Interviews réalisées par Paul AMOUSSOU et Kokouvi EKLOU
Que retenir globalement de la loi n°2019-40 portant modification de la loi 90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin adoptée jeudi dernier et qu’est-ce qui motive les innovations apportées ?
Je pense que c’est une avancée significative en matière politique et de la démocratie. Vous savez, la Constitution qu’on vient de réviser date de 1990 et cela étant, il faut qu’on avance. On ne peut pas avoir une Constitution et dire que ce ne serait jamais révisé. C’est pour ça que je n’ai jamais compris la position de certaines personnes qui disent qu’il ne faut jamais réviser la Constitution. Le président Kérékou a échoué dans la révision de la Constitution, ainsi que le président Yayi; le troisième président arrive et dit lors de sa campagne qu’il va faire des réformes politiques profondes pour le pays. Il vient maintenant pour les réformes et on refuse que cela ne se fasse. Je disais tantôt que c’est une avancée significative, profonde et donc on doit remercier le président Talon pour avoir fait en sorte que nous soyons là. C’est vrai que c’est le dossier de l’Assemblée nationale mais c’est parce que le président a eu une certaine volonté au sommet. Moi je suis personnellement très content pour cette avancée. Il y a beaucoup de choses qui m’intéressent dans cette révision, surtout en ce qui concerne les élections générales. En 2026, désormais, on aura des élections générales au Bénin, peut-être avec deux ou trois mois d’écart pour chaque élection. Je crois que c’est extraordinaire et je rêve de ça depuis plus de 15 ans pour mon pays. Je ne comprends pas que dans un pays on fasse d’élection chaque année ou chaque deux ans. Le cas le plus récent, on a eu les élections législatives en 2019 et on aura les communales en 2020 et la présidentielle en 2021. Si chaque année il y a élection, quand est-ce qu’on va travailler ? A chaque fois qu’une élection s’annonce, huit mois ou un an avant, c’est la politique qui démarre et donc les cadres au niveau de l’administration ne travaillent plus correctement jusqu’après les élections. Je crois qu’il faut qu’on soit sérieux et qu’on travaille pour les populations. On n’a pas l’argent pour tout le temps organiser les élections, or c’est au moins 10 à 15 milliards qu’on dépense pour l’organisation d’une élection. Donc, si ça se passe comme ça on aura 5 ans pour travailler en toute sérénité.
Quelles sont, selon vous, les implications politiques de l’avènement d’un tel ordre ?
Je suis convaincu que ce qui est fait est une bonne chose. Par rapport aux implications politiques, c’est ce que j’ai dit pour les élections générales qui auront lieu en 2026. L’autre implication politique, c’est que les élections communales auront lieu en 2020 et les maires et conseillers qui seront élus en 2020 auront 6 ans au lieu de 5 ans pour participer aux élections générales. Les députés actuels iront au terme de leur mandat en 2023, par contre ceux qui seront élus en 2023 ne feront que 3 ans. En plus, il y a les femmes qu’on a essayé d’intégrer dans la démarche. On doit avoir maintenant au minimum, une femme par circonscription électorale, cela fait 24 femmes. L’autre chose est qu’avant, on avait 83 députés depuis 30 ans et il faut que ça change. La démographie a évolué. On a essayé de mettre ça dans la nouvelle loi modifiant la Constitution. L’autre innovation est que désormais les députés auront trois mandats au maximum afin que la classe politique puisse être renouvelée.
Pour le poste de vice-président que nous avons créé, c’est du fait que le président de la République peut avoir des empêchements et dans le cas d’espèce, c’est lui qui prend la direction du pays. Je crois que c’est une bonne chose. C’est vrai qu’avant, c’est le président de l’Assemblée nationale mais il fallait une autre dynamique au regard des contingences. On est rentré dans un nouveau contexte et je pense que le poste de vice-président peut aider le pays et ça fait un certain équilibre politique dans le pays.
En tant qu’acteur politique, comment vous projetez-vous face à cette nouvelle dynamique, notamment la limitation des mandats des députés ?
La limitation de mandat est une très bonne chose. Les mêmes personnes ne peuvent pas être là tout le temps. Il n’y a pas que le poste de député dans le pays. Il y a plein de postes. Limiter ce genre de poste permet, à mon avis, aux jeunes de s’essayer aussi en politique au lieu que cela soit le fait des mêmes personnes.
La parité que vous avez consacrée à travers cette loi n°2019-40 portant modification de la loi 90-32 du 11 décembre 1990 implique que la gent féminine va désormais bousculer les hommes. L’acceptez-vous de gaieté de cœur ?
La gent féminine ne peut pas bousculer les hommes parce qu’elles ont été toujours là. De toutes les façons, il y a eu une discrimination positive et quelle que soit la situation, il y aura une femme par circonscription électorale. De plus en plus maintenant au niveau international, la représentativité féminine est exigée. Dans les parlements régionaux, si vous n’avez pas au moins une femme, vous n’êtes pas accepté. Cela nous créait des problèmes à l’Assemblée nationale et je crois que c’est l’occasion de corriger. C’est également une occasion pour que les femmes puissent s’intéresser à la politique et au développement du pays. Elles sont très nombreuses et si on les met de côté tout le temps, ça peut déséquilibrer le jeu démocratique et le jeu social