Le président Yayi Boni avait annoncé qu’au terme de ses deux mandats constitutionnels, il se retirerait de la vie politique pour se consacrer à Dieu. Mais depuis le 06 avril 2016 où il a quitté le pouvoir en offrant une Bible à son prédécesseur, sa promesse de devenir pasteur tarde à se concrétiser. Ce qui suscite des doutes en la sincérité de son engagement religieux.
En Afrique, une personne âgée ne ment pas. Elle fait économie de vérité. C’est du moins ce qu’exprime le comportement de l’ancien président de la République, Yayi Boni. On s’en souvient, au soir de son règne, il avait insisté sur le fait qu’il se retirerait définitivement de l’arène politique pour exercer en tant que pasteur. « C’est une lourde responsabilité. Je l’ai dit aux Nations Unies, devant le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki Moon, je l’ai dit au président Obama qui, d’ailleurs pour la petite histoire, me demandait pour la circonstance : « Donc, vous dites que vous partez. C’est rare en Afrique ». J’ai dit : « Oui, ça doit se faire ». « Qu’est-ce que vous allez faire après ? ». Je dis : « Je vais être Pasteur ». « Invitez-moi lors de vos prédications pour prêcher l’évangile ». Je dis : « ça se fera, mais attention ! Si vous venez, vous allez limiter les membres de sécurité parce que je vis dans une brousse ». Ainsi raisonnait le Chantre de la Refondation avec un éclair moqueur dans la voix pour indiquer son impatience de porter l’habit de berger. Mais depuis deux ans, force est de constater qu’il s’est mis à l’écart de cette profession de foi et donne raison à ceux qui l’ont souvent traité de comédien et de surréaliste. Les Béninois s’attendaient à voir l’image d’un Yayi Boni pasteur ; celui qui prêchera la bonne nouvelle reste encore introuvable sur ce chantier. Les Béninois qui ont soif d’écouter les prédications de l’ancien locataire de La Marina devront encore avoir un autre jugement sur l’homme, car ce dernier est toujours nostalgique des délices du pouvoir.
Et c’est sans gêne qu’il s’active à revenir au-devant de la scène. Son activisme politique, ces derniers jours, est évocateur et témoigne de ce que le prince de Tchaourou n’a cure de servir Dieu dans une synagogue. Désormais président d’honneur du parti Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe), il est de plus en plus sur tous les fronts. Il ne se passe plus de weekend sans qu’on ne le voie sur le terrain politique. Soit pour installer les structures de base de sa formation politique, ou pour charmer les hommes politiques à l’image de Issa Salifou et de Séfou Fagbohoun. Son dernier acte en date est sa participation au lancement de l’école des Fcbe à Abomey-Calavi le samedi 26 mai 2018. Mieux, il trouve des occasions pour étaler ses émotions sur la place publique, juste pour récolter la sympathie des populations. Dans un jeu démocratique personne ne peut en vouloir à Yayi Boni de participer à l’animation de la vie politique. Mail il serait judicieux qu’il ne trahisse pas son « serment ».
Etant pasteur, Yayi Boni aura, par les mots, le don nécessaire pour interpeller la conscience des cadres corrompus sur l’importance d’avoir un comportement vertueux à l’égard du bien public. Il n’est pas encore trop tard. Surtout que la constitution garantit à tout citoyen la liberté de religion. « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion, de culture, d’opinion et d’expression dans le respect de l’ordre public établi par la loi et les règlements. L’exercice du culte et l’expression des croyances s’effectuent dans le respect de la laïcité de l’État. Les institutions, les communautés religieuses ou philosophiques ont le droit de se développer sans entraves. Elles ne sont pas soumises à la tutelle de l’État. Elles règlent et administrent leurs affaires d’une manière autonome », indique l’article 23. La balle est donc dans son camp.
Abdourhamane Touré