Dans le quizz politique béninois il va falloir apprendre désormais à relier le 4 avril au 2 août pour mieux décoder certaines décisions du Conseil des ministres. La décision de…

Dessous du retrait de la licence à Bbcom : Le silence qui confirme l’acharnement politique

Dessous du retrait de la licence à Bbcom : Le silence qui confirme l’acharnement politique

Dans le quizz politique béninois il va falloir apprendre désormais à relier le 4 avril au 2 août pour mieux décoder certaines décisions du Conseil des ministres. La décision de révocation de la licence d’exploitation des fréquences Gsm accordée à Bbcom en 2007 pour une durée de dix ans et prorogée de cinq ans supplémentaires est un cas d’école. En effet, au regard des éléments du dossier et surtout du mutisme pesant des acteurs ayant été à la fois juges et parties, il est plus qu’évident que l’ultime sanction infligée à Bbcom n’est autre que  la matérialisation des mesures de rétorsion contre le promoteur de l’entreprise Issa Salifou qui a dû avoir la « mauvaise inspiration » de contribuer à faire du 4 avril 2017 la journée sombre des réformes institutionnelles, en  votant contre la prise en considération du projet de révision de la Constitution, projet phare du quinquennat de Patrice Talon. Dès le 18 avril l’Autorité de Régulation des communications électroniques et des postes (Arcep)  se manifeste par la première étape du mécanisme huilé devant aboutir à la « punition » du député téméraire. Le 2 août, comme dans un cirque le gouvernement déroule. Pour le commun de l’opinion tout semble cohérent. Pourtant ce dossier n’est autre qu’un cas typique d’acharnement politique, de règlement de comptes à l’encontre d’un député dont le tort est d’user librement de sa liberté dans ce pays se réclamant pourtant d’« Etat de droit ».

Des compatriotes s’étonnent du ralliement à Patrice Talon et à son navire de la « Rupture » de certains sbires du régime Yayi. Mais les plus intelligents semblent en connaître les raisons profondes : s’offrir une tranquillité aussi bien dans leur vie quotidienne que dans leurs affaires. Car ayant côtoyé, pour la plupart, Patrice Talon dans l’ombre de l’ère Yayi, et ayant eu, pour certains, accès à certaines pièces de l’épisode 2012-2013, ils savent combien l’homme d’affaires devenu Président de la République supporte mal d’échouer et surtout avec quelle ténacité il conduit ses processus de vengeance. De son côté le député Issa Salifou  a préféré faire fi de cette épée de Damoclès  permanente pour affronter son destin et surtout assumer sa liberté. Ce faisant il pousse, consciemment ou non, le Président Patrice Talon et son gouvernement à la faute.  Ainsi, dès le 18 avril 2017,  moins de quinze jours après l’échec cuisant infligé au projet présidentiel à l’Assemblée Nationale, sur fond de corruption dénoncée par la doyenne d’âge Rosine Soglo, Bbcom, la seule entreprise d’Issa Salifou que l’état de santé fragile exposait à une certaine vulnérabilité, reçoit le 1er signe des mesures de rétorsion : la sanction de l’Arcep. Le sort de l’opérateur Bbcom lié à Issa Salifou est ainsi scellé. Le rejet par l’Arcep du recours formulé par l’opérateur ne pouvait qu’être anecdotique : le Gouvernement sait bien, par l’Arcep qu’il a illégalement maintenu en place, que l’investisseur nigérian ayant racheté 90% des actions de Bbcom avait conditionné le payement de la transaction par le démarrage effectif de ses activités. Du coup, en révoquant la licence Patrice Talon et son gouvernement privent ainsi Issa Salifou de la manne issue de la vente des 90% des actions qu’il détenait. La décision du Conseil des ministres en sa séance du 2 août vient assouvir cette soif de vengeance.  Mais règle-t-elle pour autant le problème ? Pas si évident car cette fois-ci les secrets sont dehors.

Le chantage comme mode de gouvernement

Ce dossier révèle au grand monde la méthode Talon et le peu de souci qu’il a de la consolidation des bases de l’Etat de droit. Déjà le Président Boni Yayi le soupçonnait de « tenir » les institutions de la République par l’argent. Aussi les épisodes « empoisonnement » et « tentative de coup d’Etat », laissent bien des Béninois pantois malgré les décisions de justice. Depuis son avènement à la magistrature suprême il ne cesse de donner l’impression d’être plus à son service personnel qu’à celui de l’Etat. On se rappelle encore son « J’aviserai » par rapport à son éventuelle candidature en 2021, lui qui, dans son discours d’investiture parlait encore de son « unique mandat ». Son échec à faire recevoir son projet de révision de la constitution a été plutôt perçu comme un défi à son pouvoir par des opposants qui devront ainsi payer pour leur forfait. Dès cet instant il a abandonné toute posture dans laquelle il s’est muré au nom d’une prétendue « Rupture ». Il tombe le masque, ne reculant plus devant rien pour écraser tous ceux qui ont pu lui résister. Ce sentiment, loin d’être une vue de l’esprit est partagé par les concernés. C’est ainsi que dans le montage grossier relatif à la perquisition au domicile de Léhady V. Soglo alors maire de la ville de Cotonou, Mme Rosine Soglo ; sa maman, doyenne d’âge à l’Assemblée nationale déclarait qu’en réalité ce n’était pas Léhady qui était visé, mais elle. Tout simplement parce qu’elle avait dénoncé la corruption des députés avant le vote de prise en considération du projet de révision de la constitution, ce qui a dû jouer dans le rejet. Depuis lors elle savait qu’elle n’était plus en odeur de sainteté dans la sphère Talon. Ne pouvant s’attaquer directement à elle pour l’humilier, alors on s’en est pris au « maillon faible »… Tout est dit. Et dans le dossier Bbcom, le maillon faible c’est Issa Salifou. Mais là et en attendant que l’intéressé rompt le silence, il va sans dire que c’est la démocratie béninoise qui est en péril. Opérateur économique lui-même, ayant par ailleurs bénéficié des largesses des pouvoirs, Patrice Talon est décidé à mener la vie dure à tous les autres opérateurs dont il convoite les affaires ou qui lui résistent. Un acharnement sur fond d’abus de pouvoirs qui n’a rien de démocratique, mais qui semble recevoir le consentement général, si on s’en tient au silence observé face à tous ces abus. Jusqu’où laissera-t-on aller Talon avant d’arrêter la saignée ? Avis à la société civile désormais dans « la sauce » et à tous ceux qui ne veulent pas que le Bénin devienne un Etat de règlement de comptes au sommet du pouvoir !

Mike MAHOUNA