Le Bloc de la majorité parlementaire (Bmp) perd de plus en plus sa sérénité au fur et à mesure que les législatives de 2019 approchent. Dans une loi taillée sur mesure, les membres de ce bloc veulent régler leurs comptes avec les anciens présidents Nicéphore Soglo et Yayi Boni qui pourraient se présenter aux prochaines législatives.
Le nouveau Code électoral annoncé n’est pas encore adopté par le Parlement, mais il suscite déjà un tollé général au sein de l’opinion. Dans le texte proposé et adopté par la Commission des lois, tout candidat à l’élection présidentielle au Bénin devra remettre un cautionnement de 250 millions F Cfa au Trésor public contre 15 millions prévu par le Code de 2013. En ce qui concerne les législatives, seules les formations politiques ayant pu obtenir 15 % au moins du suffrage national exprimé enverront des élus au Parlement. Mais le point de la réforme qui est encore curieux porte sur les anciens Chefs de l’Etat potentiels candidats aux législatives. La proposition de loi prévoit en effet que tout ancien président de la République qui se présente aux élections législatives perd son statut d’ex-chef d’Etat. Cette nouveauté introduite dans le Code électoral n’est pas anodine. Elle apparait comme une réforme dirigée contre certaines personnalités de la République. Il faut souligner que depuis quelques mois, certaines informations évoquent la candidature éventuelle de Yayi Boni et de Nicéphore Soglo aux législatives de 2019 respectivement dans les 8ème et 23èmecirconscriptions électorales. Il est clair que cette réforme est instrumentalisée. En la concevant, les députés du Bmp veulent arracher aux anciens présidents tous les avantages liés à leur statut d’ancien Chef d’Etat. Ils veulent leur montrer les risques qu’ils courent en tentant de briguer des postes à l’Assemblée nationale. Yayi Boni et Nicéphore Soglo gêneraient donc des intérêts. Les deux personnalités dont la popularité monte de jour en jour donnent donc de l’insomnie aux députés du Bmp. Le bloc affiche sa ruse et donne l’impression de vouloir empêcher la compétition avant mars 2019. Sinon pourquoi en 2008, alors qu’ils étaient majoritaires au Parlement, les députés des Fcbe n’avaient-ils pas initié une loi pour faire perdre à Nicéphore Soglo, qui s’était fait réélire lors des municipales, son statut d’ancien président de la République? N’étaient-ils pas aussi intelligents pour n’avoir pas pu proposer en 2015 une loi qui interdit à tout Béninois vivant en exil de se présenter à la présidentielle? L’initiative vise des adversaires redoutables. Mais elle n’honore guère le Bénin qui a pendant longtemps montré l’exemple en Afrique et dans le monde en matière de démocratie. Le pays qui reste malgré tout un laboratoire de la démocratie est suivi de près par les Etats, mais aussi par les organisations spécialisées dans la défense de la démocratie et des droits de l’homme. Au Bénin, les textes liberticides occasionnant l’exclusion devraient être bannis des mœurs politiques. Il faut nécessairement éviter de retourner plus de 20 ans en arrière. Les élections devraient rester des compétitions ouvertes à tout le monde. Néanmoins, la décision de la Commission des lois du Parlement n’emportant pas systématiquement celle de la plénière, il est à souhaiter que le nouveau Code électoral proposé soit débarrassé des propositions jugées antidémocratiques pour permettre au Bénin de demeurer un modèle.
Polémique
Depuis hier, la polémique enfle. Sur les réseaux sociaux, Société civile, acteurs politiques de l’opposition ne cessent de relever les incongruités du nouveau code électoral taillé sur mesure et dirigé contre certaines personnalités. Passer de 15 millions à 250 millions de cautionnement pour la présidentielle alors qu’il est de 20 millions en Côte d’Ivoire et de 30 millions au Sénégal, pays dont le pouvoir d’achat est nettement supérieur à celui du Bénin, est insensé. Tout comme cette disposition qui vise à retirer la qualité d’ancien Chef d’Etat aux anciens présidents qui se font élire député. Les députés de Bmp, craignant un vote sanction, tentent de faire un passage en force par des dispositions qui sont préjudiciables à la paix. En Côte d’Ivoire, on a introduit le Et dans la Constitution juste pour écarter un candidat. Plusieurs décennies après, les ivoiriens n’ont pas fini de gérer les conséquences fâcheuses de cette disposition. Cela devrait servir de leçon à ce Bmp qui décidemment est en train de s’inscrire dans la logique d’« après moi, le déluge ».
Mike MAHOUNA