La cherté des produits de première nécessité plonge les populations dans l’incertitude. Mais les efforts des gouvernants combinés aux orientations des institutions sous-régionales en la matière rassurent de ce que l’espoir est permis.
Par Babylas ATINKPAHOUN
Céréales, tubercules, légumineuses, légumes et fruits… Des produits alimentaires de première nécessité devenus de l’or. Difficile pour le citoyen de s’en approcher de peur d’être repoussé par le prix qui n’est plus à la portée de toutes les bourses. Une situation mondiale qui n’épargne aucun pays et dont les causes sont liées aux crises engendrées par la guerre russo-ukrainienne, la pandémie du Covid-19, l’instabilité sous-régionale… Selon les conclusions d’un diagnostic du Réseau de prévention des crises alimentaires, il est urgent d’agir pour sauver les populations et construire les bases de la résilience alimentaire et nutritionnelle au Sahel et en Afrique de l’Ouest. Les experts de ce réseau estiment qu’entre avril 2019 et avril 2024, le nombre de personnes affectées par la crise alimentaire a été multiplié par sept, passant de 5 à 35,3 millions. L’insécurité civile et l’inflation sont, entre autres, les facteurs aggravant la crise. Il a été relevé la détérioration rapide de l’insécurité alimentaire et la malnutrition aigüe suite à la régression de la production céréalière par habitant, malgré une campagne agropastorale 2023-2024 globalement satisfaisante. Conséquence, environ 85 % de la population de la région ne peut pas offrir une alimentation nutritive en raison du coût exorbitant des aliments. Ce qui pourrait hypothéquer l’atteinte de l’objectif de faim zéro d’ici 2030 si rien n’est fait pour redresser rapidement la barre. Face à la situation, des recommandations ont été formulées à l’endroit des institutions sous-régionales dont la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) et le Comité inter-État de lutte contre la sécheresse au Sahel (Cilss). Entre autres, il a été recommandé de mettre en œuvre des actions concrètes pour répondre immédiatement à la crise alimentaire et nutritionnelle actuelle, de saisir l’opportunité de la révision des politiques agricoles pour mettre en place des mesures et des instruments adéquats, favorisant une prévention plus efficace des crises alimentaires récurrentes.
Indicateurs
Selon les informations fournies par la Cellule technique de suivi et d’appui à la gestion de la sécurité alimentaire, structure du ministère de l’Agriculture de l’Elevage et de la Pêche, le prix moyen du maïs enregistré en avril 2024 au Bénin indique des hausses de 15 %, 59 % et 58 % respectivement en glissement mensuel, glissement annuel comparativement à la même période de l’année 2023. En ce qui concerne le riz local, le prix a poursuivi sa tendance haussière où il a été enregistré une progression de +4 % en glissement mensuel suite au recul de l’offre. Comparativement à la même période de l’année dernière et la moyenne des cinq dernières années, les niveaux de flambées sont respectivement de 20 % et 29 %. Le bulletin d’information de cette cellule technique de suivi renseigne qu’à l’instar des autres céréales, le riz importé a connu également une hausse de prix dans le mois d’avril 2024. Idem pour les produits tels que l’igname, le niébé, le gari ordinaire, la tomate fraîche, le piment sec. Le niveau de prix en avril 2024 du gari ordinaire indique des hausses par rapport au mois précédent (+8 %), à la même période de l’année écoulée (+15 %) et à la moyenne quinquennale (+13 %). Le prix moyen de l’igname en avril 2024 est d’environ 375 F Cfa/Kg, indiquant des relèvements de 10 %, 3 % et 12 %, respectivement en glissement mensuel, annuel et relativement à la moyenne des cinq dernières années. Le niébé et les autres produits ne font pas exception à la tendance haussière des prix observée au niveau des produits vivriers. Une flambée générale des prix qui résulte de plusieurs facteurs notamment des flux sortants vers les pays voisins dont le Nigéria, le Niger, le Burkina Faso. Les ponctions faites pour l’alimentation des volailles en prévision à la mise en application de la mesure d’interdiction de l’importation de la viande de volaille congelée et des œufs de table à compter du 31 décembre 2024 ont également eu un impact sur les prix. Sans oublier les spéculations des commerçants qui procèdent à la rétention de stocks.
Franchir le pas
Les recommandations du Réseau de prévention des crises alimentaires aux institutions sous-régionales ont été répercutées sur les Etats membres, qui, à leur tour doivent prendre des mesures idoines à l’interne pour sortir leurs populations de la crise. Prenant tôt la mesure de la situation, certains pays comme le Burkina Faso et le Bénin s’en sortent tant bien que mal comparativement à d’autres pays dont les prix restent plus élevés et les inquiétudes vont grandissantes. Selon le bulletin du mois d’avril 2024 du Système d’information sur les marchés agricoles, le meilleur prix du maïs dans les pays de la sous-région a été enregistré au Burkina Faso avec 259 F Cfa/Kg suivi du Bénin avec 323 F Cfa/Kg. Le Niger, quant à lui a affiché le prix le plus élevé avec 380 F Cfa/Kg. Ce niveau appréciable du prix résulte des diverses mesures prises par les gouvernements des deux pays pour renforcer la sécurité alimentaire et combler le déficit céréalier. Au nombre de ces mesures prises au Bénin, on peut citer l’interdiction temporaire des sorties des produits vivriers du territoire national, l’imposition de droits de douane à l’exportation, la fourniture d’intrants subventionnés aux agriculteurs pour booster la production… Ce qui augure de bonnes perspectives. Toutefois, il faut maintenir le cap et renforcer les mesures de soutien en faveur des populations, notamment les couches les plus vulnérables. Il faut précisément travailler au renforcement du suivi de la mise en application de la mesure d’interdiction temporaire des sorties des produits vivriers du territoire national ; la sensibilisation des commerçants et des organisations paysannes détenteurs de stocks pour une mise en marché des produits ; la mise en place d’un système de collecte des statistiques sur les flux au niveau des grands sites de regroupement et des frontières; la facilitation de l’accès des producteurs aux facteurs de productions notamment les intrants et le crédit en ce début de la campagne 2024-2025. Des mesures qui permettront d’accroitre la production pour renverser totalement la tendance pour le bonheur des populations.
La Nation