbédji, président de l’Assemblée nationale
« Je compte sur l’ensemble des institutions de la République dont l’accompagnement est indispensable à la réussite de ce projet. Quant à mon gouvernement, il ne ménagera aucun effort dans la conduite et l’atteinte des objectifs fixés, pour que notre pays puisse disposer d’une nouvelle force de sécurité publique ». Ces mots du président Patrice Talon renseignent sur la prochaine phase de la procédure devant conduire à la mise en place de cette force unique de sécurité publique. En effet, le Bénin est un Etat de droit, et le pouvoir de légiférer est dévolu aux représentants du peuple à l’Assemblée nationale. La Cour constitutionnelle ne procède qu’au contrôle de constitutionalité des lois votées par le parlement.
En invitant les autres institutions à accompagner ce projet, le chef de l’Etat se tourne a priori vers ces instances constitutionnellement établies. Selon le président de la commission, le Gl Félix Hessou six projets de loi devraient favoriser la concrétisation de ce rêve que nourrit le régime du Nouveau départ. Il faudrait repenser tout l’arsenal juridique pour légaliser la naissance de la Police Républicaine, et l’Assemblée nationale doit y jouer un rôle primordial. Il faut d’abord voter les lois, avant d’élaborer les décrets d’application. Une chose est sûre, à terme, la mise en œuvre de cette mesure relative à la fusion des forces de police et de la gendarmerie pour un meilleur quadrillage et déploiement en matière de gestion de la sécurité intérieure, sera l’une des réformes les plus audacieuses sous le régime du Nouveau départ.
19-07-2017, Arnaud DOUMANHOUN