Malgré la dureté de ses conditions de détention, le professeur Frédéric Joël Aïvo qui est accusé depuis le 16 avril dernier de tentative de déstabilisation et de blanchiment d’argent, prépare son procès dans une relative sérénité. Même s’il n’a pu voir que peu de personnes depuis son incarcération, le professeur de droit constitutionnel s’efforce de faire en sorte que sa détention ne pénalise pas ses étudiants. Voici comment Joël Aïvo a passé ces trois derniers mois derrière les portes de la prison civile de Cotonou.
A mesure que passent les jours, la maison d’arrêt de Cotonou où séjourne Frédéric Joël Aïvo depuis le 16 avril dernier commence à livrer ses secrets sur la vie du professeur de droit constitutionnel. Enfermé 24 heures sur 24 dans une cellule insalubre et bondée de monde – les autorités pénitentiaires lui ont changé de cellule depuis le 9 juin 2021 suite à son infection au Covid-19. L’opposant dont la candidature à l’élection présidentielle d’avril 2021 a été invalidée ne sort que pour recevoir les rares visites qui lui sont permises. Les rares ex-pensionnaires de cette maison d’arrêts qui osent en parler décrivent l’effervescence sur la cour de la prison à chacune des sorties du professeur. Sur le long trajet qui sépare sa cellule du parloir, le candidat du FRD est accueilli par les viva de nombreux autres prisonniers qui scandent son nom et le couvrent de prières et de bénédictions, sans se laisser impressionner par la présence quasi permanente des policiers qui gardent le prisonnier le plus célèbre de Cotonou.
Qui voit-il ?
Dans cette épreuve, et dans le climat de peur généré par son arrestation, très peu de personnes se sont précipitées à la prison civile de Cotonou pour voir l’initiateur du Dialogue Itinérant. D’ailleurs, seul un cercle très réduit de personnes est autorisé à le voir. A leur tête, son épouse apparaissant deux fois par semaine, les bras chargés de vivres pour le professeur. C’est, dit-on, le visiteur le plus régulier du professeur depuis le 16 avril 2021. Outre sa femme, les deux frères du candidat du FRD se relayent à son chevet pour établir le lien avec la grande famille.
Dans la galaxie rassemblement, le dispositif politique du professeur Aïvo, deux personnes, toutes des femmes, se succèdent à la prison civile de Cotonou pour prendre des nouvelles de leur leader et servir de pont avec le reste de la galaxie. Plusieurs autres amis du professeur qui se sont présentés à la porte d’entrée de la maison d’arrêt de Cotonou pour voir l’opposant auraient essuyé le refus des agents en faction. Ses proches confirment que durant la période de sa maladie, un de ses amis médecin, vivant à Paris, avait fait le déplacement sur Cotonou et avait pu le voir. D’après nos sources l’intervention de ce médecin franco-béninois aurait largement contribué à sauver la vie du professeur. De nombreux étudiants et collègues enseignants ont été refoulés aux portes de la prison. D’autres représentants de la diaspora aussi. Des soutiens « dialogueurs » venus de Porto-Novo et d’autres régions du pays n’ont pas eu plus de chance.
Comment prépare-t-il son procès ?
En dehors de son épouse, les avocats du professeur sont les visiteurs les plus fréquents. La non disponibilité du dossier d’accusation ne semble pas avoir émoussé la combativité du détenu et de ses avocats. Depuis le début de sa détention, le professeur consulte en effet régulièrement ses avocats. Me Nadine Dossou-Sakponou (également avocate de Reckya Madougou) a gardé un contact constant avec l’opposant. Elle est régulièrement signalée à la maison d’arrêt, de même que les sept autres conseils qui préparent avec lui le procès tant attendu. Nos sources aperçoivent régulièrement Me Elvis Dide, Me Carlos Agossou, le professeur agrégé Barnabé Gbago, Me Aboubacar Baparapé et Me Eliane Ague-Adoté. Quant au professeur Ludovic Hennebel qui a multiplié les sorties dans les médias nationaux et internationaux depuis un peu plus d’un mois, il gère, en intelligence avec ses confrères béninois, les procédures internationales en lien avec le dossier. Ensemble, ils n’ont aucune forme de doute sur l’acquittement de leur client, pour peu, espèrent-ils, que les juges de la CRIET garantissent les conditions d’un procès équitable basé sur le contradictoire et le respect des droits de la défense. Car, soutiennent-ils « les accusations contre Joël Aïvo ne reposent sur rien de concret ».
Professeur même en prison ?
Professeur jusqu’au bout, même en détention, le professeur de droit constitutionnel continue de s’investir dans ses activités académiques, du mieux que lui permettent ses conditions de détention. Les doctorants du professeur disent être restés en contact avec lui pour leurs thèses de doctorat. Le professeur aurait-il continué de lire et de corriger les travaux de ses doctorants ? Toujours est-il que depuis Avril, plusieurs thèses ont fait l’aller-retour entre l’université d’Abomey-Calavi et la prison civile de Cotonou grâce à l’un de ses assistants à l’université d’Abomey-Calavi. Depuis son arrestation, le professeur a lu et corrigé une demi-dizaine de thèses et donné son quitus à deux doctorants pour la soutenance de leurs thèses. Toujours par l’intermédiaire de son assistant, l’universitaire continue de gérer ses épreuves dans les masters et signe les rapports de soutenance de thèse.
M.M