(Les usagers de la voie oppressés : le cas de Ahozon à Ouidah)
Cette interrogation est d’un grand intérêt. En effet, depuis que l’obligation est faite par la police républicaine du port de masque par tous sur toute l’étendue du territoire national dès mardi 28 avril 2020, le constat sur le terrain rend pantois. Tout semble indiqué que ce qui préoccupe, ce sont les frais d’amende 6000 F Cfa et de fourrière. Quid de la santé de la population, on s’en bat l’œil … 6000F Cfa pour n’avoir pas porté un masque de 100 F Cfa ou pour l’avoir mal porté ; ça donne de la matière à réfléchir dans un contexte où on sait pertinemment que les activités économiques sont pratiquement aux arrêts, la crise financière, rude et où le soutien de l’Etat est attendu pour porter main forte à la population. Ne pouvait-on pas trouver mieux ? Pendant ce temps, les forces de l’ordre peuvent se la jouer les zélées, confondant respect de la loi, caprices et abus. L’histoire-ci raconte les mésaventures d’un ‘’contrevenant’’ à Ahozon, dans la commune de Ouidah.
«J’étais à moto avec un collègue. On avait quitté Dékanmè (commune de Kpomassè) et on revenait à Cotonou. Tout d’un coup, arrivés à Ahozon au niveau du péage (environ 15 km de Cotonou), c’est l’agent de police qui nous demande de nous arrêter. A la question de savoir la raison, il répond ‘’défaut de cache nez au niveau de celui qui conduit’’ puisque le cache-nez était descendu du nez. Il nous a pris la moto, l’a lui-même traînée jusqu’au lieu indiqué, au poste de police. Après maintes supplications, elle nous sera par la suite rendue. Mais à peine l’a-t-on quitté qu’un autre policier nous arrête encore. Motif, cette fois-ci, moi qui suis derrière, je n’ai pas bien porté mon masque. Et c’est ainsi parti pour des heures de discussion (15h à 20h). La moto a été de nouveau saisie. Il fallait payer une amende de 6000F Cfa. Ce que nous n’avions pas sous la main. Il a fallu l’intervention du 1er policier avec qui on avait conclu un ‘’arrangement’’ pour que le second ne nous libère. Mais avant, a-t-il exigé, il fallait que son collègue trouve une autre moto en remplacement à la nôtre puisque le Chef hiérarchique avait dénombré les motos saisies avant de partir. Bref, nous nous sommes tirés d’affaires aux environs de 20h.
Si je m’exprime, c’est que, dans cette répression pour non port de masque, il y a trop d’irrégularités. Quand on vous arrête, on sort un papier, un quart de papier rame où il est mis bavure policière qu’on cachette simplement sans y référencer la moto. Sur le document, il n’y a rien qui atteste qu’on a saisi la moto, ni même l’infraction commise. Le bon sens aurait quand même voulu qu’on écrive dessus le numéro de châssis de la moto pour qu’il n’y ait pas vol ou substitution de moto parce que c’est bien possible. En lieu et place, c’est un papier vide de sens qu’on te remet et dès que tu reviens, l’agent te dire d’aller dans la masse de motos saisies chercher la tienne sans autre forme de contrôle.
A Ahozon, ce qui est davantage déplorable, c’est qu’on te prend ta moto à Ahozon, tu vas payer l’amende dans la ville de Ouidah (environ 15 kilomètres). Si c’est à midi qu’on t’arrête, tu vas là-bas errer et attendre 15h pour que l’administration (le trésor) rouvre. Pourtant, des gens sont allés payer et quand ils reviennent, on refuse encore de leur rendre les motos. On leur demande de rentrer chez eux, qu’ils seront rappelés pour venir les chercher et qu’en venant, d’être munis des frais de fourrière. Mais, puisque certains d’entre eux insistaient pour prendre les leurs le même jour après avoir payé l’amende, les agents leur ont demandé maintenant d’aller à leur base policière qui est à Pahou pour payer 1500 F Cfa pour frais de fourrière, c’est-à-dire, pour les heures que la moto a passées auprès d’eux au poste de police. Ce qui ramène l’amende à 7500F Cfa. Au même moment qu’on arrête certains, on laisse d’autres s’en aller selon des considérations que j’ignore… C’est par exemple le cas d’un monsieur qui était dans sa voiture, le masque descendu au menton. Après ‘’négociation’’, le policier l’a laissé. Au même endroit, les bonnes dames qui proposaient des articles alimentaires étaient sans masque. Elles ne craignaient pas les représailles puisque aux dires d’un des agents approché, elles sont du milieu. Eux-mêmes policiers censés donner le bon exemple, ne le font pas. Alors qu’ils pouvaient arrêter des individus pour avoir mal porté le masque ou du tout pas, ils n’en mettaient pas pour autant eux. Au téléphone, ils l’enlevaient ; quand ils arrêtent les usagers, pour parler, ils l’enlevaient aussi. Aucun dispositif de lavage des mains n’était-là non plus ; ils ne portaient pas de gants pourtant ce sont eux qui retirent de force parfois la clé des motos des usagers. Pis, la mesure de distanciation n’était pas respectée. Il fallait voir le nombre de personnes qui se ruaient sur l’agent pour le supplier et lui qui répondait sans masque».
Cyrience KOUGNANDE