Le retrait par le Bénin de sa déclaration d’acceptation de compétence de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples en matière de requête individuelle et des organisations…

Retrait par le Bénin de sa déclaration spéciale de compétence de la Cadhp: Les raisons de la décision

Retrait par le Bénin de sa déclaration spéciale de compétence de la Cadhp: Les raisons de la décision

Le retrait par le Bénin de sa déclaration d’acceptation de compétence de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples en matière de requête individuelle et des organisations non gouvernementales a donné lieu à des interprétations diverses. Pour faire taire les procès d’intention et expliquer cette décision du gouvernement béninois, le ministre de la Justice et de la Législation, Maxime Sévérin Quenum a fait une déclaration, hier lundi 27 avril.

« Depuis plusieurs années, certaines décisions rendues par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples ont suscité de très vives préoccupations en raison de graves incongruités au point de conduire la Tanzanie, pays hôte, et le Rwanda à se désengager en matière de recours individuels et des Ong. C’est justement la réitération et la récurrence de ces dérapages qu’il n’est pas possible de sanctionner et que la cour elle-même ne donne pas l’air de vouloir corriger en dépit des remous qu’ils provoquent en son propre sein, qui ont amené notre pays à initier dans le courant du mois de mars dernier, son désengagement de la compétence individuelle…», a expliqué le ministre de la Justice et de la Législation, Maxime Sévérin Quenum. Il ajoute que ce désengagement a été notifié dès le 16 mars dernier au président en exercice de l’Union africaine et au président de la Commission de l’Union en tant que dépositaire des instruments juridiques.

A l’en croire, le Rubicon, en ce qui concerne le Bénin, a été franchi à l’occasion d’un contentieux opposant depuis quelques mois, la Société générale Bénin (Sgb) à une société dénommée Société hôtelière de restauration et de loisirs (Shrl) au sujet du remboursement d’un important crédit avoisinant quinze (15) milliards de francs Cfa. La Sgb, suite aux promesses vaines et après plusieurs reports d’échéances, n’avait eu d’autre choix que d’engager le recouvrement forcé en procédant à la saisie de l’immeuble donné en hypothèque par la société débitrice conformément aux dispositions de l’Ohada. Initiée devant le tribunal de commerce de Cotonou, la procédure a abouti, le 30 janvier, à l’adjudication de l’immeuble saisi au profit de la Sgb, en l’absence d’enchérisseurs. Après avoir relevé appel et formé pourvoi en cassation devant la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’Ohada, la société débitrice a parallèlement saisi la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, le 14 février dernier, en présentant dans la même procédure, une demande de mesures provisoires tendant au sursis à l’adjudication.

La cour a notifié le recours, le 18 février à l’Etat béninois qui n’est pas partie à la procédure, en lui donnant un délai de huit jours pour répondre à la demande de sursis à exécution. Le 28 février, soit 14 jours plus tard, elle rend une ordonnance faisant injonction à l’Etat béninois d’empêcher l’adjudication.
« Cette décision a provoqué un désarroi dans les milieux d’affaires et des banques… C’est dire qu’en cette affaire, la Cour était radicalement incompétente et n’avait même pas pouvoir d’ordonner les mesures provisoires. On ne rappellera jamais qu’en cette matière, la juridiction de dernier recours est et demeure la Cour commune de justice et d’arbitrage basée à Abidjan. La Cour africaine, non contente de s’aventurer sur un domaine qui n’est pas le sien, a fondé en l’espèce, sa décision de sursis sur une méprise grossière du régime du titre foncier en République du Bénin », a soutenu le garde des Sceaux. Selon lui, il résulte de ce mal juger une remise en cause des fondements du droit Ohada.
« De toute évidence, les égarrements de la Cour africaine sont devenus source d’une véritable insécurité judiciaire et juridique, à laquelle il est de la responsabilité des gouvernants de porter remède », va conclure le ministre Maxime Sévérin Quenum.

Décision fondée sur des valeurs

Face à la presse hier, le garde des Sceaux a déploré le traitement fait de la décision gouvernementale. « La reprise par les réseaux sociaux de l’annonce du retrait par notre pays de la déclaration d’acceptation de compétence de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples en matière de requêtes individuelles et des Organisations non gouvernementales, a donné lieu à une vive polémique alimentée par des déclarations politiciennes aussi tendancieuses que partisanes, malheureusement relayées par la presse nationale et internationale », a affirmé le ministre Maxime Sévérin Quenum.
Il souligne que le gouvernement béninois considère que l’adhésion à un instrument international ne peut se réduire à la volonté de faire bonne figure en ignorant les valeurs et vertus. Une telle adhésion, va-t-il préciser, ne peut être fondée que sur des principes et valeurs en tous points compatibles avec l’Etat de droit et les autres engagements souscrits par le Bénin. Il faut retenir que le Bénin se désengage pour ce qui concerne la compétence de la Cour africaine relativement aux requêtes individuelles et des Ong mais demeure partie au protocole portant création de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Le ministre Maxime Sévérin Quenum annonce d’ailleurs que le président de la République a prévu d’exposer à ses pairs lors de la prochaine Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine, un projet de réforme des institutions juridictionnelles de l’Union à travers la mise en place d’une Cour africaine de justice et des droits de l’homme, telle que voulue par la troisième session ordinaire de l’Assemblée générale des chefs d’Etat et de gouvernement, tenue en juillet 2004.

Déclaration du garde des Sceaux, ministre de la Justice et de la Législation

La reprise par les réseaux sociaux de l’annonce du retrait par notre pays de sa déclaration facultative d’acceptation de compétence de la Juridiction de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples en matière de requêtes individuelles et des Organisations non gouvernementales a donné lieu, depuis quelques jours, à une vive polémique alimentée par des déclarations politiciennes aussi tendancieuses que partisanes, malheureusement relayées par la presse nationale et internationale.
Pour ma part et en ma qualité de garde des Sceaux, ministre de la Justice et de la Législation, il est de mon devoir d’éclairer l’opinion sur les fondements de cette décision afin que cesse ce qui n’est ni plus ni moins qu’une cabale destinée à fausser le jugement de nos concitoyens et saper leur confiance dans les choix responsables opérés par le gouvernement de notre pays.
Pour ce faire, je tiens à souligner que le gouvernement de la République du Bénin considère que l’adhésion à un instrument international ne peut se réduire à la volonté de faire bonne figure en se parant de vertus.
Ainsi, les décisions d’engager notre pays par le truchement des accords ou traités internationaux ou celles de le délier de ces conventions ne peuvent être fondées que sur des principes et valeurs en tout point compatibles avec l’Etat de droit et les autres engagements souscrits par ailleurs dans l’intérêt bien compris de notre peuple et de ses aspirations légitimes.
Toute autre approche des relations internationales relèverait de vues de l’esprit nourries par une méconnaissance patente de la complexité du sujet.
Comme vous le savez, depuis plusieurs années déjà, certaines décisions rendues par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples ont suscité de très vives préoccupations en raison de graves incongruités au point de conduire la Tanzanie, pays hôte, et le Rwanda, à se désengager en matière de recours individuels et des Ong.
C’est justement la réitération et la récurrence de ces dérapages qu’il n’est pas possible de sanctionner et que la Cour elle-même ne donne pas l’air de vouloir corriger en dépit des remous qu’ils provoquent en son propre sein qui ont amené notre pays à initier dans le courant du mois de mars dernier son désengagement de la compétence individuelle, objet d’une double notification dès le 16 mars 2020 au président en exercice de l’Union Africaine et au président de la Commission de l’Union en tant que dépositaire des instruments juridiques.
Pour en revenir aux décisions curieuses, en ce qui concerne notre pays, le Rubicon a été franchi à l’occasion d’un contentieux opposant depuis quelques mois, au Bénin, la Société générale Bénin (Sgb) Sa, à une société dénommée Société d’Hôtellerie, de Restauration et de Loisirs (Shrl) dont les promoteurs sont des ressortissants d’origine libanaise au sujet du remboursement d’un important crédit avoisinant quinze milliards (15.000.000.000) de nos francs.
Lasse des promesses vaines et après plusieurs reports d’échéances infructueux, la Banque créancière n’a eu d’autre choix que d’engager le recouvrement forcé de sa créance en procédant à la saisie de l’immeuble donné en hypothèque par la société débitrice conformément aux dispositions de l’Ohada seules applicables en la matière.
La procédure a été initiée devant le Tribunal de commerce de Cotonou et a abouti à l’adjudication de l’immeuble saisi au profit de la Sgb Sa en l’absence d’enchérisseurs, suivant un jugement contradictoire en date du 30 janvier 2020.
Aussitôt, la Shrl Sa a relevé appel de cette décision et même formé pourvoi en cassation plus tard contre la décision d’adjudication devant la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’Ohada basée à Abidjan.
Mais bien qu’ayant exercé ces recours dont le dernier n’a toujours pas encore été vidé et comme cela est devenu presque de mode, cette société a parallèlement saisi la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples le 14 février 2020 d’un recours en présentant dans la même procédure une demande de mesures provisoires tendant au sursis à l’exécution du jugement d’adjudication.
La Cour africaine, omettant d’en aviser la Société générale Bénin, a notifié le recours le 18 février 2020 à l’Etat béninois qui n’était pas partie à la procédure, en lui impartissant un délai de huit (08) jours pour répondre à la demande de sursis à exécution.
Le 28 février 2020, soit exactement quatorze (14) jours après sa saisine, elle rendait une ordonnance de mesures provisoires suspendant l’exécution de la décision d’adjudication de l’immeuble.
Cette décision a bien évidemment provoqué un désarroi dans les milieux d’affaires et celui des banques prêteuses en particulier dont le représentant n’a pas manqué d’exprimer au gouvernement son vif émoi face à cette intrusion aussi incongrue, inopportune, qu’impertinente dans le domaine des relations commerciales entre particuliers.
C’est dire qu’en cette affaire, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples était radicalement incompétente et n’avait même pas pouvoir d’ordonner des mesures provisoires.
On ne rappellera jamais assez qu’en cette matière, la juridiction de dernier recours est et demeure la Cour commune de justice et d’arbitrage basée à Abidjan. Ce que le président de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples ne pouvait ignorer en sa qualité de ressortissant d’un Etat-membre de l’Ohada.
En faisant du droit comparé, la Cour européenne des droits de l’homme par exemple rejette systématiquement les demandes de mesures provisoires tendant à empêcher la démolition imminente d’un bien, une faillite imminente ou même la dissolution d’un parti politique.
La Cour africaine, non contente de s’aventurer sur un domaine qui n’est pas le sien, a fondé en l’espèce sa décision de sursis sur une méprise grossière du régime du titre foncier en
République du Bénin.
Dans ce dossier, le mal juger est si manifeste qu’il prêterait à sourire s’il n’en résultait pas une grave remise en cause des fondements même du droit Ohadadont les dispositions se trouvent dorénavant conjointement justiciables et de la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’Ohada et de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples au mépris des mandats distincts donnés à chacune de ces juridictions par les Etats membres.
De toute évidence, les égarements de la Cour africaine sont devenus source d’une véritable insécurité juridique et judiciaire à laquelle il est de la responsabilité des gouvernants de porter remède.
Ce sont ces considérations qui ont donc amené le gouvernement de la République du Bénin à prendre la décision de désengagement pour ce qui concerne la compétence de la Cour relativement aux requêtes individuelles et des Ong.
Il est bien entendu que le Bénin demeure partie au protocole portant création de la Cadhp et qu’à ce titre, il reste justiciable de cette juridiction dans les conditions fixées par les dispositions de l’article 5 dudit protocole.
C’est pourquoi d’ailleurs, le chef de l’Etat a prévu d’exposer à ses pairs lors de la prochaine conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine, un projet de réforme des Institutions juridictionnelles de l’Union africaine à travers la mise en place rapide d’une Cour africaine de Justice et des droits de l’homme telle que voulue par la 3e session ordinaire de l’Assemblée des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine (Ua) tenue en juillet 2004.