10 ans de prison ferme et 12 millions FCFA d’amende chacun pour les principaux accusés dans l’affaire Icc-Services. Le verdict rendu, à Porto-Novo, au petit matin du jeudi 07 février 2019, vient clore la partie pénale de ce dossier qualifié de la plus grande escroquerie du siècle au Bénin. Si pour les accusés et les victimes, le verdict fait renaitre pour les uns l’espoir d’une libération prochaine et la possibilité de remboursement pour les autres, pour le gouvernement de la Rupture, c’est maintenant que le plus dur commence. Et pour cause…
Qui payer, quand et comment ?
Dans sa décision, le président de la Cour a ordonné le payement des victimes de Icc-Services. Les fonds consignés au trésor et au greffe doivent être dégelés à cette fin. De même que les fonds qui seront issus de la vente des biens des promoteurs de Icc-Services. Mais qui payer ? Ils sont combien aujourd’hui les déposants de Icc-Services ? En dehors des 500 déposants dont les carnets ont été transmis à la Cour par le biais des leurs conseils, combien sont-ils au total à réclamer le remboursement de leur argent ? Etant donné que des informations ont fait état de ce que, après l’éclatement du scandale, des agents de Icc-Services avaient gardé par devers eux des cachets avec lesquels ils ont fait de faux contrats à des personnes pour venir réclamer une somme qu’elles n’ont pas déposée, comment la Cour fera le tri entre les vrais et les faux épargnants ? Même les données de l’Insae ne sont pas fiables. Séverine Lawson, l’ex Agent judicaire du Trésor, l’a martelé. De même quid des premiers déposants qui avaient largement profité du système en percevant la totalité de leurs intérêts en plus du solde. La Cour va-t-elle laissé cela passer en perte et profit ? Même après la vente des biens des promoteurs, l’argent suffira-t-il pour rembourser tous les déposants ? Les spoliés seront-ils payés d’un trait ou le payement sera-t-il échelonné ? Démarrer aujourd’hui le remboursement des spoliés ne reviendrait-il pas à donner raison à ceux qui avancent que le procès n’avait en réalité que pour objectif, trouver un thème de campagne à la Rupture ? Ce sont autant de questions que soulève la mise en application effective de la décision de la Criet.
Place à la récupération politique
La période pour connaître du dossier Icc-Services n’a pas été choisie au hasard. Elle coïncide avec le démarrage de la pré-campagne qui sera suivie de la campagne proprement dite pour les élections législatives d’avril 2019. Décriée depuis 2016 et en panne d’arguments pour rallier la population à sa cause, la Rupture n’hésitera pas à se servir du procès Icc-Services à son avantage. Il faut s’attendre au démarrage effectif du remboursement des spoliés avant les législatives. Les arguments ne vont pas manquer. Cela a commencé déjà avec des propos du genre, la Rupture a réussi là où le régime défunt a échoué. Au dernier jour du procès, les principaux accusés ont tous déjà louangé la Criet et le régime Talon. Cela va se poursuivre. Les médias seront mis à contribution pour montrer à la population que c’est Talon qui est venu ‘’sauver’’ les spoliés de Icc-Services. Des vox populi seront réalisées sur les chaînes de télé et radio pour montrer combien les populations sont contentes de la Criet, et du Gouvernement de Patrice Talon, et, par la même occasion, vouer aux gémonies le régime défunt. Certains n’hésiteront pas à dire, comme le procureur Amoussou et le procureur spécial que seul Boni Yayi est responsable de cette vaste escroquerie. Hermann Mèton, l’un des représentants d’association de consommateurs, écume déjà les plateaux de télévision et de radio pour remercier le Chef de l’Etat. Tout ceci aura pour effet d’agir sur la conscience des populations afin qu’elles n’accordent pas leur vote à la liste Fcbe en particulier et aux listes de l’opposition en général. Le procès Icc-Services est certes terminé mais il étendra encore ses ramifications jusqu’à la présidentielle de 2021.
La Cour dribbleTogbonon sur le cas Yayi et consorts
Dans le verdict rendu par le président de la Cour Cyriaque Dossa, aucune mention n’a été faite sur la responsabilité réelle ou supposée de Boni Yayi dans cette affaire. Contrairement à ce à quoi s’attendait l’opinion publique, surtout après les réquisitions du Procureur spécial au sujet de la poursuite de l’ancien chef d’Etat en qualité de co-auteur, le président de la Cour a évité le piège. Certes, cela ne veut pas dire qu’aucune action ne sera intentée contre Boni Yayi. Mais cela relève exclusivement des prérogatives du Procureur général. D’ailleurs, selon certains praticiens du droit, le Procureur spécial Gilbert Togbonon a donné dans du sensationnel en affirmant dans ses réquisitions qu’il fera tout pour faire poursuivre, Boni Yayi, Pascal Irénée Koupaki et consorts. Il ne lui revenait pas d’engager ou de faire engager des poursuites contre Boni Yayi et ses ministres d’alors. Seul le Procureur général peut le faire. En bon pénaliste, le président Cyriaque Dossa n’a pas suivi le Procureur spécial sur ce terrain.
M.M