Ce débat reprend de plus belle. Fraîchement réintroduite à l’Assemblée nationale, une énième proposition de révision de la loi n°90-032 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin fait grand bruit. Comme à l’accoutumée, toutes les fois que cette question est agitée dans l’opinion, les réactions aussi contradictoires les unes que les autres fusent de toutes parts. Contrairement à la tentative précédente qui émanait du gouvernement et qui a connu en avril 2017 une fin de non recevoir au parlement, cette fois-ci, l’initiative vient des élus du peuple et revêt un caractère consensuel. En effet, un groupe de députés, désireux d’opérer des réformes ponctuelles qui ne prêtent pas à polémique, a voulu faire bouger les choses. Cette semaine, ils ont déposé sur la table du président de l’Assemblée nationale, une proposition d’amendement de la Constitution. Au nombre de huit, ces députés se sont focalisés sur des points techniques, qui ne sont pas sujets à polémique. Leur action porte uniquement sur quatre réformes à savoir la suppression de la peine de mort, l’amélioration de la représentativité des femmes, le couplage des élections et la création de la Cour des comptes.
Des motivations techniques
Bruno Amoussou, Antoine Kolawolé Idji, Robert Gbian, Mathurin Nago, André Okounlola Biaou, Barthélémy Kassa, Raphael Akotègnon et Arifari Bako ont décidé de parler d’une même voix en faisant une série d’amendements. Le premier vise l’article 15 de la Constitution et concerne la suppression de la peine de mort. Les députés avaient déjà fait cette option au cours du vote de la loi n°2018-16 du 4 juin 2018 portant code pénal. Il apparaît alors opportun que la Loi fondamentale consacre aussi de manière expresse cette volonté du législateur.
Le second amendement est relatif à une nette amélioration de la représentativité des femmes à l’Assemblée nationale. Il est donc envisagé une mise à jour de l’article 81 de la Constitution, quitte à ce que le code électoral en gestation édicte les dispositions particulières en faveur de la gent féminine faiblement représentée dans les instances politiques de prise de décisions.
Dans la même veine, ce groupe de huit députés propose que l’article 80 de la Constitution fasse peau neuve. L’objectif ici est de parvenir au couplage des élections présidentielle, législatives, municipales, communales et locales « afin d’éviter à notre pays d’être constamment en période de campagnes électorales et d’élections et lui permettre de s’atteler davantage aux tâches de développement ». Ce projet implique que la durée du mandat des députés soit portée à cinq ans à compter de la prochaine législature. L’autre précision de taille à apporter à cet effet est que les élections législatives aient lieu 90 jours après l’élection du président de la République.
Le quatrième et dernier amendement vise la mise en conformité de la Constitution béninoise aux dispositions du traité de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) du 29 janvier 2003 qui institue la Cour des comptes dans le but d’assurer une gestion transparente et efficiente des finances publiques. L’amendement porté à l’article 138 sépare les attributions de la Cour des comptes de celles de la Cour suprême.
Adhésion de la minorité attendue
En proposant ces quatre amendements à la Constitution, les députés porteurs du projet et qui sont par ailleurs des soutiens du gouvernement, ont veillé à éviter à de leur initiative, toute polémique. Les points énumérés supra ne sont pas de nature à susciter la polémique. La minorité parlementaire qui s’est déjà illustrée par le rejet d’un projet gouvernemental plus ambitieux de révision constitutionnelle en avril 2017 gagnerait, sur ce coup, à revoir sa position. La majorité parlementaire a prouvé sa bonne foi en mettant seulement en exergue des points de convergence des acteurs politiques, toutes tendances confondues. En affectant cette proposition d’amendement à la commission des lois, le président de l’Assemblée nationale a enclenché la procédure législative. Il est à souhaiter que lors des débats, en commission comme en plénière, les députés brandissent des arguments techniques et harmonisent leurs points de vue pour l’aboutissement de cette réforme. A un moment ou à un autre, le Bénin se doit d’adapter ses textes à certaines contingences. Puisque le Bénin est membre à part entière de l’Uemoa, il se doit de créer la Cour des comptes. De même, la discrimination positive à l’égard des femmes ne peut être consacrée dans une loi si la Constitution ne le permet pas. Idem pour la peine de mort qui doit être abolie par la Loi fondamentale. Quant à la question relative à la tenue des organisations générales, le débat est ouvert d’autant plus que la tendance est au couplage des élections.
Boni Yayi, leader charismatique des Forces cauris pour un Bénin émergent dispose de l’opportunité d’encadrer ses lieutenants, pour qu’au-delà des clivages politiques, les esprits s’accordent sur l’essentiel au nom de la nation. La même attitude est attendue de la part des autres leaders de l’opposition.
29-06-2018, Moïse DOSSOUMOU