Si pour certains sa désignation pour siéger à la Cour constitutionnelle est une surprise, pour d’autres, c’est le contraire qui aurait étonné. Mais au-delà de la polémique, quoique fondée, liée à ce choix d’un membre du gouvernement par une Assemblée nationale censée être un contre-pouvoir, il y a qu’il faut se demander si le professeur agrégé de Droit privé, Joseph Djogbénou pourra vraiment être ” sage” au vrai sens du mot.
La Cour constitutionnelle, c’est comme un couvent. Ses prescriptions sont connues. Nul n’y entre s’il est bavard, s’il ne fait pas preuve de retenue. Là-bas, l’obligation de réserve est de mise. Et quand on y entre, on ne peut normalement plus être Juge et Partie. Ça se sait automatiquement dans les décisions rendues puisqu’à la touche ou à l’extérieur, il y en a tout aussi de ”Sages”, compétents, capés, mais que la ”providence politique” n’a pas bien voulu désigner. Si le cas de l’actuel Garde des Sceaux et ministre de la Justice retient l’attention dans le lot des sept nouveaux membres, c’est nul doute à cause de ses multiples casquettes et de ses prises de position.
En effet, non seulement, Fifame Joseph Djogbénou a été Avocat personnel du chef de l’État, son pion sûr au Parlement, son collaborateur actuellement au gouvernement, le président d’honneur de Alternative citoyenne, un parti politique soutenant les actions du chef de l’État. Tout le monde a vu et continue de voir la verve et le débordement d’énergie avec lesquels l’universitaire sert son ancien client. Est-il besoin de rappeler les interventions à polémiques du ministre Djogbénou dans le projet d’interdiction de manifestations aux associations estudiantines, dans le processus de révision manquée de la Constitution, dans l’interdiction de manifestations à caractère religieux sur les voies publiques, le retrait manqué du droit de grève à certaines catégories d’agents permanents de l’État et récemment son immixtion très décriée dans certains dossiers aux mains de la Justice. Djogbénou, bon nombre de Béninois savent que c’est le spécialiste des interprétations à polémiques de la Constitution et autres textes de la République. Même devenu ministre, il n’a pas pu se démarquer de ses réflexes d’Avocat et d’Enseignant des Facultés de Droit. Son rôle de speaker, de ” présentateur” ou de ministre donnant lecture du conseil des ministres les mercredis, est venu amplifier la chose. Aujourd’hui, beaucoup d’observateurs se demandent, l’habitude étant une seconde nature, si Me Djogbénou, avec ce profil, pourra prendre le pli d’une nouvelle recru au couvent tout en restant impartial et en observant surtout le principe de l’Omerta. L’artisan sera jugé à l’œuvre.
Worou BORO