Le demi-échec enregistré le jeudi 05 juillet dernier au Parlement lors de la tentative d’amendement de la Constitution a déstabilisé toute la majorité présidentielle. Elle est ébranlée au point que les réactions notées dans son rang au lendemain de cette raclée, ont révélé une certaine confusion.
Le camp présidentiel ne se serait pas entendu sur des stratégies bien définies pour réussir l’amendement de la Constitution du 11 décembre 1990. La gestion du demi-échec imposé par la minorité parlementaire, montre clairement que la Rupture est totalement déroutée. Ça va en effet dans tous les sens. Interrogé après la débâcle de Porto-Novo par une radio internationale, le Directeur de la Communication du Palais de la Marina a montré que le Bloc de la majorité a atteint l’objectif fixé. Selon Wilfried Léandre Houngbédji, organiser un référendum sur les points qui nécessitent l’amendement de la Constitution était aussi l’une des options du Bmp. Mais contrairement à cette position, le député Mathurin Nago, invité sur Golfe TV hier dimanche 08 juillet 2018, a soutenu que le bloc auquel il appartient voulait éviter le référendum. A l’en croire, il était question de réunir les 4/5emes des membres du Parlement pour réussir l’opération. C’est dire qu’au sein de la majorité au pouvoir, les points de vue ne sont pas du tout harmonisés. La Rupture ne s’attendait pas à un deuxième échec de l’initiative dont la concrétisation est devenue une obsession pour le Chef de l’Etat. Les contradictions sont bien éloquentes.
Vers la modification de la loi référendaire ?
L’échec du jeudi dernier change donc tout. Pour amender la Constitution, à l’étape actuelle de la procédure enclenchée au Parlement, le gouvernement devra organiser un référendum. Seulement techniquement, il lui sera difficile de tenir le scrutin cette année. Plusieurs acteurs politiques et des membres de la société civile l’ont reconnu. A en croire le Professeur Victor Topanou, la loi n°2011-27 du 18 janvier 2012 portant conditions de recours au référendum oblige le gouvernement à convoquer le corps électoral 120 jours avant le jour du scrutin. Ce qui veut dire, a-t-il souligné, que si le président Talon convoquait le corps électoral le 09 juillet 2018, ce serait en novembre qu’il y aurait élection. Or, a-t-il poursuivi, la même loi demande que la Liste électorale permanente informatisée (Lépi) devant servir au référendum soit arrêtée 3 mois avant les élections. Le Cos-Lépi installé le 1er juillet dernier devant impérativement finir ses activités le 31 décembre, le Professeur Topanou a trouvé qu’il était impossible pour le gouvernement d’organiser le scrutin en respectant la loi référendaire. Par ailleurs, la même loi oblige le gouvernement à inscrire au budget général initial ou au collectif budgétaire les ressources nécessaires à l’organisation du référendum. Cette obligation n’est pas encore observée. Et il est difficile pour le gouvernement de respecter cette prescription avant la fin de l’année vu l’état comateux des caisses publiques. Face à ces inquiétudes, certains députés du Bmp ont tenté d’apporter des réponses à l’opinion publique. Reçu hier dimanche sur la télévision Canal 3 Bénin, le député Gilbert Bangana a été clair. « S’il ne tenait qu’à moi seul, on va réviser la loi référendaire», a-t-il déclaré. Le député Mathurin Nago sans être direct sur le sujet semble soutenir la même initiative. Selon lui, le Bmp prendra les dispositions légales nécessaires pour permettre au gouvernement d’organiser le référendum. Et techniquement, il n’y a d’autres dispositions légales que la modification de la loi référendaire. On pourrait donc oser affirmer que le Bmp et le gouvernement envisagent déjà cette solution puisque ladite loi pourrait être touchée avec la majorité absolue des membres du Parlement (42 députés). Patrice Talon ne s’est pas encore prononcé, mais cette option est plausible.
Talon tombera-t-il dans le piège du Bmp?
Les députés soutenant les actions du Chef de l’Etat veulent coûte que coûte que le gouvernement organise le référendum. Ils n’ont pas digéré la déculottée qui leur a été infligée par la petite minorité. Ils sont décidés à obtenir le référendum pour laver l’affront du jeudi dernier. Et presque tous les députés du Bmp qui se sont exprimés le week-end écoulé dans les médias ont étonnamment la même position. C’est à croire qu’ils ont un intérêt particulier à défendre lors de ce scrutin qui devrait coûter des milliards de francs Cfa aux contribuables. Seulement, il importe de se demander ce qu’il y a de plus urgent à financer entre le Programme d’actions du gouvernement (Pag) pour lequel la Rupture peine à mobiliser les ressources financières et un référendum qui ne changera pas le quotidien du Béninois. Patrice Talon doit-il abandonner la construction d’hôpitaux, de salles de classes et de marchés pour injecter des dizaines de milliards dans un projet incertain? Le gouvernement doit-il continuer à laisser les femmes enceintes payer les frais de césarienne et choisir de brûler des milliards? Vu les maigres chances de succès que Patrice Talon a face à ce challenge, engager le Bénin dans des dépenses folles, serait un gros risque. Le Chef de l’Etat ne devrait pas se laisser embobiner par des députés qui ont perdu le contrôle de leurs régions et qui n’ont pour seule vocation que de satisfaire leurs propres intérêts avant la défaite électorale de 2019. La révision de la Constitution n’est pas une urgence. On a le sentiment que le peuple veut plutôt manger à sa faim.
Mike MAHOUNA