Lorsque Patrice Talon, président de la République du Bénin, leva son coude sur les résultats des audits au lendemain de l’échec de la révision de la Constitution, en avril 2017, ce fut un véritable tollé et la débandade. Maints secteurs ont été touchés, et que ça soit cadres agents de l’Etat, hommes d’affaires, alliés politiques ou non, beaucoup ont été interpellés. Mais tout point fait, le bâton anticorruption a frappé plus des personnes ne parlant pas le même langage que le pouvoir en place. Ce que, très tôt, d’aucuns ont qualifié de lutte sélective. Mais à y voir de près, ces dénonciations semblent ne pas émousser l’ardeur du chantre du Nouveau départ qui a encore deux ans d’exercice du pouvoir devant lui. Du moins, pour le quinquennat en cours. Cependant, quel est l’état des lieux en trois ans presque de lutte contre la corruption, et en matière de liberté d’expression ? Le constat est que pendant que certains mis en cause dans telle ou telle affaire continuent de purger leurs peines derrière les barreaux, d’autres ont bénéficié d’une mise en liberté sous condition. Dans le même temps, d’autres sont en exil. Votre journal Matin Libre, a fait pour vous un petit point de la situation. Lisez plutôt.
Des détenus
Laurent Mètongnon (photo), Edouard Adégoké, Saliou Youssao, Célestin Ahonon et Moussa Jérémie Mora
Le syndicaliste et ancien président du Conseil d’administration de la Cnss, Laurent Mètongnon et ses co-accusés sont poursuivis et condamnés à 5 ans d’emprisonnement ferme et d’une amende d’un million de FCFA chacun, par le tribunal de première instance de première classe de Cotonou. C’est dans une affaire de placements “hasardeux“ des fonds de la Caisse nationale de sécurité sociale à la Bibe (une banque qui serait en faillite au moment des faits) assortis de rétro-commissions qu’ils auraient perçues. Depuis novembre 2018, Laurent Mètongnon et ses co-accusés devraient à nouveau comparaître devant la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) qui s’est saisie du dossier. Mais du fait du procès Icc services, un scandale financier survenu en 2010 au Bénin, la Criet ne s’est pas encore penchée sur le dossier.
Antoine Dayori, Claude Quenum et consorts
Ancien député, ancien Directeur général de la Société nationale pour la promotion agricole (Sonapra) et ancien ministre, Antoine Dayori a été nommé Directeur général du Conseil national des chargeurs du Bénin (Cncb) le 26 mai 2016 pour un mandat de deux ans. Il sera relevé de ses fonctions le 17 juillet 2017. Il est reproché à Antoine Dayori une légèreté blâmable dans la prise des mesures conséquentes exigées par la décision du conseil des ministres, en sa séance du mercredi 30 juin 2017, confiant la gestion du bordereau électrique de suivi des cargaisons (Besc), au Port Autonome de Cotonou. A des cadres de la structure et autres acteurs du secteur des transporteurs épinglés, on reproche des faits graves liés entre autres à des séminaires non tenus, mais pour lesquels des décaissements ont été opérés.
Irénée Bio Aboudou
Il est reproché à Irénée Bio Aboudou, ancien Directeur général de l’Office national d’appui à la sécurité alimentaire (Onasa) et certains de ses collaborateurs une mauvaise gestion financière portant sur plus d’ 1,7 milliards de francs Cfa. C’est suite à une mission de contrôle diligentée par le gouvernement pour vérifier sa gestion de l’Onasa. Il ressort des conclusions du cabinet d’audit que la gestion des fonds mis à la disposition de l’Onasa entre 2012 et 2015 au titre des opérations de sécurité alimentaire est émaillée d’irrégularités qui portent préjudice à l’Etat.
Atao Hinnouho
Dans l’affaire ‘’faux’’ médicaments qui a déjà conduit des grossistes et répartiteurs en prison, en 2017, le député Atao Hinnouho poursuivi pour fraude douanière, rébellion, violence et voie de fait, sera arrêté en mai 2018 alors qu’il se présentait au Juge après quelques mois hors du territoire. La levée de son immunité parlementaire va ensuite ouvrir la voie à son jugement. Dans la procédure pour fraude douanière, Il va écoper de 5 ans de prison pour cette infraction liée à son activité d’importateur de produits pharmaceutiques prohibés. Si dans le dossier violence et voie de fait sur agents publics en mission (au tribunal de Cotonou), il a été relaxé, Atao Mohamed Taofik sera par contre condamné pour rébellion ; suite à son opposition à une perquisition d’un entrepôt de produits pharmaceutiques qui appartiendrait à sa femme. Le jeune élu de la 15ème circonscription électorale devra aussi payer une amende d’un milliard de francs cfa et des dommages et intérêts de 2 milliards.
Jacob Ichola et consorts
L’ancien Directeur général de la Société nationale pour la promotion agricole (Sonapra), Jacob Ichola et d’autres cadres de la maison ont été incarcérés dans une affaire de malversations. En effet, le gouvernement en conseil des ministres le 26 juin 2017, a levé un coin du voile sur les résultats d’un audit commandité dans cette société d’Etat. L’audit a révélé une perte de 125 milliards de francs Cfa à l’issue de la gestion des campagnes cotonnières 2013-2014, 2014-2015, et 2015-2016. Le 30 mai 2018, le Substitut du procureur siégeant au tribunal, a reçu les mis en cause et fait ses réquisitions contre chacun d’eux.
David Babalola
Cité dans une affaire de fausses quittances d’impôts, qui porterait sur plus de 300 millions F Cfa à la Société nationale des eaux du Bénin (Soneb), le désormais ancien Directeur général David Babalola a été débarqué de son poste par le gouvernement avant d’être soumis à une procédure judiciaire. Mardi 12 juin 2018, il va écoper de trois ans de prison ferme, un million d’amende et 400 millions de dommages et intérêts.
KGB (Kikissagbé Godonou Bernard)
Soupçonné d’escroquerie et de transaction financière illicite après une perquisition à son domicile à Cotonou, l’homme d’affaires béninois Kikissagbé Godonou Bernard sera arrêté à Lomé suite à un mandat d’arrêt international délivré contre lui par la police de son pays. Le transfèrement de « KGB »fut fait aux autorités du Bénin, courant juillet 2018.
Sabi Sira Korogoné
Interpellé pour ses propos tenus lors de la sortie politique d’un groupe de jeunes à Nikki, le porte-parole de « l’Initiative de Nikki » a été condamné à 12 mois de prison ferme et 3 millions d’amende, mardi 02 octobre 2018 au tribunal de Cotonou. La justice béninoise lui reproche de « faits d’incitation à la haine et à la violence, incitation à la rébellion, injures avec motivation raciale », une infraction punie par le Code du numérique en République du Bénin.
Loth Houénou
Le président du parti des valeurs républicaines est condamné depuis le 16 octobre dernier à deux (02) ans de prison ferme. Loth Houénou a été reconnu coupable d’injures à caractère racial sur la personne de l’homme d’affaires Sébastien Ajavon. Mais pour beaucoup d’observateurs, il avait été arrêté pour avoir plutôt tenu des propos jugés injurieux contre le président de la République.
Cette liste n’est pas exhaustive puisqu’elle s’est juste intéressée aux détenus les plus cités par les média. Elle n’a donc pas pris en compte les grossistes répartiteurs libérés récemment dans le dossier ‘’faux’’ médicaments, les personnes en prison dans le dossier Caia ( ), les commissaires de police, les enseignants contre lesquels des poursuites judiciaires devraient être engagées pour détournement présumé de fonds de carburant et vol présumé de riz et d’huile destinés aux cantines scolaires.
Des exilés
Sébastien Ajavon
L’homme d’affaires Sébastien Ajavon a choisi l’exil pour échapper à la justice béninoise. Il ne fait plus confiance à la justice et lui reproche d’être aux ordres. Accusé en effet de trafic international de drogue, il a été condamné par contumace à 20 ans de prison et à 5 millions de F Cfa d’amende par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) alors même qu’il a bénéficié d’une relaxe au bénéfice du doute au niveau du Tribunal de Cotonou. Un mandat d’arrêt international a été émis à l’encontre de l’homme d’affaires venu troisième à la présidentielle de mars 2016.
Valentin Djènontin
Le député Valentin Djènontin a quitté le Bénin parce qu’il trouve lui aussi à redire sur l’indépendance de la justice sous la Rupture. Un rapport d’audit avait en effet relevé de « graves irrégularités» dans sa gestion pour le compte des campagnes cotonnières de 2013 à 2016. Il était au cours de cette période ministre de la justice sous le président Yayi Boni. Le Parlement a même déjà autorisé la Haute cour de justice à engager des poursuites judiciaires contre lui. Mais craignant une vengeance contre sa personne, il a dû s’exiler en France.
Simplice Codjo
L’ancien ministre de l’Intérieur, lui-même hors du territoire, semble ne pas faire confiance aussi à la justice de son pays. Député à l’Assemblée nationale, ses collègues ont levé son immunité et autorisé la justice à le poursuivre dans une affaire de détournement de fonds publics. On reproche à Simplice Codjo d’être mêlé à la mauvaise gestion de 350 millions F Cfa débloqués par le gouvernement d’alors pour servir de primes dans le cadre de la sécurisation des élections législatives de 2015.
Fatouma Amadou Djibril
L’ancienne ministre de l’Agriculture qui s’est exilée depuis plusieurs mois en France, est citée dans l’Affaire Coton. Selon le gouvernement du Bénin, il s’agit de la gestion des campagnes cotonnières de 2013-2016 ayant entrainé des manques à gagner à l’Etat béninois.
Komi Koutché
Arrêté le 14 décembre 2018 à Madrid par la police espagnole pour examiner un mandat d’arrêt international et ensuite une demande d’extradition émis par les autorités béninoises, l’ancien ministre des Finances Komi Koutché est toujours en Espagne. Libéré le 18 janvier 2019, il devra rester en Espagne pendant encore plusieurs jours en attendant la décision définitive de la justice espagnole. La justice béninoise lui reproche d’avoir commis des malversations au moment où il était le Directeur général du Fonds national de micro-crédit (2008-2013). Selon le gouvernement, plusieurs audits réalisés sur les périodes 2010-2013 et 2013-2016 ont révélé des irrégularités de plus de 8 milliards de francs CFA. La justice lui demande de répondre entre autres des actes de détournements et d’octroi irrégulier de crédit.
Jean Panti
Successeur de l’ancien ministre Komi Koutché à la tête du Fonds national de micro finance (Fnm), Jean Panti est, lui, visé selon nos sources par un mandat d’amener. Il lui est reproché des actes de détournements et d’octroi irrégulier de crédits.
Hervé Fangnigbé
L’ancien Directeur du Conseil national des chargeurs du Bénin est recherché dans le cadre des supposées malversations que des audits commandités par le gouvernement auraient révélées. Hervé Fangnigbé a pris la clé des champs pour échapper pour le moment à la justice béninoise.
Nadine Dako
Dans l’affaire malversations financières au Conseil national des chargeurs du Bénin (Cncb), le nom de l’ancienne ministre Nadine Dako est aussi cité. En tant qu’ancienne directrice générale dudit conseil, la justice l’a aussi convoquée. Dans la foulée, elle a quitté le Bénin.
Léhady Soglo
Ejecté de son poste de Maire de Cotonou pour « fautes lourdes », Léhady Soglo a trouvé refuge en France depuis 2017. La justice veut l’écouter sur la résistance qu’aurait opposée l’ancien Maire à la police quand celle-ci voulait perquisitionner son domicile. Mais également à propos de l’incinération des valeurs inactives de la mairie de Cotonou pendant qu’il était encore le Chef de ladite Municipalité.
Me Abou Séidou
L’ancien Greffier en Chef de Cotonou a clandestinement quitté le territoire national depuis plusieurs mois. Et pour cause. La justice est à ses trousses. Selon les informations données par le Conseil des ministres, des irrégularités ont été constatées dans la gestion des fonds du Greffe du Tribunal de première instance de Cotonou. Un peu plus de 1,5 milliards F Cfa ont disparu des caisses du Greffe dirigé par Abou Séidou de 2011 à 2017.
Léonce Houngbadji
Craignant pour sa sécurité, Léonce Houngbadji qui est farouchement contre la gouvernance actuelle au Bénin, s’est exilé en France depuis Octobre 2018. Dans une déclaration faite à la presse, le jeune opposant, président de parti a montré qu’il a fait ce choix pour échapper aux menaces d’arrestation, d’empoisonnement ou encore d’assassinat qui pèsent sur sa personne.