Depuis quelques temps, une polémique est entretenue au sujet du choix de la Norvège par le gouvernement pour importer des roches pour la construction de digues en vue de la protection du Littoral. Or, ce choix a été fait par le Pouvoir pour que les travaux soient livrés selon les prescriptions contractuelles.
Le gouvernement, dans sa démarche de protection du littoral contre l’érosion côtière, a élaboré en 2016 avec l’appui technique et financier de la Banque mondiale, le Plan d’investissement multisectoriel qui a caractérisé la zone côtière du Bénin en trois grand segments tout en retenant les grandes interventions requises sur ces différents segments. Ainsi, les travaux retenus sur le segment du centre Avlékété visent un double objectif. D’une part, protéger le territoire et sécuriser les infrastructures contre l’érosion côtière et d’autre part, créer les conditions de développement touristique sur ce segment. Pour la mise en œuvre de ce plan, la Banque mondiale avait mis en concurrence quatre pays de l’Afrique de l’Ouest. Il s’agit du Bénin, du Togo, du Ghana et de la Côte d’Ivoire. Alors, le gouvernement, restant fidèle à sa vision globale et intégrée de protection du littoral, a entrepris la recherche du financement des travaux nécessaires pour protéger les 125 kilomètres de côte dont dispose le Bénin. Ainsi, cette recherche a abouti à la signature d’un accord de prêt d’un montant de 28 560 791 528 FCfa pour la réalisation des travaux de protection à l’Est de Cotonou. Une autre signature d’un accord de prêt qui a abouti à la mise en place par l’entreprise ‘’Jan de Nul Sa’’ d’un financement de 75 231 424058 FCfa. Cet accord a été ratifié par l’Assemblée nationale.
Enfin, il y a eu la signature de trois (03) accords de prêt d’un montant total de 63 108 708 dollars US pour la mise en œuvre du projet de protection de la côte du segment Ouest et la restauration de certains écosystèmes connexes. Ces accords sont en cours de ratification. Pour ce qui concerne le projet Avlékété, le montage technique et financier se réalise en mode financement. La conception-réalisation par l’entreprise ‘’Jan de Nul Sa’’ a prévu deux phases qui s’enchainent notamment les études de conception achevées en mars 2018 et la réalisation qui démarre par les travaux préparatoires et l’approvisionnement. Le contrat entré en vigueur en août 2017 s’étend sur 42 mois. Selon la spécificité des travaux qui sont tributaires des saisons (construction en mer possible qu’en saison de basse marée), trois saisons de construction en mer ont été retenues de sorte que la réalisation des travaux nécessite la mobilisation de 1 200 000 tonnes de roches et la construction des ouvrages sur trois saisons à savoir l’approvisionnement de 800 000 tonnes au Bénin, soit 2667 000 tonnes par an, l’approvisionnement de 400 000 tonnes de l’étranger soit 133 000 tonnes par an et la réalisation des travaux dans les saisons favorables d’octobre à mars.
Les avantages du choix de la Norvège
La construction des infrastructures nécessitant une organisation à mettre en place depuis le montage technique et financier pour atteindre les objectifs visés dans les délais fixés, le recours à l’importation de roches dans le cas du projet Avlékété a été fait. Alors pour satisfaire les besoins en enrochement du chantier estimés à 1 200 000 tonnes sur trois ans, il faudrait mobiliser 400 000 tonnes de roche par an. Trois carrières ont été mobilisées à cet effet par Jdn qui a fait une projection de 1 000 tonnes/jour d’approvisionnement (dans le cas de l’Est de Cotonou on est à 850 tonnes/jour en moyenne). Mais d’après le rock manuel, pour commencer un ouvrage maritime qui doit consommer 400 000 tonnes de pierres, il faut avoir en stock 80% soit 320 000 tonnes. Or, selon les capacités de production des carrières locales, il faudrait plus de douze mois pour atteindre les 320 000 tonnes nécessaires pour commencer les travaux et donc attendre avril 2019. Ainsi, on aurait perdu la première saison de construction alors que la mer n’attend personne. Dans ce cas, en optant uniquement pour les carrières locales on pourrait doubler voire tripler le délai d’exécution du projet fixé à trois ans. Et quand on parle de délai de construction, on sait ce que cela représente, en termes d’immobilisation et de charges pour le projet et finalement de coût de revient du projet. Il est vrai que la technique de construction des ouvrages maritimes au moyen de blocs en béton existe et est même brevetée s’agissant de certains blocs en béton tels que les acropodes les tripodes, les X-Blocs déjà utilisés dans notre pays dans des travaux similaires au Port et même sur la première phase du projet à l’Est de Cotonou. Mais dans la phase de conception du projet, cette technique n’a pas été retenue pour des raisons conceptuelles.
En effet, les études de conception ont modélisé un design uniquement en enrochement naturel. Ce concept a été testé et confirmé par des modèles mathématiques et physiques qui ont permis de retenir la structure à mettre en place notamment les calibres et quantités prévisionnelles d’enrochement à déployer pour les besoins des travaux. Certaines voix chercheront à balayer du revers de main cette thèse. Il faut savoir qu’il ne s’agit pas d’une solution caractérisée par la construction d’ouvrages avec uniquement des enrochements de l’étranger, mais d’un projet qui combine les capacités locales de production d’enrochement et les possibilités d’approvisionnement de l’étranger pour optimiser le projet et réaliser les travaux dans les règles de l’art et surtout dans le délai prescrit. Tout d’abord, sur le délai d’exécution, il apparaît que l’organisation retenue et qui combine l’approvisionnement mixte (local et étranger) permet de réaliser le projet sur trois ans au lieu de six ou plus. Rien qu’à envisager que les travaux devraient trainer sur six ans, et en considérant le niveau de mobilisation pour un chantier d’une telle envergure, on se rend compte de ce qu’on gagne en optant pour un approvisionnement mixte. Les coûts de stand by sont en effet très élevés pour ces genres de travaux du fait du niveau de mobilisation. Ensuite, il faut s’interroger sur les risques d’une rupture de stock lors de la construction des ouvrages. Aucun assureur ne peut accepter prendre ce risque ni pour le Maître d’ouvrage ni pour l’entrepreneur. Un arrêt des travaux dans la mise en place d’une couche de structure pour défaut d’approvisionnement est préjudiciable à la tenue de l’ouvrage qui risque alors de subir des désordres structuraux précoces. En outre avec le navire pour une période d’un mois y compris chargement, voyage et déchargement, 33 000 tonnes de pierres sont sur le chantier à Cotonou soit un taux de production de 1375 tonnes par jour contre 850 tonnes par jour pour l’approvisionnement par les carrières locales.
C’est un gain pour le projet. Enfin, dans le montage actuel, le coût du tonnage de pierres à installer dans les digues est concurrentiel en comparaison à ceux en cours ou déjà réalisé dans le même environnement. En somme, le choix de l’importation des granites de la Norvège est motivé par plusieurs paramètres. Tout d’abord la capacité minière du Benin n’est pas suffisante pour garantir une production des blocs requises à une cadence permettant de créer suffisamment de stock, pour la mise en place de la digue submergée pendant les quelques mois quand la zone maritime est accessible. Ensuite, de multiples visites ont été faites dans la zone des mines pour visiter toutes les carrières potentielles. 14 carrières au total ont été prospectées, mais seulement trois ont pu être retenues. Les carrières capables de supporter une partie de la production ont été sélectionnées sur la base des critères clairs à savoir la disponibilité de machines, le front de taille, l’expérience antérieure, les contrats actuels en cours (Bellsea et autres), l’évaluation permanente de la cadence de livraisons en cours. Le choix des granites en provenance de la Norvège est donc stratégique.
Odi I. Aïtchédji