L’annonce de la fermeture des bars, discothèque et autres lieux de réjouissance face à la pandémie Covid-19 laisse les acteurs de ce milieu perplexe. Entre l’obligation de se prévenir et les contraintes économiques, certains confessent la précarité de leurs activités et craignent pour les prochaines semaines.
Difficile d’apercevoir les visages et les gestes sans se rapprocher de plus près. La musique est à fond et les usagers semblent profiter du dernier week-end de mars avant de faire face aux restrictions préventives liées la menace de la Covid-19. Ce samedi soir dans l’un des bars situé sur la voie pavée de Tankpè, dans la commune d’Abomey-Calavi, Sylvestre ne se donne pas de limite pour préserver sa familiarité, voire son intimité avec son vis-à-vis. « Quelqu’un a dit si tu bois, tu meurs. Si tu ne bois pas tu meurs. Alors, profitons de nos instants de bonheur », lance-t-il.
« Un bar reste un bar »
Ailleurs, sur le même tronçon, rien n’a presque changé en dehors des serveuses qui ajoutent des bavettes à leurs accoutrements « sexy » ou des dispositifs de lavage de mains par endroits. Un bar reste un bar, nous confie un client presque isolé avec un proche. Et à l’animateur de nous en dire plus, dans l’anonymat absolu, sur la difficile application de la distanciation sociale. « Ça fait bizarre de venir dans un bar et de se mettre à l’écart avec ceux ou celles avec qui on a un rendez-vous. Il n’y a pas de limite dans un bar. Sinon, les gens pouvaient se contenter de boire chez eux », explique-t-il entre deux animations. Alors, la fermeture des bars, discothèque et autres lieux de réjouissance, une restriction liée à la mise en œuvre du Cordon Sanitaire dès ce 30 mars 2020 est approuvée. « Je crois que le Gouvernement n’a pas le choix. On doit se préserver après tout. Sauf que la pilule est amère et difficile à avaler ».
Après la joie, le stress !
Il faudra attendre plutôt le dimanche, dans l’après-midi pour avoir la chance de discuter de façon plus relaxe avec ces acteurs. Dans un des bars de Godomey, Gertrude est à la caisse. Ce jour du Seigneur, elle pense déjà à la situation du lendemain. « Ce sera un peu difficile à gérer. Dieu merci, c’est la fin du mois. Mais le problème, ce sont les pertes économiques qu’on va enregistrer pour les deux semaines de repos. Il y a la situation des serveuses. D’habitude, elles n’ont pas d’autres endroits où rester. C’est un véritable problème, en dehors des problèmes financiers auxquels elles vont faire face. Ici, on va leur trouver où loger en attendant pour celles qui le souhaitent », craint Gertrude.
Les servantes se révèlent être les maillons les plus vulnérables de la chaine. Selon des témoignages, avec une rémunération dérisoire, elles se contentent pour la plupart des pourboires pour gérer leur quotidien, et leur petite famille pour celles qui en ont. Mais dès le 30 mars, pour au moins deux semaines, elles devront faire face à une autre réalité. « Beaucoup de serveuses vont perdre leurs emplois si jamais cela se prolonge. Les négociations se font déjà avec elles pour partager les charges. Déjà, il y a la réduction des employés pour pouvoir supporter les charges fixes (l’électricité, le loyer, etc.) à la fin du mois », nous signale André, un économiste de formation, promoteur d’un bar à Godomey.
« Revoir simplement les taxes après cette pandémie »
Refuge des populations dans leurs moments de stress, c’est le tour des bars d’appeler à la rescousse. Ces PME craignent un véritable désastre économique et surtout social si une alternative n’est pas trouvée pour leur permettre de supporter la crise. « Comme toute entreprise, les bars roulent sur les dettes. Les agréés de la Sobebra font souvent des dépôts vente aux bars. Donc l’économie nationale va recevoir inévitablement un coup. Il y aura beaucoup de situations d’impayés au niveau des structures de microfinance et des banques. La solution qui pourrait être vue comme un accompagnement, c’est de revoir simplement les taxes après cette pandémie. Une réduction des impôts dans ce secteur pourra favoriser une relance des activités », martèle André.
Gertrude pense quant à elle qu’il est possible de laisser ces entreprises fonctionner pendant la crise, avec des restrictions rigoureuses, surtout en journée pour permettre de réduire ce qu’elle voit venir comme dégâts. « Vous n’imaginez pas comment certaines serveuses arrivent à se battre pour subvenir à leurs besoins. C’est parfois le contraste avec le sourire qu’elle offre aux clients et surtout avec les préjugés qu’on porte sur elles, à tort ou à raison », insiste-t-elle, l’air abattu. Pendant ce temps, des clients profitent des dernières heures de liberté pour se noyer dans des verres d’alcool.