Dépité par la déculotté à lui infligée par les 19+01, le Bloc de la majorité présidentielle (Bmp) tente de trouver une issue. Les députés Bmp refusent de s’avouer vaincus et voient dans l’organisation du référendum l’ultime occasion de prouver à Patrice Talon combien ils lui sont dévoués. « Allons au référendum donc », semble être désormais le leitmotiv des députés qui soutiennent les actions du Chef de l’Etat. Mais il y a deux variantes qu’ils ne maîtrisent pas pour le moment. La position de Patrice Talon et le comportement de l’électeur.
Surfant sur le manque de moyens de l’opposition pour battre campagne pour le « Non », certains députés du Bmp sont dans l’illusion de ratisser large. Ils comptent pour cela sur le Chef de l’Etat. Patrice Talon, le « Agbonon », le milliardaire mettra à leur disposition la manne financière nécessaire pour battre campagne si vraiment il tient à la modification de la Loi fondamentale. D’ailleurs, ne l’a-t-il pas déjà fait lors de la première tentative où les députés de la majorité avaient reçu 5 millions chacun pour descendre sur le terrain et expliquer le bien-fondé de la révision de la Constitution ? Mais à l’arrivée, le projet n’a même pas franchi le seuil de l’acceptabilité. Aujourd’hui, cette étape primordiale est acquise. Mais ils sont contraints d’aller vers le peuple. Seul le « Oui » de la population béninoiseleur permettra d’aller au bout du processus. Si le Chef de l’Etat a déjà sorti 5 millions par député Bmp pour un résultat qui s’est avéré catastrophique, il peut sortir plus maintenant qu’ils ont obtenu les ¾ nécessaires pour la prise en compte par le Parlement du projet d’amendement. Mais Patrice Talon hésite et il a raison. On lui a promis obtenir les 4/5e. On lui a promis que tout se passera au Parlement. Et cela a été un échec. Pourquoi en plus devrait-il sortir de l’argent pour un référendum au résultat incertain ? Alors que le projet n’est plus le même. Aujourd’hui, il n’est question que d’un amendement en quatre points de la Constitution. Les réformes phares annoncées en début de mandat n’y figurent plus. Le Chef de l’Etat pourrait ne trouver aucun intérêt majeur qui nécessite la mobilisation de ressources financières alors qu’il manque de moyens pour financer son Pag.
Puis, il y a le comportement de l’électorat. Pour ce qu’elle a fait subir aux Béninois depuis plus de deux ans, il vaudrait mieux pour la Rupture de ne pas trop compter sur un « Oui ». Ce n’est pas que les réformes sont mauvaises en soi. Mais elles sont arrivées en même temps, ne laissant aucune bouffée d’oxygène aux populations. Les milliers de femmes qui ont perdu leur commerce à cause du déguerpissement sauvage et de la lutte contre les faux médicaments, les nombreuses pertes d’emploi suite aux annulations de concours et la suppression de certaines agences, la militarisation du campus et l’interdiction des mouvements estudiantins, le retrait du droit de grève aux magistrats et agents de santé, la non satisfaction des revendications des enseignants qui ont fait des mois de grève sans rien obtenir. Ils ont été en plus défalqués. Les tracasseries routières dont sont victimes les conducteurs de taxi tous les jours, etc. Quel est ce corps d’activité dans le pays qui s’en tire à bon compte depuis l’avènement du régime de la Rupture ?Tous les signaux sont au rouge. Du bas peuple aux cadres de l’administration, tout le monde se plaint. Dans ces conditions, comment peut-on gagner une élection ? Les populations attendent patiemment les Législatives de 2019 pour exprimer leur désapprobation quant à la manière dont les réformes sont conduites. Mais si avant les Législatives, la Rupture leur donne l’occasion par le biais du référendum, elles ne bouderont pas leur plaisir. Tous les ingrédients pour un vote sanction sont réunis. Dans ces conditions, il n’y a que ceux qui appellent le Chef de l’Etat à aller au référendum qui trouveront leur compte. Ils pourront compter sur une cagnotte de guerre qu’ils prendront soin de garder pour la bataille des Législatives. Ils ne sont pas du tout préoccupés par le référendum. Leur seule motivation, c’est réussir à se faire élire député en 2019. Le référendum sera pour eux un test grandeur nature pour jauger leur popularité et surtout pour mettre de côté un fonds de campagne au cas où ils ne pourront plus compter sur le Chef de l’Etat. Et c’est là le piège.
B.H