Redonner au syndicalisme ses lettres de noblesses afin de défendre les droits des travailleurs. Cet idéal a poussé six des sept centrales et confédérations syndicales du Bénin à signer récemment une charte d’unité d’action syndicale, c’est-à-dire un cadre légal de collaboration entre elles. Mais pour quels effets, est-on tenté de dire.
La Csa-Bénin, la Cosi-Bénin, la Cgtb, l’Unstb, la Csub et la Cspib vont travailler et agir ensemble, et ce dans un cadre clairement défini. Cela a été acté vendredi 3 juillet 2020, à l’Assemblée générale tenue à la Bourse du travail. La Cstb, elle, ne s’est pas jointe à ses centrales et confédérations sœurs pour le 100% attendu, mais n’a pas rejeté non plus l’initiative. La centrale syndicale que dirige Naïni Kassa Mampo a signifié aux six autres qu’elle s’associera à certaines actions ou luttes qu’elle jugera nécessaire, suivant sa ligne syndicale sans doute. « Ces six organisations syndicales ont compris que la plupart des maux énumérés plus haut ne sont que la conséquence de notre choix d’entretenir la division et la désunion, non seulement au niveau des faitières que nous sommes, mais aussi et surtout au niveau de nos structures », a déclaré Anselme Amoussou, Secrétaire général de la Csa-Bénin, justifiant ainsi le bien-fondé de parler d’une même voix pour inverser la donne quant à la baisse de l’engagement des travailleurs, l’érosion du pouvoir de représentation syndicale, l’émiettement injustifiée des organisations syndicales, l’errance dans la gouvernance interne, et une autonomie financière problématique. C’est une action qui sonne comme un réveil dans le milieu syndical après cinq ans d’hibernation. Certes, Anselme Amoussou a souvent affirmé que cette génération de Sg confédéraux n’a pas besoin de faire du syndicalisme bruyant ou du syndicalisme spectacle avant de gagner des luttes au grand bonheur des masses laborieuses. Mais ce que l’on ne doit non plus perdre de vue, c’est ce que la signature de la charte intervient dans un contexte bien particulier. Depuis avril 2016, beaucoup de libertés ont été arrachées aux travailleurs par le pouvoir en place. Le droit de grève n’est que chimère, et le nombre total de jours de grève est de 10 par an. Toute tentative de mouvement suivi de marche est rapidement étouffée dans l’œuf par les forces de sécurité publique. Les mutations de travailleurs s’opèrent dans un forcing en dépit de de dénonciation. Les radiations, et même de syndicalistes, sont prononcées au nez et à la barbe des locataires de la Bourse du Travail dont la plupart des doléances ou propositions par rapport à telle ou telle situation sont rapidement jetées à la poubelle et ignorées. Avec ce tableau piteux de la réalité, que peuvent encore ces Secrétaires généraux de confédérations et centrales syndicales ? A quelques 9 mois de la fin du mandat du chef de l’Etat Patrice Talon, qu’espèrent-ils engranger comme points. Que valent les engagements d’une charte en papier devant le nerf de la guerre ? Combien d’actions ces organisations syndicales n’ont-elles pas conjointement et minutieusement menées mais au finish, chacun va de son côté et l’édifice s’écroule comme un château de cartes ? N’est-ce pas tout cela qui justifie les réserves de la Cstb ? N’est-ce pas juste une charte dans la perspective de la présidentielle de 2021 ? La Csa-Bénin, la Cosi-Bénin, la Cgtb, l’Unstb, la Csub et la Cspib ont fort à prouver à travers ce nouveau cadre légal pour reconquérir l’estime des travailleurs et du peuple.
Worou BORO