Créée il y a quelques semaines, la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (Criet) est désormais active. Cependant, ses premières actions suscitent des interrogations au sein de l’opinion nationale, surtout que ces dossiers d’inculpation d’anciens ministres et de députés lui sont revenus. A travers cet entretien, l’ancien bâtonnier Jacques Migan se prononce sur les attributions de la Criet, les limites de son champ d’action et la convocation de Sébastien Ajavon par la Criet .
Quelle est la nature de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (Criet) ?
Une division fondamentale domine l’organisation des juridictions de jugement en matière pénale : ces juridictions se répartissent en deux grandes catégories, les juridictions de droit commun et les juridictions d’exception. Les premières sont compétentes pour juger en principe, toutes les infractions pénales et tous les prévenus ou accusés, à moins qu’un texte spécial ne les ait expressément soustrait à leur connaissance. Les secondes, à l’inverse, ne jugent que les procès ou les délinquants pour lesquels un texte les a formellement déclarées compétentes. La Criet est une juridiction spéciale créée par la loi conformément aux dispositions de l’article 98 tiret 6 de la Constitution. Il s’agit d’une juridiction à compétence nationale, à laquelle est affectée la répression du crime du terrorisme et des délits et crimes à caractère économique tels que prévus par la législation en vigueur. La Criet est composée d’une chambre de jugement (art. 6), d’une commission de l’instruction (art. 10, 11 et 12) et d’une chambre des libertés et de la détention. Enfin, suivant les termes de l’art. 20 de la loi : « Dès l’installation de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme, les procédures relevant du domaine attribué de sa compétence dont l’enquête ou l’instruction seraient en cours devant les juridictions compétentes sont, sur réquisition des représentants du ministère public compétent, transférés au procureur spécial près la cour pour continuation, selon le cas, de l’enquête de parquet par le procureur spécial, de l’instruction par la commission de l’instruction, du règlement du contentieux des libertés et de la détention par la chambre des libertés et de la détention et du jugement par la Cour ».
La Criet est-elle habilitée à juger les anciens ministres ?
Les infractions commises par ceux–ci à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions relèvent de la Compétence de la Haute Cour de Justice sauf les cas prévus à l’alinéa 2 de l’article 136 de la Constitution qui prévoit « Les juridictions de droit commun restent compétentes pour les infractions perpétrées en dehors de l’exercice de leurs fonctions dont ils sont pénalement responsables ». Il s’agit ici des actes détachables de la fonction et de l’exercice de l’autorité administrative. Pour que l’acte soit détachable de la fonction, il faut se référer aux attributions, à la compétence et aux moyens mis en œuvre par l’autorité administrative concernée. Donc, la seule condition à laquelle, la Criet peut se saisir des infractions dont la commission est présumée par d’anciens ministres, c’est la détachabilité desdites infractions de leurs fonctions.
Mais s’il s’agit d’infractions commises à l’occasion des fonctions de ministre, la Criet peut procéder à l’instruction du dossier et déterminer le caractère fondé des poursuites engagées. Si l’instruction conclut à la commission d’actes répréhensibles, la Criet peut renvoyer le dossier à l’Assemblée Nationale qui décidera du renvoi du mis en cause devant la Haute Cour de Justice.
Quid du cas du député Idrissou Bako ?
Le député Idrissou Bako n’est pas un ancien ministre mais un député. S’il est soupçonné de la commission d’infractions économiques, il peut être poursuivi par la Criet, à la condition que son immunité soit au préalable levée par l’Assemblée Nationale. Et ce préalable est déjà satisfait.
Que pouvez-vous dire relativement à la convocation de Sébastien Ajavon par la Criet ?
Relativement à la convocation de Monsieur Ajavon par la Criet, le principe non bis in idem veut que nul ne soit jugé une seconde fois pour une même infraction dès lors qu’une décision définitive est intervenue dans l’affaire. Dans le même esprit de sécurité juridique, la locution latine non bis in idem signifie : « nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement à raison des mêmes faits ». Ce principe ne peut être valablement invoqué que lorsqu’il s’agit de faits identiques et de mêmes chefs d’accusation. En l’espèce, s’agit-il d’une même poursuite ? Je n’ai pas suffisamment d’éléments pour opiner.
Réalisation : Adrien TCHOMAKOU
27-09-2018, Adrien TCHOMAKOU