Candide Azanaï va jauger demain sa popularité réelle. Voir s’il a encore cette force de frappe qui lui a permis en 2015, un certain 04 mai, de mettre Cotonou en ébullition en quelques minutes. Presque deux années plus tard, l’ancien ministre organise avec son parti demain jeudi, une célébration en souvenir de ce jour sombre où la ville de Cotonou a basculé dans une violence primaire. On a pu dire à l’époque qu’il y a une force au-dessus de la force militaire, celle du peuple. Le général de la rue a gagné ses galons en résistant à mains nues au système Yayi qui a clairement vacillé ce jour-là. Deux ans après, Candide Azanaï éprouve forcément la nostalgie du jour glorieux. Il aura opportunément l’occasion de rappeler ce qu’il fut et ce qu’il fit, lui qui aujourd’hui, malgré sa fracassante démission, cherche encore un point d’appui, une nouvelle virginité. Mais il sait qu’il ne pourra pas se dire innocent d’un régime qu’il a porté à bout de bras. La posture de l’invective qui lui a si bien marché sous Boni Yayi et même sous Mathieu Kérékou, sera ici éculée. Parce qu’en tant que tel, il aurait vendangé sa crédibilité personnelle et celle de son parti, en cherchant à diaboliser celui que, il y a seulement quelques mois, il encensait encore, malgré toutes les contingences. Il lui faut surtout mesurer sa popularité au regard de l’acte potentiellement contradictoire qu’il a posé en démissionnant et en faisant échec à la révision.
Mesurer cette popularité est d’autant plus nécessaire pour lui que depuis son départ du gouvernement le 27 mars 2017, depuis qu’il s’est volontairement éloigné de l’épicentre du pouvoir, le régime Talon a subi des revers cinglants desquels il tente de sortir à la vitesse grand V.
En sautant du train sans prévenir, Candide Azannaï a provoqué un électrochoc réparateur. Il faut aussi croire que les revers successifs enregistrés devant la Cour Constitutionnelle ont donné le coup de grâce à la superbe de ceux qui ne voulaient qu’en faire à leur tête au sein de l’équipe. Certaines postures arrogantes ont disparu et l’on sait désormais qui est qui. On peut dire que Talon a écouté les cris de détresse de ceux qui lui demandaient d’aller plus prudemment. Déjà, le régime se muscle et tente de recoller les morceaux, en sortant résolument des impasses inutiles. Peu à peu, on voit émerger sous nos yeux, une autre étoffe, celle du politique qui jusque-là avait été jetée aux orties. On avait supprimé les tournées gouvernementales dites d’explication, elles ont repris avec force…
Et c’est précisément ce qui donne à Candide Azannaï toute la délicatesse de sa posture. Voilà aussi pourquoi il a du mal à avoir un discours pertinent pour son électorat. Pourquoi depuis son coup de sang du 27 mars, il s’est emmuré dans un silence aussi long qu’énigmatique. J’entends d’ici les cris furieux des militants qui y avaient cru, lorsqu’en 2016 le président de Restaurer L’Espoir leur avait présenté Patrice Talon comme un cheval blanc immaculé. Comment a-t-il pu se transformer si brusquement et si facilement en démon en moins d’un an ? Certains iront jusqu’à rappeler comment ce même Azannaï s’est battu becs et ongles pour montrer l’utilité de la révision, notamment en ce qui concerne le mandat unique. Moins d’un an plus tard, le vote de son député Guy Dossou Mitokpè est allé aux antipodes de ces proclamations électorales vite oubliées. Qui donc a trompé qui ?
On ne combat pas un lion à mains nues. S’il choisit d’affronter Patrice Talon, son vieil ami, il lui faudra expliquer à tous ceux qu’il avait convaincus, comment il n’a pas été assez lucide pour prévoir dans le cristal de son expérience, les inconduites qui l’ont amené à s’en aller.
Ce que je veux dire, c’est que pour sa propre crédibilité dans les luttes à venir, Patrice Talon n’a aucun avantage à voir partir un combattant qui s’est sacrifié pour lui. De la même manière, Candide Azanaï qui a politiquement bien joué en ne laissant pas le boulevard à la RB au moment où le Chef de l’Etat fonçait droit dans une impopularité irréversible, n’aura aucune crédibilité dans le futur s’il adopte la posture de l’irréparable invective. Ni même s’il coalise avec d’autres chapelles qu’il avait combattues il y a à peine un an.
Et aux prises avec toutes ces inconstances du temps, il est fort probable qu’il continue à observer son silence. Au fait, qui vous a même dit qu’il parlera demain ?
Par Olivier ALLOCHEME