Une confrontation entre l’ancien ministre de l’Intérieur, de la Sécurité publique et des Cultes, Armand Zinzindohoué, l’ex-procureur général près la cour d’appel de Cotonou, Georges Constant Amoussou et l’ancien directeur général de la Police nationale, Osséni Maïga Anki Dosso, a été le moment fort, ce jeudi, du procès devant la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) de l’affaire Icc services qui est à sa quatrième journée.
Le procès de l’affaire placement illégal et collecte d’argent dite Icc services s’est poursuivi ce jeudi à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) à Porto-Novo. L’ancien ministre de l’Intérieur, de la Sécurité publique et des Cultes, Armand Zinzindohoué, au moment des faits, et sur qui l’audience a été suspendue la veille, était retourné à la barre. Le débat s’est poursuivi avec lui dans le but qu’il dise à la cour, en sa qualité de sachant, ce qu’il sait de ce dossier. Le décor de l’interrogatoire au fond a été planté par Me Olga Anassidé, avocat de l’Etat béninois dans ce procès. Elle a demandé à l’ex-ministre de dire ce qu’est, selon lui, Icc services, ses vrais promoteurs et acteurs et l’objectif de la création de la structure. Répondant à la préoccupation, Armand Zinzindohoué persiste et signe, comme il l’a dit la veille, que c’est en conseil des ministres du 19 mai 2010 qu’il a entendu parler pour la première fois de Icc services. Avant cette date, il ne l’a jamais appris. Mieux, les services de renseignements de la police qui sont sous ses ordres ne lui ont jamais parlé de ce phénomène. Certes, il connait Emile Tégbénou par le biais du sieur Guillaume Sogbossi avec qui il s’est fait ami lors des séances de prières au domicile du chef de l’Etat, Boni Yayi. Guillaume Sogbossi lui a présenté Emile Tégbénou comme le promoteur de la Société nouvelle alliance du Bénin (Snab) spécialisée dans la réalisation de forages et de châteaux d’eau mais jamais comme membre d’Icc services. C’est par la suite qu’il a appris du chef de l’Etat qu’Emile Tégbénou était de cette structure. Cela se passait, se souvient-il, le 7 juillet 2010 où il a été sorti du gouvernement à la suite d’un échange musclé entre lui et le président Boni Yayi qui l’accusait énergiquement dans son bureau d’avoir donné un garde du corps à Emile Tégbénou. Pour lui, c’était la première fois qu’il a vu son chef dans cet état où il était hors de lui-même. Il a marqué ce 7 juillet 2010 un grand étonnement face aux accusations du président de la République qui, selon lui, l’avait instruit par deux fois d’aller le représenter à l’inauguration d’un forage d’eau à Glo-Djigbé et ensuite à la mise en service officielle de l’église du christianisme céleste de Malanwi à Adjarra.
Caution indirecte
Mais qu’est-ce qui a motivé son grand étonnement à l’évocation du nom Icc services par le chef de l’Etat ce 7 juillet 2010 ? A cette question de Me Olga Anassidé, l’ex-ministre chargé de l’Intérieur répond que sa réaction se justifie par le fait que la question avait été évoquée en conseil des ministres le 19 mai 2010 par le ministre de l’Economie et des Finances d’alors, Idriss Daouda, qui a présenté Icc services et consorts comme une structure exerçant une activité illégale. Mais qui a mis un garde du corps à la disposition d’Emile Tégbénou?, a voulu savoir Me Gustave Kassa, l’un des conseils du collectif des victimes. « Je ne sais pas », répond Armand Zinzindohoué qui persiste et signe avoir servi de bouc émissaire dans cette affaire. Mais ne pense-t-il pas que ces deux présences médiatisées aux côtés d’Emile Tégbénou aux cérémonies d’inauguration à Glo-Djigbé et Adjarra où il est allé représenter le chef de l’Etat avec escorte et gyrophare sont de nature à crédibiliser et légitimer les activités de Icc services et à sensibiliser les populations à aller davantage épargner dans ces structures qui étaient en réalité illégales ? Armand Zinzindohoué répond que le gouvernement n’a jamais dit à une population d’aller déposer son argent à Icc services. «J’ai peur pour ce que j’entends ici. On ne peut plus répondre aux invitations », poursuit-il pour montrer qu’il s’était rendu à ces deux inaugurations sur invitation d’Emile Tégbénou et instruction du chef de l’Etat. Et quid de l’affaire de don de pick-up offert par les responsables d’Icc services à la gendarmerie de Klouékanmè? A cette question des avocats qui voudraient savoir la responsabilité de l’Etat dans cette affaire, l’ancien ministre répond avoir appris l’information par le biais de son collègue chargé de la Défense dont dépendait la gendarmerie nationale. « Le don a-t-il été discuté au niveau du gouvernement ? » Non, répond-il au ministère public. « J’ai été le collaborateur loyal le plus proche du chef de l’Etat », insiste Armand Zinzindohoué.
Armand Zinzindohoué confondu
Poursuivant le débat, le président de la cour invite à la barre l’ex-procureur général près la cour d’appel de Cotonou (Pg), Georges Constant Amoussou. Il s’agit pour la cour de confronter Armand Zinzindohoué à ce dernier qui insinuait, mardi dernier à la barre, que les responsables d’Icc services étaient soustraits de la circulation et cachés au ministère de l’Intérieur, de la Sécurité publique et des Cultes au moment où la gendarmerie nationale d’Abomey-Calavi recherchait les intéressés pour les arrêter. Le président de la cour rafraîchit la mémoire à l’ex-Pg qui dit qu’il confirme cette déclaration. Appelé à réagir, Armand Zinzindohoué dit n’avoir jamais fait une telle obstruction à la justice. Georges Amoussou va plus loin en évoquant un arrêté ministériel signé du ministre Armand Zinzindohoué qui assigne à résidence surveillée les responsables d’Icc services. Malgré son opposition à cet arrêté parce qu’illégal, le ministre de l’Intérieur l’a signé. Armand Zinzindohoué dit n’avoir jamais pris un tel arrêté. Il reconnait avoir confié les intéressés à la Police le 21 juin 2010 sur instruction du chef de l’Etat à qui il a rendu compte d’une séance de travail qu’il venait d’avoir, toujours à la demande du chef de l’Etat, à son ministère avec les responsables d’Icc services. Lesquels lui ont dit que les mécontentements des déposants d’Icc étaient dus au fait qu’ils sont en cessation de paiements. Il n’a plus rien fait d’autre que les avoir confiés à la Police. Armand Zinzindohoué sera confondu par Georges Constant Amoussou qui a sorti une copie de l’arrêté effectivement signé par le ministre Armand Zinzindohoué. L’acte assignait à résidence surveillée les responsables d’Icc services et empêchait de facto la Gendarmerie d’Abomey-Calavi de mettre la main sur les intéressés. L’arrêté a été lu à la cour pour lui permettre de faire sa religion. Cette lecture a permis de comprendre que cette mise à résidence surveillée se veut une mesure conservatoire pour garantir l’ordre public et le recouvrement des fonds des épargnants. Armand Zinzindohoué qui avait nié l’existence d’un tel arrêté le reconnait par la suite. Il avoue avoir été amené à signer l’acte par le directeur général de la Police nationale (Dgpn) Osséni Maïga Anki Dosso, qui l’a d’ailleurs initié, mais qui était en même temps son conseiller technique à la sécurité en tant que Dgpn. De ce fait, les effets de cet arrêté querellé, devraient être mis à la charge du Dgpn qui l’a initié et le lui a soumis pour signature.
De qui le Dgpn a-t-il reçu l’ordre? Armand Zinzindohoué dit ne pas le savoir. En tout cas, tout le monde, sauf lui, martèle-t-il. Ce qui a amené le président de la cour à faire appel au Dgpn Osséni Maïga Anki Dosso entre-temps isolé à la salle des témoins. Il n’était donc pas au courant de tout ce qu’a déposé son ancien patron. L’ex-Dgpn a été invité à dire l’initiateur de l’arrêté signé le 28 juin 2010 et qui assigne à résidence surveillée les responsables d’Icc services… Il répond sans hésitation qu’il a reçu l’instruction de son ministre de tutelle comme c’est souvent d’ailleurs le cas au moment où il était aux affaires. Osséni Maïga Anki Dosso confie à la cour que cet arrêté avait été pris pour pouvoir bien faire face à la situation des responsables d’Icc services et consorts qui impliquait plus d’une cinquantaine de personnes. Cette mesure conservatoire a été retenue par le comité de suivi en charge du dossier dont faisait partie le ministre de l’Intérieur avec qui il était en contact. Confondu, le ministre Armand Zinzindohoué dit que l’affaire date déjà de plus de neuf ans et il ne se rappelle exactement de certaines précisions. Qu’à cela ne tienne ! L’ex-Dgpn, à nouveau contredit avec insistance Armand Zinzindohoué qui dit avoir entendu parler d’Icc services pour la première fois lors du conseil des ministres du 19 mai 2010. Osséni Maïga Anki Dosso se dit surpris par cette déposition de l’ancien ministre. Selon lui, son ancien patron avait l’information bien avant cette date à travers les fiches quotidiennes des services de renseignements de la Police qu’il faisait remonter vers lui depuis 2009 au moment où les problèmes ont commencé avec ces structures de placement illégal de fonds en cessation de paiements des déposants. Peut-on retrouver ces fiches dans les archives du ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique et de la Dgpn. « Oui, normalement», répond l’ex-Dgpn au président de la cour. Mais l’ancien ministre continue de soutenir bec et ongles qu’il n’a reçu aucune fiche sur l’affaire Icc services émanant des services des renseignements. Le président de la cour a demandé au procureur spécial près la Criet, Ulrich Gilbert Togbonon, de prendre les dispositions pour rendre disponibles ce vendredi lesdites archives pour situer la vérité.