Les droits humains sont au cœur des Objectifs de développement durable (Odd) et doivent préoccuper tout le monde. Telle est l’invite de Clément Capo-Chichi, président de la Commission béninoise des…

Clément Capo-Chichi, président de la Cbdh:« L’éducation aux droits humains doit être le travail de tous»

Clément Capo-Chichi, président de la Cbdh:« L’éducation aux droits humains doit être le travail de tous»

Les droits humains sont au cœur des Objectifs de développement durable (Odd) et doivent préoccuper tout le monde. Telle est l’invite de Clément Capo-Chichi, président de la Commission béninoise des droits de l’Homme, à l’occasion de la Journée internationale consacrée à cet effet, ce 10 décembre. Selon lui, l’évolution desdits droits est en demi-teinte au Bénin et pourrait s’améliorer si tous les citoyens en prenaient conscience.

La Nation : Le 28 décembre 2020 marquera les deux ans d’installation de la Commission béninoise des droits de l’Homme (Cbdh). Quel bilan pouvez-vous présenter du chemin fait par votre institution ?

Clément Capo-Chichi : La protection des droits de l’Homme est une quête perpétuelle. C’est un long chemin vers la liberté. Le sens de notre mandat est de travailler à la protection des citoyens. La protection, c’est d’œuvrer au quotidien à ce que l’Etat veille au respect des droits de l’Homme. C’est une obligation de prévenir la violation de ces droits et de rendre justice aux victimes si la violation arrivait à être commise malgré tout. Nous voulons travailler aux côtés de l’Etat à ce que le citoyen jouisse librement de ses droits et que les populations prennent conscience de leur devoir, celui d’aimer la patrie. En deux ans, la Cbdh a relevé le défi de l’existence. Nous avons travaillé à nous faire connaître, à expliquer notre rôle aux côtés de l’Etat, à faire comprendre les rôles et attributions de la commission.

La commission a remis en octobre dernier son premier rapport au chef de l’Etat. Quelle est sa particularité?

Nous avons produit le tout premier rapport sur l’état des droits de l’Homme au Bénin. Tout n’est pas parfait, mais il y a eu des avancées considérables au regard des recommandations faites au Bénin lors de son passage à l’examen périodique universel à Genève en novembre 2017. Le Bénin a mis en œuvre un certain nombre de ces recommandations dont l’installation et l’opération-nalisation de la Cbdh. Notre pays est allé loin en travaillant à ce que les droits économiques et culturels, les droits fondamentaux de la personne humaine puissent trouver un début de mise en œuvre.
La commission s’est penchée sur les violations constatées par elle-même. Il s’agit des violations commises par l’Etat à travers les officiers chargés de mettre en œuvre les dispositions de la loi.
Lorsque les cas de crimes comme le viol sont portés à notre connaissance, nous saisissons les juridictions compétentes. La majorité de nos plaintes vient des prisons. Nous faisons un travail formidable avec le ministère de la Justice à travers l’Agence pénitentiaire du Bénin par rapport à l’amélioration des conditions de vie carcérale des détenus.
Le Bénin a pris des engagements en matière de droits civiques, politiques, économiques et socio-culturels, des droits catégoriels, au développement et à la paix. Notre démarche nous a permis de voir à chaque niveau les avancées et reculs en matière de respect des droits humains et de faire des recommandations. Le Bénin est entré dans un processus de réformes de son arsenal juridique pour répondre à certaines exigences du moment, mais aussi pour régler certains problèmes qui n’honoraient pas notre démocratie. J’en veux pour preuve la réforme intervenue à travers la révision de la Constitution du 11 décembre 1990 en matière d’égalité des citoyens qui permet aujourd’hui aux femmes d’être présentes sur les listes de candidature aux différentes élections dans une certaine proportionnalité. La commission n’a pas voulu s’éterniser sur les violations mais a encouragé ce qui a été bien fait et formulé des recommandations par rapport à ce qui mérite d’être corrigé. Mais on ne peut pas non plus fermer les yeux sur toutes les violations. Si quelqu’un refuse de respecter les lois établies, il devrait en répondre.

Le 10 décembre offre l’occasion de faire un bilan des droits humains. Que pensez-vous du respect de ces droits au Bénin au regard des avancées et reculs que vous venez d’énumérer ?

Tout le monde a un rôle à jouer en matière des droits de l’Homme. L’obligation du respect de ces droits revient fondamentalement à l’Etat. L’Etat, c’est nous tous. Le thème de la journée internationale des droits de l’Homme de cette année intitulé « Reconstruire en mieux, défendons les droits de l’Homme »
vient à point nommé. Cela signifie que chaque citoyen doit apporter sa pierre au processus de reconstruction afin que lesdits droits deviennent réalité dans notre pays. L’éducation aux droits humains doit être le travail fondamental de tous, ceci en permettant à notre pays de tenir compte de la volonté réelle des populations dans ses politiques et actions. Il serait réducteur par exemple de décider à la place des jeunes. Les médias et les jeunes ont un grand rôle à jouer dans ce processus.

En quoi la Cbdh est un soulagement pour les citoyens qui se sentent lésés dans leurs droits ?

Tous les citoyens peuvent saisir la Cbdh par tous les moyens. Nous sommes à l’écoute et travaillons à ce que les violations puissent s’arrêter. Nous sommes heureux des différentes plaintes que nous enregistrons et les différentes conciliations auxquelles nous parvenons. Nous sommes davantage heureux de constater que des parties qui refusaient de se saluer, s’adressent aujourd’hui la parole. Nous devons accorder un peu plus de prix à l’éducation aux droits de l’Homme afin que chacun puisse savoir qu’une vie digne passe par la reconnaissance de l’autre dans ses différences, dans ses convictions. Il y a un véritable travail à faire en ce qui concerne les droits économiques et sociaux. Sans dignité humaine, nous ne pouvons pas générer un développement durable.

Les droits de l’Homme riment également avec les droits des détenus. Que fait la commission en direction des personnes privées de liberté et principalement des femmes détenues en cette période sensible de Covid-19 ?

La commission a décidé de travailler à l’amélioration des conditions de détention des personnes privées de liberté. Cela nécessite un grand engagement de la part de l’Etat. La préoccupation de la commission aujourd’hui est relative à la réinsertion de ces personnes. Une chose est d’aller purger sa peine en prison dans des conditions humaines, l’autre est de pouvoir en ressortir tout en continuant à être utile à la société. Malheureusement, ces personnes sont rejetées. Cela entraîne des cas de récidive parce que certains se sentent plus aimés en prison.
En ces temps de Covid-19, nous travaillons à ce que les familles dont les droits de visite ont été restreints puissent être en communication avec leurs parents détenus. Je voudrais à ce propos remercier l’Agence pénitentiaire du Bénin qui a mis en place un système d’écoute et déployé grâce à l’appui du Pnud des psychologues dans les différentes prisons du Bénin afin d’être un relais à ces personnes. Quant aux femmes et aux enfants, beaucoup d’efforts ont été faits par le gouvernement afin d’améliorer leurs conditions de détention. Nous travaillons à ce que les jugements des personnes en détention préventive puissent être ouverts afin de les fixer sur leur peine.

Quels sont les engagements de la commission pour les années à venir ?

La population carcérale a sa particularité. On met beaucoup de temps à connaître la vérité. Le travail est un peu difficile en ces temps de Covid-19, mais nous essayons de trouver des solutions ensemble avec le système pénitentiaire. Le rêve de la Cbdh est de travailler à l’installation des prisons amies des droits de l’Homme que nous pourrions célébrer à chaque 10 décembre.
L’administration carcérale vit aussi comme une prisonnière. La commission se penche sur leur cas. Il s’agit de jeter un regard compatissant et durable sur le corps pénitentiaire et de l’encourager à faire son travail en toute sérénité et en toute responsabilité pour peu qu’on prenne en compte leurs doléances.
Nous devons relever le défi de la crédibilité envers les pouvoirs publics, les détenteurs de droits et envers le système international de protection des droits de l’Homme. En tant qu’institution, nous devons relever le défi de l’accréditation et travailler à être reconnue par nos pairs comme une institution crédible.