Dans cette interview réalisée avec votre journal, Matin Libre, Daouda Moussé, Inspecteur des Impôts, Consultant Formateur en Foncier et Domanialité apporte la lumière sur le dessaisissement par l’État, notamment les collectivités locales, des réserves administratives illégalement vendues. Ne va-t-on pas vers une bataille juridique entre les deux parties? Autrement, quelles sont les éventuelles conséquences d’une telle décision?
Matin Libre : Depuis quelques semaines, nous assistons à un phénomène peu ordinaire dans les villes de Cotonou et d’Abomey Calavi. Il s’agit de l’implantation de plaques où c’est écrit ‘’Réserve administrative’’ devant plusieurs maisons et carrés ; en un mot, il s’agit pour les communes de récupérer ses parcelles bâties ou non pour les réincorporer dans le giron de la Commune. Dites-nous ce qu’on peut d’abord comprendre par Réserve administrative.
Daouda Moussé : Une réserve administrative est un espace collectif, constitué par les emprises foncières, obtenue par l’application d’un Coefficient de Réduction à chaque parcelle ou domaine relevé à l’état des lieux au cours d’une opération de Lotissement/Remembrement ; ces réserves sont destinées à la voirie et aux infrastructures futures.
D’aucuns disent que ces réserves administratives ne doivent pas être vendues parce qu’elles relèvent du domaine public. Est-ce vrai?
C’est une perception erronée de la notion de réserve administrative. Les réserves administratives relèvent du domaine privé des collectivités et non du domaine public ; cependant, elles ont un caractère public puisqu’elles sont offertes par des citoyens à l’ensemble des populations qui y vivent ou non. Dans les conditions normales, ce sont donc des propriétés privées des communes mais destinées prioritairement au public.
Si vous confirmez que les réserves administratives ne sont pas des domaines publics, vous insinuez qu’elles peuvent alors faire l’objet de morcellement et vente ?
Je voudrais d’abord expliquer qu’on ne peut pas parler de réserve ou on ne pourra pas dire qu’il y a de réserves dans un périmètre en remembrement (lotissement) tant que tous les présumés propriétaires n’ont pas été recasés ; dans ces cas, on est obligé de morceler parfois ces réserves dans le but de recaser ces présumés propriétaires. Ce qui semble être légitime. Pour revenir à votre question, il faut simplement retenir qu’une réserve étant une propriété privée, il peut donc arriver qu’elle soit morcelée et vendue mais sous des conditions bien définies. Des conditions que pratiquement aucune Commune au Bénin ne remplit.
C’est surprenant alors. Et quelles sont ces conditions pour qu’aucune Commune ne soit en mesure de remplir ?
Avant de pouvoir morceler et vendre une réserve, il faut entre autres :
– immatriculer la réserve c’est-à-dire qu’elle ait un Titre Foncier ; aucune Commune au Bénin ne peut prétendre remplir cette condition,
– que la décision de division vente émane du Conseil communal par délibération,
– que les recettes issues des cessions servent intégralement à la cause de la Commune,
– les parcelles émanant des réserves comme toutes autres parcelles doivent être vendues conformément au référentiel des prix institué par l’État changeable tous les trois ans.
Voilà qui est bien clair. Mais dans le cas pratique des opérations de rétrocessions de ces réserves dans le giron des Communes, nous avons vu de gros investissements sur ces supposées réserves administratives ; et pourtant, beaucoup de personnes concernées ont acquis leur parcelle de bonne foi. N’est-ce pas un duel juridique qui s’annonce ? A quoi peut-on s’attendre dans les jours à venir ?
Trois cas de figures peuvent se poser :
1er cas : Si des agents de la mairie, des CA, des membres des fameux comités de lotissement en complicité avec des géomètres parvenaient à vendre des réserves, ces domaines biens construits seront systématiquement dessaisis sous aucune autre forme et remettre dans les biens de la Commune. Il appartiendra à ceux qui ont acheté de bonne foi d’intenter des actions en justice contre leurs vendeurs pour entrer en possession de leur fonds.
2eme cas : Si le Maire autorisait le morcellement et la vente d’une réserve sans l’accord du Conseil communal, la réserve en question sera systématiquement arrachée au profit de la Commune. Les acheteurs ont la possibilité de réclamer leurs sous auprès du vendeur en intentant un procès ;
3eme cas : lorsque c’est le Conseil communal qui a autorisé le découpage et la vente de la réserve, et que les recettes sont versées dans la caisse de la commune, étant donné que les Conseillers sont l’émanation des populations, c’est supposé que ce sont les populations qui ont autorisé la vente. Dans ce cas, si la mairie tient à arracher ses réserves, elle oppose l’intérêt général à l’intérêt particulier qui est celui de l’acheteur. Or, l’intérêt général emporte sur l’intérêt particulier. D’où les réserves seront arrachées, sauf que ces dernières catégories seront forcément dédommagées soit en leur octroyant d’autres parcelles soit en les indemnisant.
Propos recueillis par JB
A l’ère de la Rupture
Où sont passés les politiques, champions en dons?
De Mathieu Kérékou à Yayi Boni, les Béninois ont dû faire le constat que sous ces deux gouvernements, des acteurs politiques notamment se sont fait connaître et se sont imposés dans le landerneau politique rien que par leur générosité. Leur altruisme débordant leur faisait faire des œuvres sociales, caritatives dans différentes régions du pays. Réalisation de pont par ci, construction de salles de classe ou de mosquée par là. Ailleurs, ce sont des dizaines de motos et de véhicules 4*4 qu’on offre gracieusement à des jeunes et des têtes couronnées. Les moins discrets de ces donateurs y associent les médias après avoir baptisé le don sous leur identité. Depuis 2016, à l’avènement du pouvoir de la Rupture, le constat est à l’antipode du tableau précédemment peint. Ces politiques mécènes dont certaines manifestations sont souvent placées ” sous leur haut parrainage ” et leurs noms abondamment cités dans des chansons, se font bien rares. Des confidences racontent qu’ils ne décrochent même plus les appels, ni ne répondent aux messages de ceux qu’ils n’hésitaient pourtant pas à aider spontanément dans un passé pas trop lointain. Préoccupant, n’est-ce pas ? Que se passe-t-il donc dans le pays? Pourquoi ce brusque changement ? Ce constat est-il le reflet de la sécheresse financière dont se plaint beaucoup plus la population à la base ? Est-ce l’argent sale qui ne circule plus dans les mains de ces ” bonnes volontés” comme se plaisent à le dire les thuriféraires du régime ? Sinon, quel intérêt ces acteurs politiques ”au bon cœur” d’antan ont-ils à subitement thésauriser l’argent et à ne plus faire de don? Ou bien la générosité a baissé parce que les élections sous la Rupture ne sont plus des moments de grands challenges entre Mouvance et Opposition ? Doit-on aussi comprendre à travers cette baisse de générosité une punition infligée aux potentiels bénéficiaires pour l’option Rupture opérée il y a plus de 4 ans à la tête du pays ? L’un dans l’autre, l’évidence est là et crève l’œil.
Worou BORO