Les relations entre la République fédérale du Nigéria et l’Afrique du Sud ne sont pas au beau fixe. A l’origine, les violences xénophobes qui ont éclaté la semaine dernière au pays de Nelson Mandela et qui ont fait au moins une quinzaine de morts. Violences au cours desquelles, plusieurs commerces appartenant aux étrangers ont été pillés et surtout brûlés dans la région de Johannesburg et dans la capitale sud-africaine, Pretoria. Ces actes déplorables perpétrés contre les africains étrangers ont provoqué un choc sur tout le continent. Ainsi, plusieurs pays ont haussé le ton contre ce fait. Dans la foulée, des réactions diplomatiques et des actes de représailles ont été observés. Le Nigéria parait plus remonté contre Pretoria que les autres pays. Vu ses nombreux intérêts emportés par la violence sud-africaine jusqu’à la perte de ses fils, le gouvernement nigérian a rappelé son ambassadeur, Kabiru Bala en poste en Afrique du Sud. Il est allé jusqu’à affréter des vols gratuits pour ses ressortissants désireux de rentrer au pays.
La crise est donc née. La tension est montrée entre les deux plus grandes économies de l’Afrique. En réponse à Johannesburg et Pretoria, Abuja et Lagos s’en sont pris aux intérêts économiques sud-africains. L’opérateur téléphonique MTN a, par exemple décidé de fermer ses agences par crainte des pillages, après avoir vécu des échauffourées qui se sont produites en début de semaine devant plusieurs magasins de la marque Shoprite. Dans la même veine, Pretoria a dû fermer son ambassade à Abuja et son consulat à Lagos. Les deux géants de l’Afrique sont à couteau tiré. Situation qui risque de pourrir le libre-échange continental.
Séquelles sur l’économie africaine
Des plus grandes puissances économiques de l’Afrique, dépend la bonne santé de l’économie du continent. Mieux les relations vont bien, plus les pas vers le libre-échange et le développement deviennent faciles. Il n’est un secret pour personne que la xénophobie qui a refait surface en Afrique du Sud a instauré dans tous les pays du continent une atmosphère d’inquiétude et de révolte. Somalie, Zimbabwe, Mozambique, Bangladesh, Malawi, République démocratique du Congo sont entre autres pays qui ont clairement affiché leur colère. Cette colère s’est d’ailleurs matérialisée dans le boycott du Forum économique mondial par certains pays. Les quelques-uns qui ont rallié Cap Town où se déroule le Forum sont abattus. C’est le cas de Iyinolouwa Aboyeji, un entrepreneur nigérian qui pense que cette tension entre son pays et l’Afrique du Sud « est plus qu’un simple risque. Ce sont des milliards de dollars qui pourraient s’envoler. Ces deux économies ensemble, c’est près de la moitié du PIB d’Afrique subsaharienne. Donc si elles ne s’entendent pas, il n’y a plus d’espoir pour un futur panafricain ».
Les actes xénophobes ont instauré aussi d’une part l’atmosphère de méfiance entre Lagos et Pretoria et d’autre part entre tous les autres pays de l’Afrique. Cet état de choses va donner un coup à l’environnement des affaires. Dans un moment où le continent a besoin de créer davantage des zones de libre-échange et de travailler à harmoniser son marché continental, ces actes apparaissent pour refroidir les efforts en cours. Les craintes du ministre sud-africain des Finances Tito Mboweni l’illustrent si bien. Son souhait, c’est la concrétisation de la zone de libre-échange continentale. « On veut le libre-échange des biens, mais les biens ne se déplacent pas tout seuls, ils sont déplacés par les gens. Donc la libre-circulation des populations est nécessaire. Ces barrières artificielles et cette haine entre nous doivent vraiment appartenir au passé », dit-t-il. Il urge donc que les présidents Muhammadu Buhari et Cyril Ramaphosa prennent langue pour trouver le plus tôt une porte de sortie. Vivement que le voyage du président nigérian annoncé pour octobre à Pretoria tienne et donne des fruits.
Clément WINSAVI