La Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) a connu ce jeudi 4 octobre, de l’affaire « 18 kg de Cocaïne » impliquant l’homme d’affaires et politique, Sébastien Ajavon et autres. Le dossier n’a pas été utilement pris en raison de l’absence des mis en cause qui se sont tous fait représenter par leurs avocats. Le procès est renvoyé au 18 octobre prochain, par la cour qui exige la comparution personnelle de tous les prévenus.
Sébastien Ajavon n’était pas présent, ce jeudi 4 octobre, à la barre de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet). Il était absent tout comme ses autres co-prévenus poursuivis dans l’affaire «18 kg de Cocaïne » pour laquelle le tribunal correctionnel de Cotonou, statuant en première instance le 4 novembre 2016, avait décidé de la relaxe de tous les mis en cause. Le dossier était donc en second degré hier devant la Criet à Porto-Novo. L’affaire a été appelée à 9h 25 mn après plusieurs autres dossiers inscrits au rôle de la cour. Un collège de dix avocats dont deux Français s’est présenté à la barre pour défendre la cause du magnat de la volaille. Mais ils n’ont pas eu l’occasion de plaider. Le dossier n’a pas été utilement pris par la cour qui a décidé de renvoyer la cause au jeudi 18 octobre prochain. Tout simplement parce que les prévenus étaient tous absents. Ces derniers ont envoyé par le biais de leurs avocats une lettre collective d’excuse à la cour de céans à qui ils demandent de juger en leur absence.
Sébastien Ajavon et consorts fondent leurs démarches sur la base des dispositions de l’article 428 du Code de procédure pénale au Bénin. Lequel article stipule que : « Quelle que soit la peine encourue, le prévenu peut, par lettre adressée au président et qui jointe au dossier de la procédure, demander à être jugé en son absence. Il peut se faire représenter par un défenseur et il est alors jugé contradictoirement. Le jugement rendu par le tribunal est réputé contradictoire si le prévenu n’a pas été représenté. Toutefois, si le tribunal estime nécessaire la comparution en personne du prévenu, celui-ci est de nouveau cité, à la diligence du ministère public, pour une audience dont la date est fixée par le tribunal. Si le prévenu ne comparaît pas à cette audience, le jugement rendu par le tribunal est, dans tous les cas, réputé contradictoire. Le prévenu qui demande, conformément aux dispositions du premier alinéa du présent article, à être jugé en son absence, peut joindre à sa demande un mémoire contenant ses moyens de défense ». L’information de la lettre d’excuse a été apportée à la cour par Me Ayodélé
Ahounou à l’ouverture du procès. Le ministère public représenté par le procureur spécial près la Criet, Gilbert Ulrich Togbonon, a aussitôt réagi. Il a demandé à la cour de récuser la démarche des avocats au motif qu’ils n’ont pas la qualité, en matière pénale, de parler au nom des prévenus et mieux ils ne sont pas les assistants de ces derniers. Me Ayodélé Ahounou rétorque et invite la cour à ne pas suivre la position du ministère public qui serait en train de faire une lecture erronée de l’article 428. Une passe d’armes s’en est suivie.
Attaques et contre-attaques
La polémique a amené la cour à faire suspendre pendant quelques minutes l’audience, le temps de se concerter afin de voir la conduite à tenir face à la lettre que détiennent les avocats des prévenus. Il sonnait 9h34mn. Au retour de la suspension à 9h55, la cour semble donner raison au ministère public.
Le président de la cour de céans, Edouard Gangny, a été on ne peut plus clair. La constitution des avocats de la défense n’est pas recevable d’autant que leurs clients ne sont pas venus. Le président de la cour a dit qu’il ne saurait dès lors prendre cette lettre. « Maintenant vous voulez me parler en qualité de quoi ? Vous n’avez pas la parole parce que vos clients ne sont pas là», martèle le président de la cour de céans qui était assisté de ses collègues Rodolphe Azo et Essowé Batamoussi dans le rôle d’assesseurs. Mais cette réaction de la cour n’a pas émoussé l’ardeur des avocats qui tenaient coûte que coûte à intervenir. Ils ont beaucoup insisté au point de faire fléchir légèrement le président de céans qui a décidé d’accorder exceptionnellement la parole à Me Prosper Ahounou à cause de sa qualité de membre du bureau de l’Ordre des avocats du Bénin. Prenant la parole, celui-ci rappelle à la cour qu’il a reçu de son client Sébastien Ajavon deux mandats à savoir: remettre la lettre d’excuse et ensuite se constituer pour sa défense. Me Prosper Ahounou demande qu’il plaise à la cour d’accepter l’accomplissement de ces deux missions quitte à constater ensuite l’absence des prévenus lors du débat au fond. Car, selon lui, à côté du principe en matière pénale qui veut que les prévenus soient jugés en leur présence, il y aussi l’exception. Cette exception permet aux prévenus de se faire juger en leur absence, conformément aux dispositions de l’article 428 du Code de procédure pénale. Faux! rétorque le ministère public qui bat en brèche les arguments de Me Prosper Ahounou. Pour Gilbert Togbonon, l’article 428 invoqué s’applique dans un contexte bien précis. Il renvoie la cour aux dispositions des articles 423 et 431 du même Code de procédure pénale afin de mieux comprendre l’esprit de l’article 428. L’alliage de ces trois dispositions, démontre-t-il, montre à suffisance que la cour a besoin des mis en cause devant sa barre pour continuer la procédure. «Avant de bénéficier de l’article 428, il fallut tenir compte de
l’article 423 qui exige certains préalables de la part des
prévenus absents », assène le ministère public qui défend les intérêts de la société. L’article 423 dispose : « Le président constate l’identité du prévenu et donne connaissance du contenu de l’acte qui a saisi le tribunal ; il constate aussi, s’il y a lieu, la présence ou l’absence de la personne civilement responsable, de la partie civile, des témoins, des experts et des interprètes. Il s’assure de la présence dans la cause d’un avocat avant l’interrogatoire au fond ». Gilbert Ulrich Togbonon invite les avocats à se conformer alors aux exigences de l’article 423 qui demande à la cour de constater l’identité du prévenu. Cette observation technique du ministère public a fait réagir encore Me Prosper Ahounou qui demande à la cour d’accepter de recevoir la lettre d’excuse des prévenus. Ce qu’a fini par faire le magistrat Edouard Gangny. Il a reçu la correspondance et l’a lue à toute la salle. Mais le président de la cour de céans relève qu’il ne saurait recevoir la constitution des avocats de la défense d’autant que nulle part les prévenus n’ont mentionné dans leur lettre que tel et tel avocats les représentent valablement. Au regard de la situation, la cour décide de renvoyer la cause au jeudi 18 octobre et exige la comparution personnelle des mis en cause afin de poursuivre la procédure.
Approché à la fin du procès intervenu à 10h17, Me Julien Bensimhon du barreau français trouve surprenante cette décision de la cour qui réclame la comparution physique des prévenus. Pour lui, c’est une première car, estime-t-il, c’est du droit des prévenus de s’absenter et de demander à la cour de les juger en leur absence. Me Julien Bensimhon dit qu’il rendra compte de la décision de la Cour à son client Sébastien Ajavon qui prendra certainement ses responsabilités.