Plus d’une trentaine de maires désignés le week-end écoulé, à la faveur de la loi interprétative votée par les députés et promulguée par le chef de l’Etat. Ce qui porte à plus de la soixantaine, le nombre de maires élus et désignés sur les 77 au total. D’aucuns pourraient se réjouir de l’effet « succès » de ladite loi qui a permis de démêler l’écheveau quant aux appétits et à la rébellion incontrôlés de certains conseillers pour le poste de maire. Et pourtant… !
Si la loi dite interprétative a dû être votée selon les soutiens du pouvoir de Patrice Talon, c’est pour, dit-on, discipliner l’ardeur des conseillers rebelles, qui une fois élus, ont développé un appétit soudain pour le fauteuil de maire, et ceci contre le candidat de cœur de leur parti politique d’appartenance. Ainsi, en fonction de l’interprétation faite du Code électoral, le maire et ses adjoints ont été effectivement désignés par le parti qui a obtenu la majorité absolue des conseillers du conseil communal, ou bien ces désignations ont été faites dans certaines communes, entre les deux partis politiques siamois (Union progressiste et Bloc républicain ) sur des accords de gouvernance à la base. Et comme une lettre à la poste, toutes les désignations, ou du moins la quasi-totalité déposée aux préfets a été officiellement validé devant tous les conseillers présents, respectivement dans chacune des communes où c’était l’impasse il y a une semaine. Le Pouvoir de Patrice Talon et ses 83 députés soutiens du Bloc Républicain et de l’Union progressiste, face à cette réussite opérée en douce sur le terrain, pourraient crier victoire en se disant que la potion magique pour discipliner les conseillers indélicats qu’ils ont désignés aussi par rebelles, a été trouvée. Mais quand on observe bien ce qui s’est passé ce même week-end dans trois communes, cela doit pouvoir faire réfléchir. En tout cas on doit pouvoir se dire que cette loi n’est pas encore la panacée.
La loi se heurte à l’adhésion populaire…
Si certains conseillers mécontents de ce que les choses ne se sont pas passées de façon démocratique, n’ont plus eu le courage de l’extérioriser officiellement, ailleurs dans d’autres communes ; ce n’est pas le cas. A Malanville par exemple, après la désignation du maire Gado Guidami, les conseillers Up ont rendu public, samedi, un communiqué pour contester sa désignation. Ils disent n’avoir été associés ni de près, ni de loin à l’accord de gouvernance communale qui a eu lieu entre l’Up et le Br et qui a permis de porter le nouvel édile et ses adjoints à la tête de la mairie. « C’est pourquoi nous disons haut et fort Non à toute forme d’accord de gouvernance communale ne prenant pas en compte les réalités de notre commune dans ce processus de désignation des candidats au poste de maire, ses adjoints et les chefs d’arrondissement. Ceci justifie d’ailleurs notre absence à la séance de ce jour samedi 06 juin 2020 », ont martelé les mécontents. Et d’ajouter : « Nous souhaitons que cette désignation se fasse dans les conditions prévues à l’article 190 nouveau de la loi n°2020-13 du 4 juin 2020 portant interprétation et complétant la loi n°2019-43 du 15 novembre 2019 ». De sources renseignées, cette même contestation a été observée aussitôt après la désignation officiellement de Cyriaque Domingo, qui rempile pour cette 4ème mandature de la décentralisation, comme maire de Houeyogbé. Des manifestants ont pris d’assaut les rues, brûlant des pneus à Sè (arrondissement urbain) selon nos recoupements. Dans la commune de Djougou par contre, en prélude à l’officialisation, ce lundi, de la désignation du maire et ses adjoints, c’est déjà le rejet d’un des désignés. Le choix du premier adjoint au maire opéré par les responsables du Bloc républicain (Br), parti ayant la majorité absolue des sièges, n’est pas le bienvenu. Le collectif des rois et chefs traditionnels de Djougou l’ont clairement exprimé dans une lettre adressée au premier responsable national du parti, le ministre d’Etat Abdoulaye Bio Tchané. Dans la correspondance en date du 6 juin 2020, les contestataires font savoir que ce choix a créé un mécontentement général des gardiens et chefs de la tradition et des populations de la commune. Aussi, ce choix de Amadou Djibril ne tient-il pas compte des réalités locales. Ils réclament ainsi on remplacement par l’ancien maire Abraham Akpalla Abischaï pour une adhésion des populations à la politique locale de développement et la paix sociale.
Certainement qu’à la lumière de toutes ces levées de bouclier, le chef de l’Etat, le président de l’Assemblée nationale, l’ensemble des députés et les responsables des deux partis, qui ont opté pour le vote de la loi et ce mode d’ « élection », tireront les enseignements qui s’imposent.
Worou BORO