Le ministre de l’Economie et des Finances Romuald Wadagni dans une interview accordée à Jeune Afrique, s’est prononcé sur la réforme du franc CFA et ses conséquences sur l’adoption de la monnaie unique par la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Il s’agit d’une transition qui se fera de manière progressive.
Le samedi 21 décembre marquant la date de la signature de la réforme du franc CFA entre la France et l’Union économie et monétaire des États d’Afrique de l’Ouest (UEMOA) est « un jour historique sur le fond et sur la forme », a déclaré le président du Conseil des ministres de l’UEMOA. Mis en place par les pères fondateurs confie Romuald Wadagni à Jeune Afrique, « ces accords datent d’il y a très longtemps ». Pour lui, « le fait de dire que les Français se retirent de l’ensemble des structures de gouvernance de notre monnaie, que le compte d’opérations soit fermé, qu’il n’y ait plus d’obligation de mettre une partie des réserves : ce sont des éléments structurants importants ».
« Les Français participaient à nos instances pour apporter une expertise, comme cela se passe dans n’importe quel Conseil d’Administration d’une société. Maintenant, nous allons nous réorganiser et choisir des experts qui viendront d’horizons différents », annonce-t-il.
Par rapport aux dispositions concrètes de cette réforme, Romuald Wadagni souligne que « la mise en œuvre prendra le temps qu’il faut ». « Dès la prochaine réunion de nos organes de gestion, il n’y aura plus aucun Français », précise-t-il.
D’après ses explications, l’adoption de la monnaie unique au sein de la CEDEAO est un processus et « l’intégration à l’Eco au sein de la CEDEAO serait graduelle », commençant par les huit pays de l’UEMOA.
Le lancement de la monnaie unique de la CEDEAO est prévu pour 2020. L’argentier national confie que des réunions auront lieu pour « faire le point des pays qui sont capables de rentrer dans la monnaie unique conformément » au programme et au feuille de route publiée en juillet.
L’Eco va conserver la parité fixe et la garantie de convertibilité.
Selon le ministre béninois, « c’est un choix responsable ».
« Il fallait à tout prix que soit consolidé le rythme de croissance dans nos pays et sauvegardé le pouvoir d’achat de nos populations dans un contexte d’insécurité lié aux menaces terroristes. Créer de l’insécurité alimentaire à cause d’une inflation non maîtrisée causerait beaucoup de dégâts pour nos économies et pour la région. C’est la stabilité monétaire qui garantie notre croissance et notre faible inflation », explique-t-il.
M. Wadagni estime que « passer du CFA et avoir en même temps une monnaie qui fluctue n’aurait pas rassuré les acteurs du marché qui auraient pu vouloir retirer leur argent ». « Lorsque nous aurons avancé dans la feuille de route de la CEDEAO, nous verrons comment faire évoluer cette question », ajoute le ministre.
La monnaie unique de la CEDEAO
Par ailleurs, il indique qu’il n’y aura pas un mécanisme précis en ce qui concerne la garantie de la monnaie par la France. Une garantie qui « était couverte par trois dispositions : la présence des Français dans les instances, l’obligation de mettre des réserves de changes et le compte d’opérations ». « Tout cela disparaît. Mais la réalité est que sur les 30 dernières années, nous n’avons jamais eu à solliciter ce mécanisme, à tirer sur les réserves de changes ou à demander la garantie de convertibilité », a-t-il affirmé.
Le ministre Wadagni mentionne que l’accumulation de réserves d’or peut être un instrument. « Une monnaie se gère aussi grâce aux devises et au volume de réserves d’or », note-t-il.
Le président du Conseil des ministres de la zone assure que « c’est à la demande de nos chefs d’État que nous avons souhaité conserver la garantie ». « Nous l’avons obtenue de manière illimitée et sans contrepartie », indique-t-il.
Selon lui, cette mesure ne risque pas de créer une spéculation sur le marché monétaire et c’est d’ailleurs une des raisons que la garantie est conservée. La transition entre le CFA et l’Eco estime l’argentier national est lié à beaucoup de facteurs et la réforme du CFA ne risque pas de retarder le passage à la monnaie unique de la CEDEAO. « Nous appliquerons les paramètres de la monnaie Eco quand tout le monde sera autour de la table. La Banque fédérale avec un régime de change flexible avec six failles d’inflation sera mise en place à ce moment », renseigne-t-il.
Se prononçant sur l’absence de deux pays pas des moindres le Nigéria et le Ghana, il précise : « Il n’y a pas de confusion entre la réforme du CFA et la monnaie unique. Nous restons dans l’agenda de la mise en œuvre progressive ».
Le Nigéria et le Ghana auraient des doutes par rapport à la faisabilité de la monnaie unique. L’argentier national se tient « aux procès-verbaux des réunions de la CEDEAO signés par tous les pays ». « La date de 2020 a été repoussée de nombreuses fois. La question de la monnaie unique était déjà sur la table avant Mouammar Kadhafi. Mais cette fois-ci, les 15 pays de la zone ont décidé de ne pas repousser la date. C’est pour ça que nous avons opté pour une approche graduelle. L’intégration des premiers pays va inciter les autres à suivre », a-t-il conclu.
Akpédjé AYOSSO