Asilenu, 80 ans, est père de cent (100) enfants de 12 mères différentes. Le vieil homme vit avec sa famille dans un village de 600 habitants appelé Amankrom, à 45 minutes de la capitale ghanéenne, Accra. Comme la plupart des gens qui multiplient leur progéniture de la sorte, il ne s’est jamais posé la question : et si chaque habitant du village devrait avoir 100 enfants, que deviendrait Amankrom et que deviendraient les enfants eux-mêmes ? Non, Kofi Asilenu n’y pense pas. Il en veut même encore, au point d’avoir failli épouser sa propre fille, il y a trois ans.
A vrai dire, même sans atteindre ce niveau de performance, Kofi Asilenu est comparable à certains taureaux béninois ou africains qui font de la multiplication des enfants une couronne de gloire. Ils en tirent une fierté d’être parvenus à devenir carrément des hyperboles vivantes de la procréation. Ce n’est certainement pas à ces cas anecdotiques que pensait le président français, Emmanuel Macron ce samedi 08 juillet 2017, lorsqu’il lançait ses fameuses piques « civilisationnelles » à la procréation des femmes africaines. « Quand des pays, aujourd’hui, ont encore 7 à 8 enfants par femme, vous pouvez décider d’y dépenser plusieurs milliards d’euros, vous ne stabiliserez rien », a-t-il dit aux journalistes en marge du sommet du G 20.
Le tollé général suscité par ses déclarations est à la mesure de l’hypocrisie des uns et des autres. Le président français, sur ce chapitre précisément, n’a fait que dire en mots simples ce que disent les statistiques les plus sérieuses depuis plusieurs années. Le dernier rapport du Fonds des Nations Unies pour la Population le confirme d’ailleurs à suffire. En 2017, 60% de la population africaine a moins de 25% et seulement 5% a plus de 60 ans, alors qu’en Europe ce sont 25% qui ont moins de 25 ans et les 60 ans et plus font encore 25% de la population. Si avoir une population abondante et jeune peut constituer une main-d’œuvre bon marché et disponible, cela constitue tout de même un redoutable défi. Comment nourrir, soigner, éduquer aujourd’hui toutes ces dizaines de millions de personnes, dans un contexte de rareté des ressources ?
L’autre défi réside immanquablement dans l’avenir. Car, d’ici 2050, la population africaine pourrait doubler, atteignant 2,4 milliards de personnes, avant de s’établir à 4 milliards vers 2100. Concrètement, selon les données de la Banque Mondiale, le continent a enregistré ces quatre dernières années, une croissance économique moyenne de 4,5%. Il s’agit d’une performance remarquable lorsqu’on la compare à celles de la zone euro (0,9 % en 2014) ou de l’Amérique latine (1,7 %), et honorable par rapport à celles de l’Asie du Sud et de l’Est (7 %). Toutefois, si l’on s’intéresse au PIB par habitant, le tableau se dégrade : la croissance de la richesse par habitant est ramenée à 1,6 % en Afrique subsaharienne, contre 0,4 % dans la zone euro, 0,6 % en Amérique latine et 6 % en Asie. On n’a pas besoin d’aller chercher loin les raisons de cette dégradation. La croissance économique respectable du continent est absorbée par la croissance démographique qui est actuellement de 2,5 % par an, alors que la moyenne mondiale est de 1,2 %. Si l’Amérique latine et l’Asie suivent cette dernière tendance, l’Amérique du Nord croît plus faiblement encore (0,4 %), tandis que l’Europe est quasi stationnaire. On note clairement un grand mouvement de la transition démographique (qui voit la mortalité et la natalité baisser), alors que l’Afrique reste largement à la traine. La tendance démographique africaine est encore à la hausse.
Lorsqu’on regarde toutes ces tendances, on ne peut que s’inquiéter pour l’avenir. Ceux qui pensent que la croissance démographique est un atout ont sans doute raison. Mais elle n’est un atout que dans la mesure où cette population qui s’accroit est bien éduquée, bien soignée et contribue aux progrès économiques. Ce n’est pas encore le cas aujourd’hui, et sans doute pas demain, tant que les défis économiques colossaux continueront à impacter notre continent.
Chaque parent peut alors expérimenter ce que nous disons dans sa propre famille. Vous entretenez forcément mieux vos enfants lorsqu’ils sont trois ou quatre que lorsqu’ils sont trente ou quarante. Et c’est précisément pour cela que la Chine a adopté pendant ces quarante dernières décennies la politique de l’enfant unique qui lui vaut aujourd’hui d’avoir maîtrisé sa démographie tout en accélérant sa croissance économique.
En rappelant ces évidences, le président français a peut-être utilisé un ton polémique, mais il a mis le doigt sur l’une des causes du retard économique de l’Afrique : l’incapacité des Africains à maîtriser leurs spermatozoïdes.
Par Olivier ALLOCHEME