Le Parlement n’amendera donc pas la Constitution. La proposition de loi initiée à ce sujet a été rejetée hier jeudi 05 juillet 2018. Une ”petite minorité” seulement de parlementaires a imposé l’organisation d’un référendum.
Le référendum est donc l’ultime offerte à la Rupture pour changer la Constitution du 11 décembre 1990. Ainsi en a décidé l’Assemblée nationale hier. La plénière tenue au Palais des gouverneurs a en effet été exclusivement consacrée à l’étude de la proposition de loi portant amendement de la Constitution. Mais suite aux débats, les députés n’ont pu l’approuver «à la majorité des quatre cinquièmes des membres composant l’Assemblée nationale» comme le prévoit l’article 155 de la Constitution. Sur les 82 députés présents, 62 ont voté pour, 19 ont voté contre. Et il a été enregistré une abstention. Selon la même disposition, la seule issue qui s’offre désormais au gouvernement et au Parlement reste le référendum. En réalité, avant cette étape, les députés avaient pris en considération la proposition à la majorité des trois quarts. 62 élus ont voté oui, 19 ont voté non et un député s’est abstenu. 19 députés se sont donc imposés aux 62 théoriquement réunis derrière le Chef de l’Etat. Ils ont pu résister face au rouleau compresseur de la Rupture. Malgré les départs et la pression exercée sur le député Atao Hinnouho pour qu’il donne sa procuration au Parti du Renouveau démocratique, son adversaire, la petite minorité a fait le job. Elle n’a pas trahi sa mission. Elle n’a fait qu’exprimer les craintes et les inquiétudes du peuple. Patrice Talon et ses alliés n’ont donc pas réussi à amender la Constitution du 11 décembre 1990. Ce sera au peuple de trancher le débat. Il faut rappeler que la proposition de loi rejetée hier était faite de quatre (4) points. Il s’agit de l’amélioration de la présence des femmes au Parlement, l’institution de l’abolition de la peine de mort, la création de la Cour des comptes et le couplage des élections en 2026.
19+1 supérieur à 62
“Ici, c’est le Bénin”, a dit l’autre. Oui, le pays de Kaba, de Gbéhanzin, de Adjo Boco Ignace…Bref, le pays du vodoun où le serment présidentiel est prêté non seulement devant Dieu, mais avec insistance ”devant les mânes des ancêtres”. Que le Bénin, petit pays, étonne, ne devrait donc être une surprise pour autant. Le Bénin est ce pays où, pour des axiomes, on pourra désormais dire, à raison, ”ça dépend”. Et, au regard des expériences, on peut effectivement limiter la force de la majorité écrasante de députés dont dispose le Pouvoir de Patrice Talon à l’Assemblée nationale depuis le 4 avril 2017 où il a essuyé le premier revers suite au rejet du projet de révision de la Constitution béninoise. ça dépend des sujets sur lesquels cette majorité encore appelée Bmp (Bloc de la majorité présidentielle ) a de la valeur. A la première tentative, c’est seulement 22 députés +1 (Abstention) qui ont barré la voie à la recevabilité du projet. Hier 5 juillet 2018, c’est-à-dire 15 mois plus tard, c’est le chiffre 19+1 qui a dicté sa loi à 62 du Bmp, empêchant ainsi la proposition d’amendement d’obtenir les 4/5 qui épargnerait le Pouvoir de Talon d’aller au Référendum. Malheureusement, ce qu’on craignait dans le camp de la majorité au pouvoir arriva. Désormais si le gouvernement, à travers les députés Bruno Amoussou, Mathurin Nago, Kolawoé Idji… porteurs de la proposition, tient à ce que les 4 points soient inscrits dans la Constitution, il va falloir consulté le peuple. Comme quoi, 19+1 peuvent mettre en déroute comme 22+1 devant 60 voire 62. Ici, c’est réellement le Bénin!
Deuxième échec pour Talon et le Bmp
La révision de la Constitution reste une équation difficile pour la Rupture. Elle ne sait pas encore comment s’y prendre pour relever le défi. Patrice Talon et les députés du Bloc de la majorité parlementaire (Bmp) croyaient pouvoir s’imposer à l’Assemblée nationale, mais ils ont encore mordu la poussière. C’est le deuxième échec en moins de 14 mois. Le 04 avril 2017, le Parlement avait rejeté un projet de révision de la Constitution écrit et imposé depuis le palais de la Marina. Mais c’est sans compter avec l’obstination du président Patrice Talon. Alors qu’il avait annoncé lui-même que le dossier était rangé, le Chef de l’Etat l’a ressorti en le faisant porter par des députés godillots. Mais le 05 juillet 2018, 19 élus de la Nation se sont opposés à l’initiative piégée en brandissant le carton rouge. Cette fois-ci, le Parlement oblige les porteurs de la proposition à convoquer un référendum s’ils veulent vraiment toucher la loi fondamentale. Ce sera au peuple d’en décider. C’est un nouvel échec que vient d’essuyer toute la Rupture. Les stratégies développées par Patrice Talon pour « régler l’affaire » au Parlement n’ont pas prospéré. Les rencontres nocturnes et interminables tenues avec le Bmp n’auront donc servi à rien. Mieux, les multiples pressions exercées contre les députés de la petite minorité ont eu des effets limités. Au Parlement hier, après avoir passé la première étape, les membres du Bmp croyaient atteindre leur objectif dans la même soirée. Alors que certains élus de la minorité avaient demandé la suspension de la plénière pour consulter leur base, le Bmp a accéléré le processus. Les 19 héros ont pu faire bloc et réussi à faire échec à une proposition douteuse. Irrémédiablement, le 05 juillet 2018 restera également une date marquante dans l’histoire politique du Bénin. Patrice Talon ne révisera pas aussi facilement la Constitution du 11 décembre 1990. Le Parlement lui a dit niet. Un deuxième revers après celui du 4 avril 2017 où le projet a subi le même sort (rejet pour la recevabilité) par 22 députés plus 1 qui a voté abstention.
Financer le Pag ou le référendum ?
Que fera maintenant le Chef de l’Etat face à cette nouvelle donne ? Déjà, le Programme d’action du gouvernement connait des difficultés de financement. Des titres sont émis à intervalle régulier sur le marché de l’Uemoa pour faire face au besoin de financement du Pag. A l’interne, le peuple subit la pression fiscale. Les entreprises croulent sous le poids des redressements fiscaux. On assiste à la flambée des prix des produits de première nécessité. Des mesures qui en rajoutent à la difficulté des populations sont prises presque quotidiennement. La dernière en date, c’est l’augmentation des tarifs aux postes péage et pesage qui ont doublé à certains endroits. On presse le peuple de tout côté. Mais plus de deux ans après, c’est toujours les maquettes d’infrastructures à construire qui sont montrées à la Télévision. Rien ne bouge dans le pays. C’est dans cette condition de rareté de ressources que le projet de référendum constitutionnel s’invite dans le débat. Alors même que le projet de loi de finance 2018 n’a rien prévu à ce sujet. Comment engager encore des dépenses pour une élection qui n’était pas prévue alors qu’on soutient que c’est la proximité des élections qui retarde le développement. Le chef de l’Etat doit être dans un dilemme actuellement. A tout point de vue, il aurait mieux faire d’abandonner ce projet de révision comme il avait lui-même affirmé aux lendemains de l’échec de la première tentative. La Constitution dans son état actuel n’empêche en rien la réalisation du Pag.
La preuve que des dossiers judiciaires sont objet de chantage
Matin Libre, dans un article intitulé « Tractations pour réviser la Constitution : Houngbédji méprise Yayi et Soglo », avait révélé que les députés de la minorité subissaient des pressions. A certains étaient promis monts et merveilles, à d’autres l’annulation des poursuites judiciaires engagées à leur encontre. Hier lors du vote, la preuve en est faite. Le député Atao Hinnouho dans les liens de détention a délivré une procuration à Padonou Corneille, député Prd donc membre Bmp. Il en est de même de Issa Salifou qui a délivré une procuration à Affo Obo de l’Alliance Abt. Nul n’est besoin de préciser que ces deux députés avaient voté contre la recevabilité du projet quand il était porté par l’ancien Garde des sceaux Joseph Djogbénou. Juste après, leurs noms avaient été cités dans des dossiers de malversation. Atao Hinnouho a été traité de « fou » puis interné avant d’être mis en prison. Mais hier, le Bmp n’a eu aucune gêne à aller négocier chez le « fou » sa procuration. Quel sort sera maintenant réservé aux dossiers concernant ces députés ? Le peuple attend de voir.
Les députés qui ont voté contre
Abiba Dafia,
Simplice Codjo,
Léon Dègny,
Valentin Djènontin,
Garba Yaya
Mohamed Gibigayé,
Gounou Sanni
Moukaram Kousonda Adjibadé,
Dossou Guy Mitokpè
Rosine Soglo,
Yarou Sinatoko Kignaré,
Justin Adjovi,
Léon Basile Ahossi,
Jean-Marie Allagbé,
Amandou Issifou,
Atchadé Nourénou,
René Bagoudou,
Chabi Baguéra
Idrissou Bako.
Abstention
Eric Houndété
Mike MAHOUNA