Face à la polémique autour de l’utilisation du glyphosate au Bénin et de ses conséquences pour les populations, le ministre de l’Agriculture, de l’élevage et de la pêche, Gaston Dossouhoui,…

Gaston Dossouhoui à propos de la polémique autour du Killer 480 SL: «Le glyphosate n’est pas le problème, c’est la production record du coton qui fait mal»

Gaston Dossouhoui à propos de la polémique autour du Killer 480 SL: «Le glyphosate n’est pas le problème, c’est la production record du coton qui fait mal»

Face à la polémique autour de l’utilisation du glyphosate au Bénin et de ses conséquences pour les populations, le ministre de l’Agriculture, de l’élevage et de la pêche, Gaston Dossouhoui, est monté au créneau ce jeudi, 23 août. Au cours de la conférence de presse organisée dans l’enceinte de son ministère à l’occasion, Gaston Dossouhoui a balayé du revers de la main des accusations qui n’ont pas lieu d’être. A l’en croire, cette polémique est orientée par les détracteurs du régime en place afin d’influencer la production cotonnière en cours. 

Après une brève mise au point sur les circonstances qui ont suscité cette conférence de presse qui fait suite aux explications, sur les réseaux sociaux, de son collègue du Cadre de vie et du développement durable, Gaston Dossouhoui a expliqué la procédure d’importation au Bénin, des produits phytosanitaires. « Tout produit phytopharmaceutique est régi par une loi et cette loi recommande que tout importateur ou distributeur soit  agréé ». Au Bénin, a expliqué le ministre, pour qu’un produit soit homologué, il suit des étapes. Et l’homologation est accordée par le comité national d’agrément des pesticides. Le produit à polémique ici, le glyphosate en l’occurrence, a suivi tout ce parcours, a rassuré Gaston Dossouhoui qui s’est aussi expliqué sur sa toxicité. A l’en croire, pour évaluer la dangerosité d’un produit, il faut déterminer sa classification selon l’Organisation mondiale de la santé.  Des explications du ministre, on retient que la formulation du glyphosate utilisé au Bénin est le Killer 480 SL, et que ce dernier appartient à la troisième catégorie, la catégorie des produits peu dangereux. « Le produit n’attaque que l’herbe, il n’attaque pas le sol, ni les éléments organiques qui sont dans le sol et qui assurent sa vie »  a rassuré le ministre. Il fait savoir aussi que le glyphosate s’utilise depuis un bon bout de temps au Bénin, et que « ça n’a jamais fait d’hécatombe, ça n’a jamais créé des cancers connus, ça n’a jamais tué des gens ». « Il ne créé aucun dégât sur l’environnement, ni sur la santé des populations », a martelé le ministre. Gaston Dossouhoui s’est également appesanti sur les différentes précautions observées dans l’utilisation du produit. Des précautions qui ont été enseignées aux paysans pour se protéger. Pour Gaston Dossouhoui donc, il n’y a pas péril en la demeure et les racines de la polémique qui a cours depuis quelques temps déjà au Bénin sont ailleurs : « Les gens ont vu nos prouesses dans la production cotonnière depuis notre arrivée. Ils ont peur que nous allions  au-delà des 600 milles tonnes ». Pour le ministre, Gaston Dossouhoui en somme, le débat qui se fait au sein de l’opinion n’est pas scientifique, ni technique, mais purement politique.

LE GLYPHOSATE AU BENIN

  1. Point d’actualité sur le plan international au tour du Glyphosate

Depuis quelques temps, il n’est plus un secret pour personne de la persistance d’une rumeur autour de l’utilisation de l’herbicide à base Glyphosate.

Le Ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche (MAEP) a voulu apporter quelques éclaircissements sur cette question sensible qui touche à la santé de la population et à l’environnement. La communication précédente du Ministère du Cadre de vie a permis de comprendre les dispositions prises dans le cadre de la convention de Rotterdam pour réduire le taux d’intoxication aux pesticides.

Ce débat ne se mène d’ailleurs pas que dans notre pays, il se mène aussi hors de nos frontières par l’intermédiaire des laboratoires de renom et des opinions différentes relayées par la presse internationale. En voici quelques exemples :

Le 10 mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), qui dépend de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), classe le glyphosate comme « cancérigène probable pour l’homme » donc la preuve que le produit est cancérogène, n’est pas établie.

Le 12 novembre 2015, l’Agence de sécurité alimentaire européenne (Efsa), estime qu’ »il n’y a pas de lien de causalité entre l’exposition au glyphosate et le développement de cancer chez les humains ».

De son côté, le 12 février 2016, l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation de l’environnement et du travail (Anses) de France, déclare ne pas disposer de suffisamment de preuves pour classer le glyphosate comme substance potentiellement cancérogène pour l’homme.

Dans la même période  » L’ensemble des agences de sécurité sanitaire ont tranché : le glyphosate est sûr pour le consommateur comme pour l’utilisateur ».

Le 15 mars 2017, l’Agence européenne des produits chimiques (Echa), soupèse à son tour les risques liés à l’usage du glyphosate et déclare qu’il pourrait causer des lésions oculaires graves, sur le long terme.

Tout récemment (10 août 2018), MONSANTO a été condamné en première instance par un tribunal américain pour n’avoir pas inscrit sur l’étiquette il y a 20 ans la mention « si on n’utilise pas correctement le ROUNDUP, il y a danger ».

Le Bénin est membre du Comité permanent Inter Etat de lutte contre la sècheresse dans le Sahel (CILSS). Rappelons, que récemment le Comité Sahélien des Pesticides (CSP) du CILSS vient d’homologuer en mai 2018 plus de 10 produits différents comportant le glyphosate comme matière active.

  1. Historique

Le glyphosate est un acide organique faible de synthèse, découverte depuis 1950. Il est doté d’une puissante propriété herbicide et est breveté en 1974, puis fabriqué et commercialisé par la multinationale Monsanto sous le nom commercial de Roundup.

Tombé dans le domaine public depuis 2000, le glyphosate est aujourd’hui le désherbant le plus vendu dans le monde. Il entre dans la composition de plus de 750 produits, fabriqués par plus 90 firmes agrochimiques. Ce produit était à l’origine considéré comme le désherbant des rails utilisé par les cheminots. Mais, l’avènement du transgénique a popularisé son utilisation à cause de sa sélectivité vis-à-vis des cultures OGM comme le soja, le maïs, le coton etc. L’utilisation des herbicides entre dans les habitudes des producteurs africains et en particulier des producteurs béninois vers l’année 2005.

  1. Dispositions règlementaires au Bénin

L’utilisation des pesticides en agriculture en République du Bénin est régie par la loi phytosanitaire 91-004 du 11 février 1991, qui en son article 15, stipule que ‘’ pour pouvoir être importés, fabriqués, conditionnés pour mise sur le marché national et utilisés, les produits phytopharmaceutiques devront obtenir un agrément’’. A cet effet, il est créé un Comité National d’Agrément et de Contrôle des produits phytopharmaceutiques (CNAC) qui est l’organe chargé d’examiner les risques de toxicité des produits phytopharmaceutiques à l’égard de l’homme et de son environnement.

Au Bénin le glyphosate est homologué sous plusieurs noms commerciaux. Comme tous les autres pesticides son homologation provisoire n’est accordée par le Comité National d’Agrément et de Contrôle des Produits Phytopharmaceutiques (CNAC) qu’après étude favorable des paramètres tels que la toxicologie, écotoxicologie, l’impact environnemental, l’efficacité biologique et les limites maximales de résidus. Depuis la libéralisation du sous-secteur intrants dans les années 90, les herbicides au même titre que les autres intrants font objet d’un appel d’offre internationale, cependant l’Etat assure la qualité des herbicides commandées et leur disponibilité à temps. Il faut retenir que l’Etat ne commande pas de produit.

  1. Les caractéristiques du produit

Selon les normes de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et en fonction des formulations, les pesticides sont regroupés dans cinq (5) classes selon leur dangerosité. Il s’agit de la classe Ia (extrêmement dangereux), classe Ib (très dangereux), classe II (modérément dangereux), classe III (peu dangereux) et U (susceptible de présenter un danger). Il est important de préciser qu’au Bénin au cours de la campagne agricole 2018-2019, les producteurs ont utilisé Killer 480 SL qui est de la classe III donc peu dangereux.

Le glyphosate est un herbicide systémique, non sélectif. Il entraine la destruction totale des parties aériennes et souterraines des mauvaises herbes annuelles ou vivaces Il n’a pas d’action sur les graines dans le sol et n’est pas absorbé par les racines des plantes.

  1. Usage et technique d’application du glyphosate au Bénin

Le glyphosate est utilisé au Bénin pour le désherbage des champs avant l’installation des cultures afin de réduire la pénibilité du travail des producteurs et combler le déficit en main d’œuvre. Son utilisation réduit de façon significative la concurrence des mauvaises herbes. La dose recommandée est de 3 litres à l’hectare contrairement aux pays industrialisés où elle atteint 10 litres/ha. Son épandage est réalisé après sa dilution dans une certaine quantité d’eau sous forme d’une bouillie. Ce mélange est épandu avec des appareils à pression entretenue ou avec des appareils TBV (très bas volume) positionnés à 20 cm au-dessus des mauvaises herbes. Dans ces conditions les jets sont dirigés vers la cible que constituent les adventices et tout contact avec le traiteur est très limité. Par contre, dans les pays ou l’agriculture est hyperintensive la dose est plus importante (plus de 10 litres par ha) épandue par aéronef sur les monocultures génétiquement modifiées (soja, maïs, riz et coton).

  1. Effet du produit sur l’environnement

Le glyphosate se dégrade rapidement en acide aminométhyl phosphonique (AMPA), puis en substances naturelles présentes comme le dioxyde de carbone et les phosphates. Sa dégradation rapide contribue à son profil favorable d’innocuité environnementale.

Dans le sol ou dans l’eau, le glyphosate est détruit par biodégradation sous l’effet dles rayons solaires, de la matière organique et des microbes. L’insolation étant plus forte dans nos pays africains que dans les pays tempérés, sa rémanence est beaucoup plus faible si bien que deux à trois semaines après son application les mauvaises herbes repoussent.

  1. Les mesures d’accompagnement des producteurs

Pour une utilisation correcte respectueuse de l’environnement, les services spécialisés du Ministère en charge de l’Agriculture organisent périodiquement des campagnes de sensibilisation et d’information des producteurs sur la bonne utilisation des pesticides avant, pendant et après application.

A ce sujet le gouvernement du Président Talon a initié depuis plus d’un an un projet de Transition Agroécologique financé par l’AFD qui est dénommé TAZCO (Transition Agroécologique en Zone Cotonnière). Son objectif est de recycler le mulch issu des cultures de rotation pour couvrir le sol, le protéger contre les intempéries, augmenter la matière organique et réduire l’évapotranspiration du sol. Cette pratique est soutenue par des plantes de couverture, par la promotion de la motorisation intermédiaire pour le travail minimum du sol. La conséquence de cette pratique est de réduire au maximum l’usage des herbicides en favorisant la défense naturelle de la culture contre les mauvaises herbes.

Pour l’instant ce projet est mis en œuvre en milieu contrôlé et en milieu paysans dans quelques villages des zones cotonnières pour recueillir les données agronomiques, socioéconomiques et écologiques.

Après avoir tiré les leçons de l’analyse de ces données il y aura une phase de mise à l’échelle dans un avenir très proche qui étendra le concept progressivement à toutes les zones agroécologiques du Bénin.

  1. L’alternative au glyphosate et perspective

Aujourd’hui il n’y pas d’alternative au glyphosate et cela s’explique par la difficulté de la recherche au niveau mondial pour trouver des molécules de substitutions. Le processus de recherche et d’homologation d’une nouvelle matière active exige au minimum dix (10) ans.

Devrons-nous estimer à ce stade qu’il n’y a aucun risque à son utilisation ? Absolument non, étant entendu que tout produit pharmaceutique ou phytopharmaceutique présente un minimum de risque et lorsque ce risque devient important pour la population, nous nous devons de prendre les mesures permettant d’éliminer ce risque. Nous l’avons fait par le passé sans tambour battant en suspendant de concert avec le CSP du CILSS, le paraquat et l’atrazine qui sont aussi des principes actifs herbicides.

Toutefois toute décision conduisant à la suspension d’un produit a besoin d’un moratoire de quelques années, le temps nécessaire pour se préparer à la sortie définitive du produit en recherchant des solutions alternatives.

Il est important pour nous de songer de façon permanente à améliorer le revenu des producteurs, à réduire la pénibilité des travaux champêtres pour soulager nos vaillants producteurs et à préserver leur santé. Dans le même temps nous devons travailler au maintien de la fertilité des sols pour augmenter les rendements des cultures vivrières et des cultures de rente dans le respect de l’environnement.

 

Yannick SOMALON