Les 7 Sages de la Cour constitutionnelle seraient bien complices de la violation du Code électorale et de la loi fondamentale. Saisis d’un recours en inconstitutionnalité pour la non désignation des nouveaux membres du Conseil d’orientation et de supervision de la Liste électorale permanente informatisée (Cos-Lépi), ils peinent à livrer leur verdit et met le pays dans l’incertitude.
La violation du Code électoral et de la Constitution serait devenue un acte banal pour la Haute juridiction ? Pour elle, ce manquement ne menacerait-il pas la démocratie béninoise ? Ces derniers jours, son attitude étonne d’autant que ses membres imposent un silence assourdissant face à la non désignation des nouveaux membres du Cos-Lépi. Alors que l’article 219 du Code électoral prévoit la mise en place du Cos-Lépi le 1er juillet de chaque année et la cessation de ses travaux le 31 janvier de l’année suivante, rien n’est fait ni par le gouvernement ni par le Parlement pour respecter cette prescription légale. La Cour constitutionnelle qui a reçu depuis le mois dernier le recours d’un citoyen (Lire ci-contre l’intégralité dudit recours) qui s’est plaint du non-respect de la Constitution n’a pas encore éclairé l’opinion. Une attitude que certains observateurs trouvent étrange. Elle est bizarre puisque les 7 Sages mettent du temps à se prononcer sur une question très cruciale. En effet, le Cos-Lépi a pour entre autre objectif l’actualisation du fichier électoral. Cet exercice permet de disposer d’une liste électorale plus ou moins fiable capable de garantir des élections transparentes. L’actualisation du fichier électoral est annuelle et elle constitue une opération rendue obligatoire par la loi. Mieux, la Cour constitutionnelle a pu dans sa décision Dcc 10–147 du 27 décembre 2010 exiger la disponibilité de la Lépi pour la tenue des élections. Par ailleurs, depuis que la Lépi a été instituée, le Bénin a connu plusieurs équipes du Cos qui ont régulièrement travaillé. La Lépi étant donc devenue un instrument déterminant des échéances électorales, il est incompréhensible que les nouveaux membres du Cos ne soient encore installés. Dans l’opinion, ça grogne. Mais la Cour semble montrer une certaine indifférence. Ce dangereux choix pourrait influer sur les prochaines élections. La Haute juridiction cautionnerait un manquement grave qu’il est urgent de dénoncer.
M.M
Polycarpe AGBOTON
Chercheur en droit public
02 BP : 254 Porto-Novo Bénin
Porto-Novo, le 14 Septembre 2017
A
Monsieur le Président de la Cour Constitutionnelle
Cotonou
Objet: Recours en inconstitutionnalité pour la non désignation des membres du Conseil d’Orientation et de Supervision (COS)
Monsieur te Président,
Conformément aux dispositions de la loi n°90-32 du 11 décembre 1990 portant constitution de la République du Bénin, en son article 3, alinéa 3 qui dispose : «… tout citoyen a le droit de se pourvoir devant ta Cour Constitutionnelle contre les lois, textes et actes présumés inconstitutionnels».
J’ai l’honneur de venir très respectueusement attirer votre haute attention sur la non désignation par l’Assemblée Nationale des membres du Conseil d’ Orientation et de Supervision (COS) pour le compte de l’année 2017 et le non démarrage des opérations d’apurement correction, mise à jour et actualisation de la liste électorale permanente informatisée (LEPI), pour vous inviter à déclarer cette inaction de la Représentation Nationale, contraire à la Constitution du 11 décembre 1990 et lui ordonner d’y procéder sans délai.
Analyse
En effet la Constitution du 11 décembre 1990 en son article 6 précise que les conditions à remplir pour être électeurs sont déterminées par la loi. C’est donc à juste titre, que le législateur à adopté, la loi n°2013-06 du 25 novembre 2013 portant Code électoral en République du Bénin ainsi que la loi n° 2015-17 du 16 mars 2015 portant modification et dérogation aux dispositions des articles 28,392, 393 et 465 de la loi n° 2013-06 du 25 novembre 2013 portant Code électoral en République du Benin
L’Agence Nationale de Traitement est placée sous la tutelle du Président de la République et mène ses activités avec l’approbation d’une structure administrative indépendante dénommée Conseil d’Orientation et de Supervision (COS). Il apparaît au regard du Code électoral que les afférentes opérations liées à liste électorale permanente informatisée (LEPI) ou au fichier électoral national ne peuvent se faire sans cet organe administratif
En effet, le Conseil d’Orientation et de Supervision (COS) est chargé par la loi de :
• définir les orientations stratégiques de l’Agence Nationale de traitement (ANT),
• superviser l’Agence Nationale de Traitement.
• analyser et régler les difficultés d’application pratique pouvant résulter des dispositions légales el réglementaires relatives ou fichier électoral national.
• définir les autres applications et les modalités de leur gestion
• décider de toutes tes questions permettant d’assurer la gestion et le fonctionnement effectif de l’Agence Nationale de Traitement et des Commissions Communales d’Actualisation en charge des opérations continues d’apurement de correction et de mise à jour du fichier électoral national.
• élaborer et valider le budget de l’Agence Nationale de Traitement.
• adopter le document de faisabilité technique des opérations d’apurement de correction el de mise à jour.
• adopter le règlement intérieur et le manuel de procédure de l’Agence Nationale de traitement .
• recevoir les plaintes des citoyens et lancer les enquêtes s’il le juge nécessaire
La loi poursuit pour déterminer la période d’installation, la durée du mandat et les modalités de désignation des membres du Conseil d’Orientation et de Supervision (COS).
On découvre ainsi que « le Conseil d’Orientation et de Supervision se met en place le 1er juillet de chaque année et cesse ses travaux le 31 janvier de t’année suivante » (article 219 du Code électoral)
Le Conseil d’Orientation et de Supervision est composé de onze (11) membres désignés comme suit (article 220 du Code électoral) :
• cinq (05) députés par la majorité parlementaires.
• quatre (04) députés par l’opposition parlementaire
• du Directeur Général de l’Institut National de la Statistique et de l’analyse économique.
• du Directeur du Service national en charge de l’état civil.
Pour rappel le Code électoral regroupe les règles ainsi que les dispositions légales et réglementaires relatives aux élections politiques. C’est à dire l’élection du Président de la République, des membres de l’Assemblée Nationale, des membres des Conseils communaux ou municipaux et des membres des Conseils de village ou de quartier de ville.
Pour le Code électoral qui reprend les dispositions constitutionnelles, l’élection est le choix libre par le peuple du ou des citoyens appelés à conduire à gérer ou à participer 6 la gestion des affaires publiques. Les élections ne sont pas facultatives puisque les mandats accordés à ces Citoyens sont encadrés dans une durée bien déterminée même s’ils peuvent être renouvelés (cinq ans pour le Président de la République. quatre ans pour les membres de l’Assemblée Nationale et cinq ans pour les membres des Conseils de village ou de quartier de ville).
Par ailleurs, le Code électoral béninois ajoute que « l’élection a lieu sur la base d’une liste électorale permanente informatisée », mais aussi que, « l’inscription sur la liste électorale permanente informatisée est un devoir pour tout Citoyen remplissant les conditions fixées …». On peut en déduire qu’aucune élection ne peut avoir lieu sans la liste électorale permanente informatisée (LEPI) et qu’il appartient aux pouvoirs publics de favoriser et d’organiser l’enregistrement des citoyens en âge de voter sur ladite liste.
Depuis plusieurs années, la liste électorale permanente informatisée (LEPI) est une réalité dons les processus électoraux ou Bénin. Elle a servi notamment pour les élections présidentielles en 2016, les législatives, ainsi que les municipales, communales et locales en 2015 pour ne citer que ces dernières élections.
Il faut souligner également que la liste électorale permanente informatisée (LEPI) n’est pas une donnée figée. Chaque jour, chaque mois, chaque année, enregistrent de nouveaux citoyens en âge de voter. De même il est enregistré des décès, tout comme certaines personnes perdent leurs droits civiques à l’issue de condamnations en justice. C’est pour cela que le Législateur a prévu une actualisation annuelle de la liste électorale permanente informatisée (LEPI) à l’article 29 du Code électoral toujours d’après le Code électoral, l’apurement, la correction, la mise à jour et l’actualisation du fichier national se fait chaque année du 1er octobre ou 31 décembre » (article 264)
Pour l’opérationnalisation, le Législateur a créé un organe technique en l’espèce, l’Agence Nationale de Traitement (ANT) qui a pour mission entre autres, «… l’authentification, la diffusion, la conservation, la protection, l’archivage, l’apurement, la correction et la mise à jour (inscription. Radiation et correction) des données électorales. »
Au regard de cette composition, il est facile de constater que la désignation dépend beaucoup plus de l’Assemblée Nationale que du Président de la République. Le Directeur Général de l’Institut National de la Statistique et de l’Analyse Economique et le Directeur du Service National en charge de l’état civil étant probablement connus, il reste à désigner les députés devant siéger ou sein du Conseil d’Orientation et de Supervision (COS) pour le compte de l’année 2017.
Depuis l’avènement du Code électoral, plusieurs mandatures du Conseil d’Orientation et de Supervision (COS) se sont succédé la dernière qui a déposé son rapport le 31 janvier 2017 a été installée le lundi 22 août 2016 par le Président de la Cour Constitutionnelle, le Professeur Théodore HOLO.
Faut-il encore rappeler à la suite du développement ci-dessus, qu’au terme de la Constitution du 11 décembre 1990 en son article 34 alinéa 2, que : «les citoyens chargés d’une fonction publique ou élus à une fonction politique ont le devoir de l’accomplir avec conscience, compétence, probité, dévouement et loyauté dans l’intérêt elle respect du bien commun.»?
2-Conclusion
C’est au regard de ce qui précède que je voudrais solliciter de ta Haute Juridiction, qu’elle déclare contraire à la Constitution du 11 décembre 1990, la non désignation des membres du Conseil d’Orientation et de supervision (COS) par l’Assemblée Nationale et lui enjoindre d’y procéder sans délai pour l’apurement, la correction, la mise à jour et l’actualisation du fichier électorat (LEPI) pour le compte de l’année 2017.
Telle est, Monsieur le Président, la substance du présent recours en inconstitutionnalité, que j’ai l’honneur de soumettre à votre haute appréciation.
Polycarpe AGBOTON