Une loi d’amnistie pour les personnes en prison suite aux événements malheureux d’avril, mai et juin 2019 ! C’est entre autres, ce qui ressort des échanges entre le chef de l’Etat et la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale, hier jeudi au Palais de la République. Une rencontre qui s’inscrit dans la droite ligne du dialogue du week-end dernier initié par le président Patrice Talon pour aplanir les frustrations nées des législatives qui ont connu l’exclusion des partis politiques se réclamant de l’opposition, avec à la clé un Parlement entièrement acquis à la cause du Pouvoir. A l’analyse, on peut dire sans ambages que le chantre de la Rupture se préoccupe, avec célérité, de l’après recommandations de ces assises des 10, 11 et 12 octobre. Mais curiosité oblige, pourquoi cette option de loi d’amnistie et pas celle d’une grâce présidentielle comme c’est le cas généralement et récemment encore au Togo, au Cameroun ou au Sénégal ? Interrogé sur une chaîne de télévision, le député du Bloc républicain de la 8e circonscription électorale, Adam Bagoudou a reconnu que Patrice Talon pouvait bien emprunter le chemin de la grâce présidentielle, mais il a préféré faire autrement. Selon lui, le chef de l’Etat n’a pas voulu court-circuité l’Assemblée nationale parce qu’elle est capable de le faire. Ainsi, on ne pourra pas dire après que la solution est venue du président de la République mais de l’ensemble des institutions. Et c’est justement là où des inquiétudes apparaissent. Un tel cas de figure, c’est du déjà-vu. Et malheureusement, cela est la base de la crise à laquelle on tente de trouver une issue. Comment ne pas se rappeler qu’après la décision de la Céna d’exclure tous les partis politiques de l’Opposition de la course aux législatives, le chef de l’Etat avait demandé au président de l’Assemblée nationale d’alors, Adrien Houngbédji de trouver au Parlement une solution consensuelle. Ce fut un fiasco. Députés de la Mouvance et de l’opposition se sont mangé le nez. Cette fois-ci, doit-on se réjouir de l’absence de l’opposition du Parlement pour espérer que le vote de la loi va passer comme une lettre à la poste pour le bonheur des bénéficiaires ? A y voir de près, le ton pourrait monter de part et d’autre dans les prochains jours. Patrice Talon qui croit dur comme fer que cette Assemblée nationale sortie des législatives contestées d’avril dernier, est qualifiée pour voter des lois allant dans le sens de l’apaisement ou de la décrispation. Ce que récusent nombre de Béninois et en particulier l’opposition connue sous le nom de la Résistance.
Le piège qui guette l’Opposition
Parmi les préalables de l’Opposition à tout dialogue avec le pouvoir de la Rupture figure en bonne place l’abandon des poursuites judiciaires contre l’ex président Yayi Boni, la libération des personnes détenues dans le cadre des violences post législatives et le retour au bercail de ceux qu’ils appellent les exilés politiques. Elle exige aussi et surtout l’organisation de nouvelles élections législatives inclusives. Ce qui implique que pour l’Opposition, le Parlement 8e législature n’a aucune légitimité. Avec la tournure que prend le débat, le chef de l’Etat semble accéder à ces exigences que des délégués au dialogue ont exprimées et inscrites dans le rapport final sous forme de « doléances ». Mais là où ça devient intéressant et délicat, c’est qu’au lieu d’y aller directement en graciant, il recherche l’onction du Parlement objet de contestation dans l’opinion. Que le Parlement vote la loi de l’oubli des peines et des poursuites avec pour effet la libération des détenus interpellés à la suite des violentes manifestations d’il y a quelques mois, n’est-ce pas heureux ? Que le même Parlement vote la loi de l’oubli des peines et des poursuites avec pour effet le retour des exilés, n’est-ce pas heureux aussi ? Mais le véritable problème, après avoir bénéficié des bons services de cette Assemblée à travers le vote de ces lois en vue, ces personnes et ceux se réclamant de la Résistance pourront-ils remettre en cause sa légitimité ? Pour beaucoup d’observateurs, ce qui se profile n’est pas loin de cette lecture. Et au cas où ces lois seront votées et la légitimité de la 8ème législature officiellement entérinée, elle pourrait mettre, pourquoi pas, le cap sur la révision de la Constitution, comme il se susurre déjà. Comme quoi, ce sont les participants au dialogue qui l’auront proposée pour la concrétisation du débat sur l’équité au Parlement et l’organisation d’élections générales une même année. Les prochains jours nous édifieront.
Mike MAHOUNA