La crise politique s’accentue en Thaïlande. La Première ministre Paetongtarn Shinawatra a admis mardi qu’elle « acceptait » sa suspension par la Cour constitutionnelle, le temps que les juges délibèrent…

Thaïlande: La Cour constitutionnelle suspend la Première ministre pour une question d’éthique

Thaïlande: La Cour constitutionnelle suspend la Première ministre pour une question d’éthique

La crise politique s’accentue en Thaïlande. La Première ministre Paetongtarn Shinawatra a admis mardi qu’elle « acceptait » sa suspension par la Cour constitutionnelle, le temps que les juges délibèrent sur des accusations de manquements à l’éthique dans sa gestion des tensions à la frontière avec le Cambodge, brandies par des sénateurs conservateurs.

« J’accepte la décision de la Cour », a-t-elle déclaré aux journalistes devant le palais du gouvernement à Bangkok. « Je tiens à réaffirmer que j’ai toujours eu l’intention d’agir pour ce qu’il y a de mieux pour mon pays. » L’avenir de la plus jeune Première ministre qu’ait connue le royaume, aujourd’hui âgée de 38 ans, s’inscrit en pointillés le temps des délibérations de la Cour, qui peuvent durer des semaines, voire des mois.

Survie politique de la richissime famille en jeu

Ces prochaines semaines, les Shinawatra vont jouer leur survie politique devant les juges qui, par le passé, ont condamné ses membres les plus influents, et dissous leurs partis affiliés. D’autant qu’au même moment, s’est ouvert le procès du chef du clan, Thaksin, accusé de lèse-majesté.

A chaque cycle revient le même nom : Shinawatra, la richissime famille honnie par l’establishment conservateur, qui accuse ses membres de corruption et d’attiser les tensions dans un royaume proclamé indivisible derrière le roi. De leur opposition, ont découlé deux coups d’Etat, en 2006 et 2014 ; des manifestations géantes, certaines réprimées dans le sang ; ainsi qu’une cascade de poursuites judiciaires.

Troisième Shinawatra à occuper le poste de Premier ministre, après son père et sa tante Yingluck, Paetongtarn subit la crise la plus sévère depuis sa prise de fonctions, que ses rivaux ont mis sur le compte de son inexpérience et de son manque de poigne.

Manque de respect à l’armée ?

La polémique enfle depuis un appel téléphonique avec l’ancien dirigeant cambodgien Hun Sen, que celui-ci a partagé en ligne à l’insu de sa cadette, censé faire retomber les tensions à la frontière.

Un parti clé de sa coalition a claqué la porte, en l’accusant d’avoir manqué de respect à l’armée durant sa conversation privée. Elle a notamment comparé un général chargé de surveiller la frontière à un « opposant ».

Malgré ses excuses, une trentaine de sénateurs ont déposé une plainte auprès de la Cour constitutionnelle, en estimant qu’elle a enfreint les « standards éthiques » exigés dans la Constitution pour occuper son rôle.

L’an dernier, pour un cas similaire, les délibérations ont pris environ trois mois, jusqu’à ce que la Cour décide de destituer le Premier ministre d’alors, Srettha Thavisin, en vertu du même article sur l’intégrité des ministres.
Son père jugé pour crime de lèse-majesté
Mardi matin, le roi a validé le remaniement attendu, dans lequel Paetongtarn doit occuper le poste de ministre de la Culture, mais désormais, sa présence semble compromise. Le même jour s’est ouvert le procès de lèse-majesté contre son père Thaksin, un ancien policier qui a fait fortune dans les télécoms avant de se lancer en politique, en présence de l’intéressé.

L’analyste politique thaïlandais Thitinan Pongsudhirak a déclaré à l’AFP qu’il existait un lien direct et indéniable entre les deux affaires, la marque de la famille Shinawatra étant confrontée à une « dilution critique ».
Thaksin, 75 ans, est accusé d’avoir insulté le roi et sa famille dans un entretien publié dans un journal sud-coréen en 2015, quelques mois après le putsch ayant visé sa soeur Yingluck.

Les auditions de son procès sont programmées tout le long du mois de juillet. Le magnat des télécoms nie avoir tenu des propos diffamatoires. La justice a l’habitude d’avoir la main lourde pour faire respecter la loi sur la lèse-majesté, l’une des plus sévères au monde. Des groupes de juristes et des militants des droits humains ont régulièrement critiqué l’instrumentalisation de cette loi pour bâillonner les voix critiques de la monarchie et de ses alliés.

20minutes.fr