La fièvre électorale bat son plein avec la naissance des Blocs politiques. Acteur de la société civile, le pasteur Michel Alokpo fait une analyse de la situation politique sous le…

Le pasteur Michel Alokpo à propos des législative de 2019 : « La situation sociale ne profite pas à la Mouvance »

Le pasteur Michel Alokpo à propos des législative de 2019 : « La situation sociale ne profite pas à la Mouvance »

La fièvre électorale bat son plein avec la naissance des Blocs politiques. Acteur de la société civile, le pasteur Michel Alokpo fait une analyse de la situation politique sous le régime de la Rupture et donne quelques caractéristiques des députés de la prochaine législature. Lisez l’interview qu’il a accordée à votre journal.

 

Matin Libre : Bonjour Pasteur Michel Alokpo, nous sommes à quelques mois des législatives de 2019. Comment appréciez-vous la fièvre électorale caractérisée par la naissance des blocs ?

Michel Alopko : Merci ! Le peuple béninois s’impatiente de voir la date fatidique des élections législatives qui s’annoncent à grands pas. Le Président Patrice Talon veut changer le visage de la classe politique et apporter du sang neuf au sein de l’hémicycle. Le seul inconnu est qui de l’Union progressiste, de la Dynamique républicaine, des Fcbe, du Prd, de l’Udbn, de l’Usl et autres pourra charmer et convaincre le peuple béninois à lui renouveler sa confiance. Avec un peuple déçu et fatigué de la classe politique, qui ne travaille que pour ses intérêts personnels et égoïstes, cette fois-ci, il ne va plus se laisser piéger par les discours des acteurs politiques. Les Béninois ne sont plus prêts à se laisser gouverner par la politique de la ruse et de la rage, ni à se laisser manipuler par des billets de banque pour après croupir dans la misère.

Vous avez parlez tantôt du changement de la classe politique. A votre avis tel que les choses se passent, est-ce qu’il y aura véritablement du sang neuf à l’Assemblée nationale en 2019 ?

Je ne suis pas prophète. Je m’en tiens à ce que je suis en train d’observer. Le positionnement sur la liste va poser un véritable problème. J’ai déjà, dans mes précédents articles, invité le chef de l’Etat à renouveler à l’hémicycle les députés à 70% de sang neuf et 30% pour les « carapaces » qui sont restées à l’Assemblée depuis plus de 15 ans. Et je pense que c’est dans cette dynamique qu’il a associé tous les mouvements qui l’ont soutenu pour la présidentielle. Vous avez constaté que les comités locaux communaux, les comités d’arrondissement qui ont mouillé le maillot pour qu’il soit élu président, tous se sont mis dans la danse. Le nombre de partis politiques au sein de ces blocs témoigne que quelque chose va se passer, que le président Talon ne va pas se laisser dribler par les vieux politiciens.Il va accorder à la jeunesse une place au sein de cet hémicycle. Il va positionner du sang neuf, j’en suis sûr. Mais ce sera avec douleur parce que les vieux députés qui ne vont pas se retrouver sur la liste, dans un bloc comme dans l’autre, ne seront pas content. Le Président avait décidé de faire la promotion de la femme. Je suis qu’il va y revenir. Du côté de l’opposition, avec le regroupement qui s’annonce entre les Fcbe, l‘Usl et la Rb, et vous savez que la Rb ayant été vidée de ses députés ne peut que positionner du sang neuf sur sa liste. Les Fcbe, pareille. Ne parlons pas de l’Usl qui est nouveau sur l’échiquier politique. En résumé, nous auront, sans me tromper, tout compte fait  50% du sang neuf.

Parlons des blocs, le chef de l’Etat voulait tout au plus 2, on en est à 5. Est-ce que ce n’est pas pour lui un échec personnel?

C’est un visionnaire. Au départ, c’était trois blocs qui étaient annoncés, Dynamique républicaine, le Bloc progressiste et le Prd. C’est après qu’il s’est rendu compte que s’il va à trois blocs, ça va être un échec cuisant pour lui. Et c’est pour cela qu’il a demandé au Prd d’intégrer le Bloc républicain. Mais ils ne se sont pas entendus et le Prd s’est retiré. Ce qui va causer un dommage grave pour la Mouvance parce que le Prd n’est pas un petit parti. Les Porto-noviens aiment la compétition. Avec tout ce qui se passe aujourd’hui au congrès du Bloc républicain où on chante deux blocs, où on dit que les Républicains et les Progressistes sont deux frères jumeaux, oubliant le Prd, l’Udbn, la Dud de Houdé, c’est un danger pour la Mouvance. Surtout quand on sait que la Charte des partis impose 10% de l’électorat sur le plan national pour l’attribution des sièges de députés. Le bloc le plus important au niveau de la Mouvance, c’est le bloc Progressiste. Au nord, je me demande comment le Bloc républicain va s’en sortir parce que Yayi Boni et assis là-bas. Sa popularité au nord n’est plus à démontrer. Le Bloc des Fcbe va écraser le Bloc républicain au nord. Au sud, ceux qui sont dans le Bloc républicain ne pèsent rien devant le Prd. Le Prd va écraser le bloc Républicain au sud. Vous avez compris que Adidjatou Mathys était dans le Bloc progressiste. C’est quand Houngbédji s’est retiré qu’elle est retournée au                Bloc Républicain avec les deux ministres. Mais ils ne pèsent rien ces deux ministres. Ils n’étaient pas en politique et le Prd n’est pas un parti d’aujourd’hui. Il a ses racines. Quoi qu’en soit ce qui va se passer, le Prd va sortir du lot. Il aura un minimum de députés.

Ils vont se combattre sur le terrain

Absolument ! Chacun va vouloir défendre et battre campagne l’un contre l’autre. Il ne s’agira pas de dire qu’on est des frères jumeaux sur le terrain de la compétition. Ça c’est du bluff qu’ils ont chanté l’autre jour.  Sur le terrain de la compétition, les députés progressistes qui sont au nord vont se battre. Ils ne vont pas laisser la place aux Républicains de leur damer le pion. Et ça va favoriser le Bloc de l’opposition qui est en gestation. Autre considération, ce que les politiciens ignorent, c’est que la situation sociale aujourd’hui ne profite pas à la Mouvance. Et ça, je veux que le président Talon le sache. Qu’il soit conscient que la Mouvance a une impopularité grave dans l’ensemble du pays. Les gens ont faim, ils ne trouvent pas à manger. Vous n’avez pas donné du travail aux jeunes. Les femmes vont au marché, elles n’arrivent pas à vendre. Et vous voulez les convaincre de voter encore pour vous ? Les réformes entamées certes ne sont pas mauvaises dans leur ensemble mais elles ne profitent pas au peuple. Voyez ce qui s’est passé en France. Je tire un coup de chapeau au président Macron. C’est un homme d’Etat. Il a reculé devant les revendications de son peuple. Il faut à un moment donné faire volte-face et parler avec le peuple. Ce qui a manqué au chef de l’Etat, c’est d’être à l’écoute du peuple. Ce n’est pas les meetings qu’ils font tous les week-ends. Yayi a fait plus que ça. Avec les trois géants partis qui ont soutenu son candidat Lionel Zinsou, il espérait un K.O. Mais il n’a pas eu les résultats attendus. Ça va se répéter.

Mais apparemment l’opposition ne tire pas profit de cette impopularité. On ne la sent pas.

A un moment donné quand l’opposition a vu la naissance des deux grands blocs, ça a attiré leur attention. Parce qu’ils ont vu qu’il y a un danger qui se profile à l’horizon. C’est les intérêts qui divisent les partis politiques. Usl veut aller seul, Azannaï veut aller seul, Fcbe veut aller seul. Aujourd’hui, ils sont condamnés à aller dans un seul bloc. Les jeunes de l’opposition ont tout fait pour les convaincre de se mettre ensemble. Parce que c’est l’intérêt du peuple. Et c’est leur intérêt. S’ils ne se mettent pas ensemble, ils ne peuvent pas gagner la bataille. C’est vrai que l’opposition ne fait pas autant de tapage. L’opposition a une partie du peuple avec lui. Pas tout le peuple parce que au cours de ces élections, vous verrez qu’il y aura beaucoup d’abstentions parce que les gens sont déçus de tous les côtés. Les gens ne vont pas sortir pour aller voter. Et ça va desservir plus la Mouvance que l’opposition. Parce que les mécontents ne vont pas voter pour la Mouvance. Quels que soient les billets de banque qui seront distribués, les gens regarderont demain. Vous me donnez 10 mille francs pour voter pour vous mais après ça je deviens quoi, ma famille, mes enfants ? Je n’arrive pas à payer l’écolage, c’est un véritable problème. Le peuple a pris conscience. Surtout que les hommes du pouvoir ont victimisé l’opposition et les Béninois n’aiment pas ça. Histoire d’électricité du père Soglo, histoire Soglo fils qui a fui le pays, histoire d’Ajavon, de Djènontin. Les députés à qui on a enlevé l’immunité parlementaire ont une famille. Ils ont le peuple qui regarde. Le peuple n’est pas aveugle. Actuellement, tout est en défaveur de la mouvance. Que ça soit les 5 blocs qu’ils ont constitué, la chasse aux sorcières, les poursuites judiciaires contre les leaders de l’opposition alors qu’il y a plein de gens de la Mouvance qui ont des casseroles. Le député Ahouanvoebla l’a reconnu sur Golfe Télévision. Tout le monde est fâché contre le gouvernement. Les centrales syndicales, les magistrats, les enseignants même au sein des forces de l’ordre. On leur a enlevé le beurre. Il y en a qui ont plein de femmes et qui n’arrivent plus à subvenir aux besoins de leurs familles. Voilà la fête de Noël qui s’annonce. Une réforme c’est bon mais il faut faire appel aux sociologues. Moi je me battrai aux côtés du peuple.

Vous êtes aux côtés du peuple ou aux côtés de l’opposition ?

Je suis du côté du peuple qui souffre. Le peuple qui n’arrive pas à manger. Je suis du côté de ceux qui vivent des situations d’injustice. Je suis pour que les acquis de la démocratie soient préservés. Pour moi, notre démocratie est en danger. Je me battrai pour qu’il y ait un équilibre du pouvoir au niveau des institutions de la république. Qu’on ne contrôle pas tous les pouvoirs. Si vous avez tous les pouvoirs, vous serez comme un dictateur. Nous voulons une opposition forte qui puisse dire son mot à l’Assemblée. C’est la France qui nous a éduqués sur les principes de la démocratie mais nous sommes en train de contourner la démocratie française. On n’est plus social dans le pays. C’est seulement un clan qui profite.

Quel est, selon vous, le type de député que le peuple veut en 2019 ?

En 2019, il faut un député qui va aimer son pays et qui va œuvrer pour les intérêts du peuple béninois, un député qui soit prêt à voter des lois dans l’intérêt du peuple et non pour appauvrir le peuple et le contraindre à la misère. Un député qui soit à l’écoute de son peuple et non un député qui va faire la volonté de son chef, de sa formation politique contre les intérêts de son peuple. Un député qui vote des lois qui vont dans l’intérêt des opérateurs économiques béninois importants. Un député qui soit prêt à travailler pour l’unité nationale et pour la cohabitation pacifique des acteurs politiques. Un député qui soit prêt à accepter le jeu démocratique et non à se laisser manipuler par un système machiavélique qui détruit le tissu social, économique et moral. Un député prêt à défendre les droits de l’homme et à œuvrer pour la paix, la justice, les libertés publiques et individuelles. Nous voulons des gens qui réfléchissent, qui vont accompagner le développement économique du pays. Nous voulons des gens qui ont une conviction, qui ne votent pas des lois parce que ça vient d’en haut.

Pasteur Michel Alopko, un mot pour conclure cet entretien

J’invite le peuple béninois à une prise de conscience face au danger qui menace notre démocratie. J’invite le peuple à faire un vote utile afin de changer le destin de notre pays et son propre destin. Que le pouvoir d’argent des acteurs politiques ne change pas le destin de ton pays et ta destinée. Je souhaite qu’on mette fin à l’arbitraire, l’injustice, les coups bas. Je ne recommande pas l’abstention aux élections. Que les Béninois sortent pour exprimer leur vote et qu’ils réfléchissent sur l’avenir de ce pays. Je salue au passage les merveilles que le chef de l’Etat a eu à faire. Je suis pour le renouvellement des partis politiques. Mais ça aussi a ses limites. La Constitution imposée aux partis pour les obliger à se maintenir dans un bloc, n’a pas empêché qu’ils aient 5 blocs au niveau de la Mouvance. Cela veut dire qu’en réalité les mentalités n’ont pas changé.

Propos recueillis par Bertrand HOUANHO