C’est un débat en vogue. S’il est pratiquement épuisé en Occident, il est encore vif en Afrique. Faut-il légaliser l’avortement ? Louis Vlavonou pense que « non ». Il l’a expressément affirmé dans un cadre officiel vendredi dernier à Grand-Popo. A l’occasion de la cérémonie d’ouverture du séminaire de renforcement des capacités des parlementaires sur l’amélioration de l’environnement institutionnel et législatif en faveur des droits à la santé sexuelle et de la reproduction, le président de l’Assemblée nationale a haussé le ton. Pour lui, il n’est pas question que cette pratique en vogue soit légalisée au Bénin. A l’en croire, si l’Assemblée nationale attache un intérêt particulier et encourage fortement toutes les initiatives relatives à l’éducation de la santé sexuelle et de la reproduction, ce n’est pas pour autant que la liberté sexuelle dont jouissent les femmes ouvre la porte aux recours intempestifs aux avortements. « Lorsqu’on veut décider de façon libre de sa vie sexuelle, il faut en assumer les conséquences : c’est pourquoi, lorsqu’une grossesse survient, il faut en assumer les conséquences et ne pas chercher à avorter », prévient Louis Vlavonou.
Une riche argumentation
Pour justifier sa posture, la deuxième personnalité de l’Etat ne manque pas d’arguments. Devant ses collègues et les représentants de l’Agence béninoise pour la promotion de la famille (Abpf), Louis Vlavonou fait observer au prime abord, que « l’avortement « est la non seulement » la mort d’un « tout petit », mais aussi « la négation de la vie », et « la négation du droit d’un enfant à la vie ». « L’avortement est la mort d’un enfant qui provient du peuple : Ce peuple ne nous a pas accordé sa confiance pour le tuer, mais pour le protéger à partir de la protection de ses enfants », a-t-il martelé. S’il admet que le protocole de Maputo du 11 Juillet 2003 sur la santé reproductive donne le droit à l’avortement en cas de viol ou de risque de mort, il dénie par contre à la femme d’avorter en toutes circonstances.
Ensuite, le président de l’Assemblée nationale estime que l’avortement remet en cause l’égalité entre l’homme et la femme. « La légalisation de l’avortement sera l’occasion pour de nombreux hommes d’imposer l’interruption ‘’volontaire’’ de la grossesse à leurs femmes. Ainsi, pour un projet de procréation ou pour une partie de plaisir commun, c’est à la femme qu’il reviendra d’en porter tout le fardeau, plus que celui qu’elle porterait si elle gardait sa grossesse », a-t-il souligné.
Enfin, Louis Vlavonou condamne l’idéologie de l’avortement opposée selon ses dires à la culture africaine qui promeut la vie sous toutes ses formes. Rejetant ce mimétisme, il argue que « la législation sur l’avortement est un axe du complot de l’Occident contre les pays pauvres, contre l’Afrique ».
Un appel à la responsabilité
En adoptant une posture aussi ferme, le premier responsable du parlement fait l’apologie de la responsabilité. A travers l’exemple de l’Ile Maurice, il préconise, pour la rationalisation de la population, trois solutions. Primo, se poser la question de savoir comment lier la démographie et le développement. Secundo, définir une politique nataliste équilibrée. Tertio, choisir et développer les méthodes de planification familiale naturelle qui respectent l’enfant à naître, la dignité de la femme, la sacralité de la vie et garantit la communication au sein du couple.
Un pavé dans la mare
Le séminaire de Grand-Popo qui a connu cette annonce du président de l’Assemblée nationale se tient au lendemain de l’ouverture de la troisième session extraordinaire de l’année 2021 au cours de laquelle les dossiers relatifs au projet de loi modifiant et complétant le Code des Personnes et de la Famille, au projet de loi portant modification de la loi n°2003-04 du 3 mars 2003 relative à la santé sexuelle et la reproduction ; au projet de loi portant répression des infractions commises à raison du sexe et de protection de la femme en République du Bénin etc… seront examinés.
Nul doute que les défenseurs de la thèse de l’avortement ne manqueront pas de monter au créneau pour apporter la réplique. Beaucoup de voix qui évitaient de se prononcer sur ce débat délicat seront bien obligées de se faire entendre, à commencer par celles des députés.
Que feront les députés ?
Le dernier mot leur reviendra au moment du vote. Vont-ils abonder en majorité dans le même sens que Louis Vlavonou ? Auront-ils une opinion contraire à la sienne ? Au risque d’être désavoué, le président de l’Assemblée nationale a-t-il pris le soin de sonder ses collègues avant de se prononcer publiquement sur la question ? Veut-il les prendre de court pour les amener à se rallier à sa cause ? Qu’en pense l’exécutif ?
Dans ce débat, de multiples intérêts aussi contradictoires les uns que les autres sont en jeu. En attendant que le parlement ne délibère sur la question, quelle que soit l’issue de cette délibération, force est de constater que les partisans de l’avortement n’ont pas attendu la permission du législateur avant de s’abonner clandestinement à cette pratique qui fait rage avec tous les risques possibles.