Promue Directrice générale du Conseil national des chargeurs du Bénin (Cncb) en octobre 2019, Alimatou Badarou avait entrepris des réformes en vue de redresser le Cncb. Son courage lui avait…

Gestion hasardeuse du Cncb: Alimatou Badarou avait tiré la sonnette d’alarme

Gestion hasardeuse du Cncb: Alimatou Badarou avait tiré la sonnette d’alarme

Promue Directrice générale du Conseil national des chargeurs du Bénin (Cncb) en octobre 2019, Alimatou Badarou avait entrepris des réformes en vue de redresser le Cncb. Son courage lui avait valu des inimitiés au point où quatre mois plus tard, elle sera suspendue de ses fonctions. Aujourd’hui, avec les graves irrégularités relevées dans la gestion du Cncb par la commission d’enquête parlementaire, les faits donnent raison à l’ancienne directrice générale du Cncb Alimatou Badarou.

De graves irrégularités évaluées à près de 18 milliards F Cfa dont huit milliards F Cfa de manque à gagner pour l’Etat ont été relevées dans la gestion comptable et financière au titre de l’exercice 2020. Le constat a été fait par une mission parlementaire de contrôle qui y a séjourné, en août-septembre 2021, avant la dissolution du Cncb. Mardi 18 janvier 2022, la séance plénière de l’Assemblée nationale a été consacrée à l’examen du rapport de synthèse de la Mission de contrôle de gestion comptable du Conseil national des chargeurs du Bénin (CNCB) au titre de l’année 2020.

Des manquements relevés, il ressort que «  Les états financiers des exercices 2017 et 2018 ont été examinés par les commissaires aux comptes mais n’ont pas été arrêtés par le Conseil d’Administration. Alors que ceux de 2019 et de 2020 l’ont été. Cet état de chose porte une atteinte à la continuité de l’administration du CNCB et ne permet pas de les soumettre au Conseil des Ministres pour adoption. Cette situation pose un problème sérieux de gouvernance. Plus grave encore, les états financiers des exercices 2019 et 2020 ont été arrêtés par le Conseil d’Administration bien que ce dernier ait déploré n’avoir pas été informé des écritures d’apurement passées sur recommandation du Commissaire aux Comptes », mentionne le rapport de la Commission présidée par le député Gérard Gbénonchi. D’autres irrégularités ont été relevées sur les plans de l’organisation comptable ; de la gestion budgétaire et planification ; de la gestion des immobilisations et des stocks ; de la gestion du personnel et de la paie ; de gestion des achats et des ventes. Le rapport fait en effet ressortir que le Cncb ne dispose pas de manuel décrivant les procédures et l’organisation comptable. Ce qui viole l’article 14 de l’Acte uniforme relatif au droit comptable et à l’information financière, constate la commission. Toujours parmi les  irrégularités relevées, il faut mentionner le défaut de recensement et d’évaluation des créances et dettes à leur valeur effective du moment, dite valeur actuelle ; la non fiabilité des états financiers générés par Perfecto; la réalisation d’activités non prévues dans le budget et le Plan annuel de travail (Pta) ; l’absence de nomenclature budgétaire ; l’inefficacité du dispositif de suivi de la gestion du Bordereau électronique de suivi des cargaisons et la non codification de toutes les immobilisations ; certains terrains de la société sans titre de propriété. A tout ceci, la mission présidée par le député Gérard Gbénonchi, président de la commission des Finances et des Echanges du Parlement, complète la non tenue de registre de l’employeur et la non élaboration du Plan de passation des marchés publics (Ppmp) de l’exercice 2020 au moment de l’élaboration du budget. Relativement à ce dernier point, la mission a relevé que le budget mentionne un total de 25 marchés d’un montant de 400 334 266 F Cfa alors que le Ppmp fait état de 32 marchés d’un montant total de 514 689 319 F Cfa. La commission a estimé les manques à gagner pour l’Etat à 7 639 063 708 F Cfa. Lesquels représentent entre autres des impôts et taxes non reversés ; des montants de diminution de titres de participation ; des créances clients passées en perte ; des impôts sur les bénéfices des prestations non domiciliés au Bénin non prélevés ; de Taxe sur la valeur ajoutée (Tva) non retenue à la source ; des écarts sur ventes Bordereau électrique de suivi des cargaisons (Besc) ; des avances octroyées au personnel passées en perte et des primes indues payées aux agents de la société.

Au titre de créances fictives, sur recommandation du commissaire aux comptes, les créances du CNCB au 31 décembre 2019 ont été passées en perte définitive sans l’accord préalable du Conseil d’Administration. Malheureusement, la Commission n’a aucune preuve des diligences menées avant de passer ces écritures. En effet, le CNCB devrait alors engager des poursuites contre les débiteurs en s’adressant à un avocat, un huissier ou un organisme de recouvrement. A la suite de ces poursuites, un constat d’échec doit en résulter pour pouvoir justifier d’une créance irrécouvrable. Un certificat d’irrécouvrabilité est délivré à l’entreprise. C’est ce document qui permet de constater l’échec des démarches engagées et qui permet alors au Conseil d’Administration de donner l’autorisation de passer la créance en pertes. Malheureusement, tel n’a pas été le cas, selon le rapport de la Mission de contrôle.

D’autres anomalies ont été relevées dans l’examen de certains comptes de l’entreprise. Pour exemple, le compte 4211 relatif au collectif personnel prêt est passé de 128 381 321 FCFA en 2019 à 8 876 952 FCFA en 2020, soit une diminution d’un  montant de 119 504 365 FCFA. « Il s’agit des avances octroyées au personnel du CNCB. Ils ont été passés directement en pertes définitives. Ici, la Mission n’a pas eu les dossiers de ces prêts de même que les documents prouvant leur irrécouvrabilité avant de les passer en perte. « Les pièces justificatives ayant servi aux imputations sont le rapport du commissaire aux comptes et les extraits de grand-livre exercice 2018 », peut-on lire dans le rapport.

Ce que l’ex Dg Alimatou Badarou avait fait

A son arrivée à la tête du Cncb, Alimatou Badarou avait décidé de mettre en application les recommandations du BAI et celles des commissaires aux comptes. Ayant fait le constat que plus d’une vingtaine de primes hors accords d’établissement  étaient octroyées, en dotation de carburant, primes de Tabaski, de Noël, etc. au personnel, l’ex Dg Alimatou Badarou avait décidé de les supprimer. Ce qui a entrainé des grincements de dents dans la maison. Conformément aux règles de l’Ohada qui veut que ce soit le Conseil d’administration qui fixe le salaire du Dg, Alimatou Badarou s’est privée de salaire pendant les 4 mois passés à la tête du Cncb. Sa lutte était destinée à sauver les intérêts du Cncb au profit de l’Etat béninois. Elle aurait fait récupérer à l’Etat le manque à gagner estimé à 1 730 637 747 de frais d’impôts non perçus relevé dans le rapport de la commission d’enquête parlementaire. Pour y arriver, Alimatou Badarou avait nommé un nouveau comptable, un nouveau contrôleur de gestion, un Directeur en système d’information. Mais cela n’était pas bien vu par ceux qui sentaient leurs privilèges indus menacés. Conséquence, ils ont été tous suspendus au même moment que l’Ex Dg/Cncb. La vérité des faits, aujourd’hui rétablie par la Commission d’enquête parlementaire, vient donner raison à Alimatou Badarou. C’est la preuve que les courageuses réformes qu’elle avait engagées avaient pour unique objectif de redresser le Cncb. Mais Hélas. Vu les irrégularités sur plusieurs années, le gouvernement de la Rupture a donc décidé de dissoudre le Cncb afin d’arrêter la saignée.

M.M