Il a claqué la porte. Dix mois après sa suspension, Moïse Kérékou a largué les amarres avec son ancienne formation politique. Celui qui se définit comme un homme politique (qui dit ne pas être politicien) et l’ambassadeur a tourné dos à cette formation politique qui se réclame de l’opposition. Le candidat recalé à la présidentielle de 2021 a décidé de briser le silence, deux semaines après la condamnation de Joël Aïvo à 10 ans de prison ferme. Dans sa longue adresse aux internautes, pas un seul mot à l’endroit de son colistier qui purge sa peine à la prison civile de Cotonou. Le démissionnaire s’est contenté de tirer à boulets rouges sur les responsables avant d’annoncer son prochain point de chute sur le terrain politique.
Des explications en cascade
Suspendu du parti les Démocrates après l’officialisation de sa volonté de participer à la présidentielle de 2021 sous une autre bannière, Moïse Kérékou assume et justifie son choix. « Si je me suis porté candidat, c’est à cause d’une part des atermoiements du parti à quelques jours du dépôt des dossiers de candidature pour les élections présidentielles et d’autre part, de la procédure biaisée dans la sélection du duo du parti ». A priori, si son ancien parti avait très tôt décidé de participer à ce scrutin, il se serait mis en selle à l’interne pour être positionné parce que nourrissant cette ambition. Et s’il n’était pas retenu comme candidat, il se serait plié à la décision du groupe si la procédure en la matière était respectée. « Je reste convaincu que le choix du duo des Démocrates n’a pas été impartial. Le seul critère qui devait prévaloir ou avoir plus de poids à mon avis était le parrainage, car sans parrainage, pas de possibilité de participer à la compétition ». A partir de ce moment, la justification de Moïse Kérékou devient intéressante. A l’en croire, les Démocrates ont longtemps tergiversé avant de se décider parce qu’ils avaient l’impression de n’avoir aucune chance de participer à ce scrutin. Finalement, quand ils se sont jetés à l’eau, leur dossier de candidature a été rejeté pour faute de parrainage. Puisque Moïse Kérékou reproche au staff de son ancien parti de ne pas être resté focus sur la question du parrainage, cela suppose qu’à son niveau à lui, quand il a décidé de franchir le pas en se portant candidat, il avait déjà réglé la question du parrainage pour le compte du duo qu’il a formé avec Joël Aïvo. Hélas, tout comme ce fut le cas pour le duo porté par les Démocrates, la Commission électorale nationale autonome (Cena) a également invalidé son duo pour la même raison : absence de parrainage requis. S’il reproche aux Démocrates de ne pas avoir su suffisamment faire preuve de réalisme en concentrant leurs efforts sur l’obtention du nombre de parrainages requis, il aurait dû relever ce défi lors du dépôt de son dossier à la Cena. En agissant ainsi, il aurait donné une belle leçon à son parti. Hélas, ni son duo, ni celui des Démocrates, n’a été en mesure de réaliser cet exploit. A quoi bon relever « une erreur » de ses anciens compagnons s’il n’a pas été capable de faire mieux qu’eux ?
Retour au bercail
Sans ambages, Moïse Kérékou a indiqué sa nouvelle destination politique. La Force cauris pour un Bénin émergent (Fcbe) à laquelle il appartenait avant de s’en démarquer pour porter avec beaucoup d’autres les Démocrates sur les fonts baptismaux sera à nouveau son refuge. « Fcbe, c’est notre parti d’origine. Je pense qu’il faut retourner à la maison pour ne pas errer ». A croire que les raisons qui l’ont poussé à quitter ce parti pour épouser les idéaux des Démocrates ne sont plus d’actualité. Comme l’enfant prodigue, il ira faire allégeance à ceux qui ont gardé la maison Fcbe. S’ils peuvent légitimement rire sous cape, Alassane Soumanou et Paul Hounkpè ne bouderont pas leur plaisir pour le recevoir. Comme quoi, on peut quitter un parti politique pour rejoindre un autre et revenir quelque temps après à la case départ, à moins que l’envie d’en créer un nouveau soit plus forte.
Démocrates à la barre
Dans leur grande majorité, les Démocrates ont migré de la Fcbe. Si on ne peut reprocher à Moïse Kérékou de démissionner du parti les Démocrates, on peut par contre, vu son point de chute, s’interroger sur les motivations de son acte quand bien même il était sur le coup d’une suspension. Pourquoi ne s’est-il pas contenté de démissionner pour convenances personnelles ? Cette formule consacrée suffisait pour qu’il tourne dos à ses anciens compagnons de lutte. Qu’apportent de plus au débat public les raisons avancées par l’ancien ambassadeur pour justifier sa démission ? Les récriminations portées sur la place publique par Moïse Kérékou sont d’autant plus surprenantes qu’il s’est forgé au fil du temps l’image d’un homme tempéré qui ne verse pas dans les polémiques et les déclarations tapageuses. Que recherche-t-il en se démarquant de cette posture ? Est-ce un règlement de comptes ? Est-il en mission ? Est-ce le moyen pour lui de se vider de ses ressentiments ?
De toutes les manières, l’acte est déjà posé. Loin de rentrer dans une guerre de déclarations et de contre-déclarations, les Démocrates, vu qu’ils ont été attaqués voire sermonnés par leur désormais ex secrétaire aux relations extérieures, devront réagir. Il est utile pour les militants, sympathisants et populations d’avoir leur son de cloche afin de se faire une opinion relativement objective sur la situation. A moins qu’ils préfèrent laisser le silence et l’avenir édifier les uns et les autres.