L’ancien député à l’Assemblée Nationale et ancien Président du Parti Reso-Atao, évacué début 2019 pour des soins alors qu’il était en prison, est rentré au Bénin. Ce qui était perçu comme une rumeur, s’est avéré. Mohamed Atao Hinnouho a foulé le sol béninois, ce jeudi 27 juillet 2023. L’accueil était chaleureux au stade de Midombo à Akpakpa, dans le 3ème arrondissement de Cotonou.
À l’instar donc de Bertin Koovi et du Colonel de l’armée à la retraite, Pascal Tawès rentrés sans inquiétude en 2021, Mohamed Atao Hinnouho est lui aussi rentré tranquilement au bercail. Si dès l’annonce, il y a quelques jours, du retour de l’ancien député autorisé par la justice fin Janvier 2019 pour aller suivre les soins à l’extérieur, beaucoup se sont intérrogés si une fois à Cotonou il va retourner en prison purger ses peines, visiblement il n’en sera pas question. Au contraire, les agents de police ont assuré sa sécurité et lui ont facilité l’accès sur le terrain de Midombo où l’attendait une foule d’amis, de parents, de sympatisants et de curieux. En effet, incarcéré en mai 2018, l’ancien parlementaire a été condamné en appel en novembre 2018 à six ans de prison fermes et 3 milliards de Francs Cfa d’amende dans un dossier de trafic de faux médicaments.
Mais avant Atao Hinnouho, il y a eu, comme susmentionné, Bertin Koovi et le Colonel Pascal Tawès. Le premier était recherché par la justice béninoise pour ‘’incitation à la haine et à la violence’’. Un mandat d’arrêt avait été décerné contre lui le 17 mai 2019 et son nom était sur la liste des personnes recherchées par la justice béninoise. Seulement, mardi 23 mars 2021, il est rentré au bercail. «(…) Je suis à Cotonou et libre de mes mouvements… », avait-il écrit sur sa page Facebook. Et depuis plus rien. Mais déjà, une semaine avant lui, Pascal Tawès, autrefois très critique à l’égard du régime de la Rupture et soupçonné d’être derrière une affaire de coup d’Etat, est reçu par le chef de l’Etat. 24 heures après, il a fait une déclaration de soutien à Patrice Talon. Koovi et Atao ont entre temps rejoint aussi la majorité présidentielle. Depuis, plus personne ne parle des soupçons qui pèsent sur l’un ou l’autre des concernés. Les affaires se sont visiblement éteintes.
A l’heure où le débat sur la décrispation du climat politique se mène avec insistance au Bénin, et ce dans la perspective des élections générales de 2026, des observateurs placent également ce retour au pays de Atao dans ce régistre.
Oui, mais…
Il est une evidence que le Bénin a besoin de tous ses fils et filles en vue de sa construction et de son développement. Avec les crises électorales de 2019 et 2021 qui ont fait des morts, des blesses, des dégâts matériels ainsi que des centaines de prisonniers politiques, des appels et plaidoyers ne cessent d’aller dans le sens de la pacification. Certains acteurs et formations politiques demandent aussi le retour de tous les exilés politiques et l’organisation d’un dialogue national inclusif. Mais si l’on doit inscrire ces retours au pays de Koovi, Tawès et Hinnouho au chapitre de la décrispation, il se fait que cela concerne uniquement des personnes qui ont certes maille à partir avec la justice et qui par la suite ont fait allégeance au pouvoir de Patrice Talon. Qu’en est-il des autres fils et filles du pays qui sont toujours en prison ou en exil? Déjà aux lendemains des retours de Bertin Koovi et du Colonel Tawès, votre quotidien Matin Libre avait donné l’alerte, s’interrogeant sur cette approche de décrispation qu’il qualifiait de sélective. « Et si cela participe d’une stratégie de recherche de la paix… pourquoi ne fait-il pas d’une pierre plusieurs coups? », s’interrogeait votre canard évoquant les cas, Sébastien Ajavon, Komi Koutché, Léhady Soglo, Valentin Djènontin, Fatouma Djibril, Nadine Dako et tout le reste. Pourquoi ne pas penser une décrispation dans une approche holistique ou globale? Ne pas le faire, c’est conforter ceux qui affirment que la justice est instrumentalisée contre ceux qui ne parlent pas le même langage que le pouvoir en place. Et quand les faits se répètent et se ressemblent ainsi, c’est la crédibilité des gouvernants actuels, de la justice et l’image du pays qui sont ici en jeu.
CK
Matin Libre