Le Forum économique mondial Afrique s’est de nouveau tenu début septembre 2019 en Afrique du Sud réunissant plus d’un millier de participants. Occasion pour le président sud-africain Cyril Ramaphosa d’évoquer son ambition de redresser l’économie de son pays et de regagner la confiance des investisseurs notamment en luttant contre la corruption. Cette économie qui est la plus développée d’Afrique a affiché une croissance de 3,1% au deuxième trimestre.
« La réalité est que notre économie est à peine en croissance pour relever les défis auxquels notre pays fait face actuellement, » reconnaît Cyril Ramaphosa. « Notre économie crée de nouveaux emplois, mais ces emplois ne suffisent pas pour faire baisser le taux de chômage global, » poursuit-il.
Être aux avant-postes de la Quatrième révolution industrielle, c’est l’objectif que s’est donné l’Afrique du Sud. Pourtant, au niveau mondial, cette évolution inquiète car elle fait disparaître des emplois. Mais les participants du Forum au Cap sont persuadés que cette nouvelle ère générera d’autres opportunités à l’image de l’ère de l’information qui a créé des emplois inimaginables il y a une vingtaine d’années.
« En tant qu’Afrique, que voulons-nous cibler ? » interpelle Stella Ndabeni-Abrahams, ministre sud-africaine des communications et des technologies numériques. « Il y a des pays à la pointe comme le Kenya et le Rwanda, nous déployons des services de santé en utilisant des drones… Eh bien, qui produit ces drones ? Qui les programme ? C’est sur ce créneau que l’Afrique doit se placer, » assure-t-elle. « De quels atouts dispose le Kenya ou la Zambie ? Quels sont les atouts que l’Afrique du Sud n’a pas ? Nous devons travailler ensemble, » insiste la ministre.
Question de compétences
Qu’en est-il des jeunes à faible revenu et des femmes parfois exclus de cette révolution ? « Nous devons fournir des compétences numériques à ceux qui n’en ont pas, » souligne Stella Ndabeni-Abrahams. « Nous devons investir dans les différentes ressources dont nous aurons besoin, mais le plus important, c’est d’identifier ce qui doit être le créneau de l’Afrique dans le cadre de cette révolution, » dit-elle.
La question des inégalités s’est également posée en lien avec la nouvelle Zone de libre-échange continentale africaine. Sa récente entrée en vigueur suscite l’enthousiasme parmi les participants qui en attendent une croissance équitable pour ses membres.
« La zone continentale de libre-échange était l’un des points forts des discussions : comment empêcher les monopoles existants qui finiront par dominer le marché panafricain ? » indique Petrus de Kock,manager général du service recherche à Brand South Africa. « Je pense qu’avec la bonne approche politique, nous pouvons finir par éviter cela et créer de nouvelles opportunités pour toutes les nouvelles entreprises de manière à ce qu’elles se placent sur le marché africain, » estime-t-il.
Des investisseurs au cœur de l’action
Mais les problèmes sociaux restent un défi pour les investisseurs qu’ils aient une présence ancienne ou récente en Afrique sub-saharienne.
« Tout ce qui affecte nos employés nous inquiète, » assure Thomas Schäfer, directeur général Volkswagen pour l’Afrique sub-saharienne. « Je crois maintenant que les restructurations en cours au sein du gouvernement sud-africain sont très encourageantes ; nous avons beaucoup de problèmes dans ce pays qui doivent être réglés : dans les entités appartenant à l’État, mais aussi en matière de criminalité et de chômage ; l’industrie ne peut pas les régler seule et les politiques non plus, » dit-il avant d’ajouter : « Donc, cela nous touche, mais je suis convaincu que l’Afrique du Sud est la meilleure base manufacturière que nous ayons dans le groupe. »
L’investisseur Emmanuel Gamor nous livre son point de vue : « La plupart des investisseurs les plus intelligents investissent en fait, dans des périodes qui ne semblent pas les plus idéales ou les plus prisées. Donc, je suis encore plus confiant, mais aussi plus stratégique sur les nuances à avoir : comment investir dans les jeunes générations parce qu’elles ont aussi besoin d’espoir ? » dit-il. « Pour moi, le climat actuel nous oblige à investir de manière stratégique parce que c’est la seule façon d’aboutir à un avenir plus collaboratif, » souligne-t-il.
Clayton Naidoo, directeur chez Cisco, nous explique les activités de son groupe sur place : « Nous avons entamé un investissement en Afrique du Sud pour créer des emplois et lancer l’activité de petits partenaires et cela va au-delà des frontières de l’Afrique du Sud, » assure-t-il.
« Nous avons au Kenya, un centre de pointe appelé EDGE (« Experience, Design, Go to Market and Earn ») qui est aussi un centre d’incubation ; nous prévoyons d’en construire un autre au Nigeria, » fait-il savoir. « Et ces centres EDGE vont se connecter les uns aux autres : des start-up s’installeront en Afrique de l’Est ou au Kenya et collaboreront avec d’autres en Afrique du Sud et en Afrique de l’Ouest, à Lagos, » indique Clayton Naidoo. « Ce sont donc des solutions à l’échelle d’un continent par opposition à des solutions qui ne sont implantées que sur le marché pour lequel vous les développez : c’est un concept intéressant que nous mettons en œuvre, » conclut-il.