L’année judiciaire écoulée, la Cour d’appel de Cotonou a vidé 840 dossiers sur les 1 342 enrôlés mais certaines chambres n’ont pas fonctionné. Cette juridiction doit en effet faire face à quelques déficits qui ne facilitent pas la célérité tant espérée dans le traitement des dossiers. Un sujet abordé à l’occasion de la rentrée judiciaire 2021-2022.
Quelle justice équitable et efficace, quand il y a encore des dossiers de plus de 20 ans qui attendent; quand des prévenus sont en détention préventive depuis plus d’une dizaine d’années…
Une désolation que Justin Gbènamèto, président de la Cour d’appel de Cotonou, a exprimée lors de l’audience solennelle de rentrée judiciaire 2021-2022. Pour lui, la célérité tant recherchée à travers les réformes engagées dans le secteur de la justice, ne saurait se réaliser sans un juste renforcement en capital humain. A en croire le président de la Cour d’appel de Cotonou, l’effectif de sa juridiction est actuellement réduit à 12 magistrats parmi lesquels deux cumulent leurs fonctions avec celles à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme. « Un effectif insuffisant pour faire fonctionner la chambre criminelle et celle des mineurs, à un moment où il faut démultiplier certaines chambres…», souligne le président Justin Gbènamèto. Le renforcement de la juridiction en ressources humaines va non seulement favoriser une tenue régulière et assidue des audiences mais va surtout contribuer à la réduction de la surpopulation carcérale qui reste une préoccupation majeure. Le président de la Cour d’appel fait d’ailleurs remarquer que la prison civile construite pour environ 6 mille détenus abrite aujourd’hui plus de 14 mille détenus. Une situation qui rappelle la nécessité de rendre justice dans un délai optimal.
Par ailleurs, le président de la Cour d’appel de Cotonou reconnaît, à juste titre, les efforts consentis par le Garde des sceaux pour une justice plus efficace et plus accessible aux justiciables. Entre autres réformes allant dans ce sens, il énumère la mise en place de trois nouveaux tribunaux de première instance, l’autonomie de gestion accordée aux juridictions de fond à compter de janvier 2022…
Mais des difficultés subsistent. Dénotant les obstacles rencontrés au quotidien lors de l’année judiciaire écoulée, Pierre Dassoundo Ahiffon, procureur général près la Cour d’appel de Cotonou, affirme : « Malgré les nombreux et inlassables efforts qui sont faits notamment en ce qui concerne le renforcement de l’effectif du personnel, la fourniture de matériel et mobilier de bureau au profit des juridictions, des difficultés subsistent. En effet, le personnel administratif est encore en nombre insuffisant et beaucoup d’équipements et matériel sont vétustes, insuffisants, voire inexistants ». Il ajoute : «Les magistrats ne doivent pas travailler dans des conditions de précarité, d’insalubrité qui ne peuvent qu’engendrer l’inefficacité ».
840 dossiers vidés sur les 1 342 enrôlés !
Le ressort territorial de la Cour d’appel de Cotonou couvre six tribunaux de première instance dont deux de première classe et un tribunal de commerce; dans les départements de l’Atlantique, du Littoral, de l’Ouémé et du Plateau qui ont une population cumulée de près de 4 millions 570 mille 147 habitants, selon les projections de l’Institut national de la statistique et de la démographie (ex-Insae). L’année judiciaire écoulée a été éprouvante du fait de l’emprise généralisée de la pandémie de Covid-19, mais la maison Justice a joué son rôle autant que faire se peut. Le président de la Cour d’appel, Justin Gbènamèto, relève que sa juridiction a vidé 840 dossiers sur les 1 342 enrôlés.
Par ailleurs, la Cour d’appel de Cotonou a tenu deux journées scientifiques organisées sur la lenteur des procédures au niveau des chambres en charge des affaires foncière et civile. Au total, 14 magistrats du siège ont contribué à l’animation de 16 chambres. 20 magistrats du ministère public participent au fonctionnement de cette juridiction et dirigent les activités de 433 enquêteurs répartis dans 102 commissariats de police. Du 15 octobre 2020 au 20 octobre 2021, la production du ministère public au niveau des parquets d’instance, se présente comme suit: sur 19 815 correspondances de toutes formes adressées aux 6 parquets, 19 265 ont été traitées soit environ 500 courriers en cours de traitement ; sur les 14 425 procès-verbaux d’enquêtes préliminaires et de flagrances transmis aux parquets d’instance, 14 210 ont été traités. Au niveau du parquet général, sur les 3 584 correspondances reçues, 3 554 ont été réglées ; sur 654 dossiers reçus en 2021, 369 ont été vidés. 69 réquisitoires ont été pris aux fins de saisine de la chambre des libertés et de la détention et 17 réquisitoires aux fins de saisine de la chambre de l’instruction. « Le bilan aurait pu être plus reluisant si nous n’avions pas enregistré des perturbations dans l’organisation des audiences des tribunaux de première instance statuant en matière criminelle et dans l’organisation des audiences des chambres criminelles », précise le procureur général Pierre Dassoundo Ahiffon. A l’en croire, ces perturbations sont dues au remous observé au sein du barreau national et à la pandémie du coronavirus qui a entravé le fonctionnement régulier de la cour.