Le recours en inconstitutionnalité du décret n°2019-012 du 9 janvier 2019 portant convocation du corps électoral pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale, 8e législature n’a pas prospéré. Les gymnastiques juridiques du requérant ont échoué, fondamentalement contre le mur du principe à valeur constitutionnelle : « l’organisation à bonne date des élections ». Se fondant sur les dispositions de l’article 56 alinéa 2 de la loi n°2018-23 du 17 septembre 2018 portant charte des partis politiques : « ils (les partis politiques dûment enregistrés) disposent d’un délai de six mois pour se conformer aux nouvelles dispositions. Passé ce délai, ils perdent leur statut juridique », les requérants exposent que le décret portant convocation du corps électoral pour le 28 avril prochain est contraire à la loi, en ce qu’il ignore le délai de six mois donné aux partis pour se conformer. Car, ce délai court jusqu’au 18 mars 2019, et n’aurait pas expiré à la date du dépôt des candidatures de sorte que les partis qui ne se seraient pas mis en conformité à cette date pourraient être exclus de la compétition électorale. C’est pour cette raison que les requérants ont sollicité de la Cour une annulation du décret convoquant le corps électoral pour le 28 avril, et un report du scrutin. Mais le verdict de la Cour sera sans appel. « L’organisation des élections à bonne date est un principe à valeur constitutionnelle auquel il ne saurait être opposé de dérogation que dans des cas de force majeure et l’article 56 alinéa 2 de la loi n°2018-23 portant charte des partis politiques ne constitue pas un cas de force majeure ».
Aussi, l’article 243 du code électoral indique que les élections ont lieu dans les soixante (60) jours précédant la date d’expiration des mandats de la législation en cours et en l’espèce, le mandat des députés de la 7e législature ayant pris effet le 16 mai 2015 prend fin le 15 mai 2019, et il en résulte selon la Cour, que la convocation du corps électoral pour le 28 avril 2019 n’est contraire ni à la loi, ni à la Constitution.
Pour les sages de la Haute juridiction, si tout parti politique dûment enregistré avant la promulgation de ladite loi a jusqu’au 16 mars 2019 à minuit pour accomplir les formalités de mise en conformité, ceux qui envisagent de présenter des candidats aux législatives du 28 avril prochain doivent, pour être conformes au code électoral, avoir accompli cette mise en conformité à la date fixée pour le dépôt de la liste des candidats par la production d’un certificat de conformité aux dispositions de la charte des partis politiques délivrée par le ministère de l’intérieur et de la sécurité publique. Selon le calendrier électoral dévoilé par la Cena, la réception des dossiers de candidatures pour les législatives se déroulera du 21 au 26 février.
Il faut rappeler les articles 81 alinéa 2 et 117 alinéa 3 de la Constitution disposent respectivement : « la Cour constitutionnelle statue souverainement sur la validité de l’élection des députés », la Cour constitutionnelle « statue, en cas de contestation, sur la régularité des élections législatives ». Ces dispositions fondent donc la compétence du juge constitutionnel en matière de contentieux des élections législatives.
décision EL 19-001 du 1er février 2019
Messieurs Ismaël Gaétan SADODJOU, demeurant à Bassila, et Gérard GAHOUNGA, demeurant à Comé forment deux recours en inconstitutionnalité du décret n°2019-012 du 9 janvier 2019 portant convocation du corps électoral pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale, huitième législature ;
Considérant que les requérants exposent que le décret portant convocation du corps électoral pour le 28 avril 2019 en vue de l’élection des députés à l’Assemblée nationale, est contraire à la loi portant charte des partis politiques en ce qu’il ignore le délai de six (06) mois donné aux partis politiques, dûment enregistrés à la date d’entrée en vigueur de cette loi, pour se conformer aux nouvelles dispositions ; que cette loi ayant été promulguée le 17 septembre 2018, ce délai qui court jusqu’au 18 mars 2019, n’aurait pas expiré à la date de dépôt des candidatures à cette élection de sorte que les partis qui ne se seraient pas mis en conformité à cette date avec les nouvelles dispositions pourraient être exclus de la compétition électorale car le code électoral interdit toute modification et tout complément des listes de candidature après leur dépôt sauf en cas de décès ; qu’ils sollicitent en conséquence de la Cour l’annulation du décret querellé et le report de l’élection ;
Considérant qu’en réponse, le Président de la République, par l’organe du Secrétaire général du Gouvernement, conclut à la jonction des deux procédures et au rejet des demandes d’annulation du décret et du report de l’élection projetée aux motifs d’une part, que la convocation du corps électoral doit intervenir quatre-vingt-dix (90) jours au plus tard avant la fin du mandat conformément à l’article 69 du code électoral et ne peut se situer au-delà du 14 février 2019 ; que la date du 28 avril 2019 fixée pour le scrutin qui se situe dans les soixante (60) jours précédant la date d’expiration du mandat en cours des députés selon l’article 244 du même code ne viole ni la loi ni la Constitution ; d’autre part, suivant les dispositions combinées des articles 239, 267 et 268 du même code électoral, seuls les partis politiques peuvent présenter des candidats à l’élection des députés ;
Considérant que la Commission électorale nationale autonome (CENA) déclare s’en remettre à la décision à intervenir ;
Considérant que les deux requêtes tendent aux mêmes fins ; qu’il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule et même décision ;
VU les articles 5, 46, 81 alinéa 2 et 117 tiret 3 de la Constitution, 44 alinéa 2, 46 alinéa 4, 50, 69, 239, 243, 267 et 268 du Code électoral, 56 alinéa 2 de la loi portant charte des partis politiques en République du Bénin ;
Considérant que les articles 81 alinéa 2 et 117 alinéa 3 de la Constitution disposent respectivement : « la Cour constitutionnelle statue souverainement sur la validité de l’élection des députés » ; la Cour constitutionnelle « statue, en cas de contestation, sur la régularité des élections législatives » ; que ces dispositions fondent la compétence du juge constitutionnel en matière de contentieux des élections législatives ;
Considérant que suivant les dispositions de l’article 80 de la Constitution, les députés sont élus au suffrage universel direct pour un mandat de quatre (04) ans ; que selon l’article 46 de la Constitution, la convocation des électeurs est faite par décret pris en Conseil des ministres ; que l’article 69 du code électoral précise également que « le corps électoral est convoqué par le Président de la République par décret pris en Conseil des ministres quatre-vingt-dix (90) jours au plus tard avant la fin du mandat en cours » ; que l’article 243 du même code indique que les élections ont lieu dans les soixante (60) jours précédant la date d’expiration des mandats de la législation en cours ;
Considérant qu’en l’espèce, le mandat des députés de la législature en cours, ayant pris effet le 16 mai 2015 prend fin le 15 mai 2019 ; qu’il en résulte que la convocation du corps électoral pour le 28 avril 2019 a respecté les dispositions visées et n’est donc contraire ni à la loi ni à la Constitution ;
Considérant que l’organisation des élections à bonne date est un principe à valeur constitutionnelle auquel il ne saurait être opposé de dérogation que dans des cas de force majeure ;
Que l’article 56 alinéa 2 de la loi n°2018-23 du 17 septembre 2018 portant charte des partis politiques en République du Bénin selon lequel « ils (les partis politiques dûment enregistrés) disposent d’un délai de six mois pour se conformer aux nouvelles dispositions. Passé ce délai, ils perdent leur statut juridique. », ne constitue pas un cas de force majeure ; que combiné avec l’article 46 alinéa 4 du code électoral suivant lequel « aucun ajout de pièce, aucun ajout ni suppression de nom et aucune modification ne peut se faire après le dépôt, sauf en cas de décès, lorsqu’il s’agit d’un scrutin de liste » son article 50, selon lequel « tout report de la date des élections est interdit. En cas de force majeure, le report de date ne peut être fait qu’après une consultation de toutes les forces politiques engagées dans l’élection concernée et sur décision de la juridiction compétente », implique que si tout parti politique dûment enregistré avant la promulgation de ladite loi a jusqu’au 16 mars 2019 à minuit pour accomplir les formalités de mises en conformité , ceux qui envisagent de présenter des candidats à l’élection des députés à l’ Assemblée nationale aux élections législatives du 28 avril 2019 doivent, pour être conformes au code électoral, avoir accompli cette mise en conformité à la date fixée pour le dépôt de la liste des candidats par la production d’un certificat de conformité aux dispositions de la Charte des partis politiques délivrée par le ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique ;
La Cour décide :
Premièrement : Le décret n°2019-012 du 9 janvier 2019 portant convocation du corps électoral pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale, huitième législature n’est contraire ni à la constitution, ni à la loi n°2018-23 du 17 septembre 2018 portant charte des partis politiques en République du Bénin.
Deuxièmement : En l’état, la demande du report des élections législatives fixées au 28 avril 2019 est rejetée ;
Troisièmement : Les partis politiques dûment enregistrés avant la promulgation de loi la loi n°2018-23 du 17 septembre 2018 portant charte des partis politiques en République du Bénin ont jusqu’au 16 mars 2019 à minuit pour accomplir les formalités de conformité à la charte.
Quatrièmement : Les partis politiques qui envisagent de présenter des candidats aux élections législatives doivent se conformer aux dispositions de la loi n°2018-23 du 17 septembre 2018 portant charte des partis politiques en République du Bénin à la date fixée pour le dépôt de la liste des candidats par la production d’un certificat de conformité aux dispositions de la charte des partis politiques délivré par le ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique.
La Cour précise que la présente décision sera notifiée à messieurs Ismaël Gaétan SADODJOU et Gérard GAHOUNGA, à monsieur le Président de la Commission électorale nationale autonome (CENA), à monsieur le Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, à monsieur le Président de l’Assemblée nationale, à monsieur le Président de la République, et publiée au Journal officiel de la République du Bénin.
4-02-2019, Arnaud DOUMANHOUN