L’Institut des sciences biomédicales appliquées (Isba) de l’Université d’Abomey-Calavi a abrité, ce mardi 9 mai, la première Journée sur la résistance aux antibiotiques au Bénin. L’initiative vise à ouvrir le débat pour une riposte contre la résistance bactérienne aux antibiotiques souvent consommés de manière inappropriée.
« L’absence d’actions aujourd’hui contre la résistance bactérienne sera à l’origine demain d’une absence de guérison des maladies infectieuses ». Cette alerte de la directrice générale de l’Organisation mondiale de la Santé (Oms) en 2011, le professeur Delphin Mêhinto, doyen de la Faculté des Sciences de la santé (Fss) de l’Université d’Abomey-Calavi, la prend à son compte pour signifier l’enjeu de la résistance aux antibiotiques au Bénin.
L’initiative d’une journée consacrée à cette question vient, pour lui, à point nommé pour permettre aux experts dans diverses disciplines de confronter leurs idées non seulement sur la gestion des infections à bactéries résistantes mais également sur le mécanisme de lutte contre le développement de la résistance aux antibiotiques au Bénin. Il assure que l’usage intensif et inapproprié des antibiotiques a abouti au développement rapide de la résistance à ces médicaments bien que les infections autrefois facilement guérissables soient de plus en plus difficiles à traiter. Cette nouvelle donne médicale, poursuit-il, induit une augmentation significative de la durée d’hospitalisation des patients, du coût de leur prise en charge, de la morbidité et de la mortalité liées aux maladies infectieuses. « Notre pays est caractérisé, entre autres, par un taux élevé d’automédication, la faible maîtrise du circuit du médicament, l’insuffisance de personnel qualifié conduisant souvent à la prescription des médicaments par du personnel inapproprié, l’absence de documents de normes et procédures en matières d’utilisation des antibiotiques », diagnostique le professeur Delphin Mêhinto qui attend qu’une thérapeutique appropriée soit proposée au développement vertigineux de la résistance aux antibiotiques.
Enjeu de santé publique
L’Oms estime qu’en 2015, il y a eu environ 480 000 cas de tuberculose multirésistante et seulement 52% de ces cas ont été traités avec succès. « La prescription irrationnelle des antibiotiques, leur délivrance sans contrôle professionnel et leur surconsommation par le grand public, favorisent de plus en plus l’émergence et la propagation de ces cas de résistance avec un triple impact dramatique, à savoir la prolongation des hospitalisations, l’augmentation des dépenses de santé de ces familles et une hausse de la moralité », appuie Al Fateh Onifadé, conseiller chargé des médicaments au Bureau de l’Oms à Cotonou. Il souligne qu’en l’absence d’antibiotiques sûrs et efficaces pour prévenir et traiter les infections, certaines interventions chirurgicales telles que les césariennes, les appendicites aigües, la chimiothérapie et les transplantations d’organes, deviennent des actes médicaux à haut risque, compromettant ainsi les précieux acquis de la médecine contemporaine. Il défend l’organisation d’une riposte urgente dans une approche coordonnée. Du coup, il informe que l’Oms a élaboré en 2015 un plan d’actions mondial qui vise à préserver sa capacité de prévenir et de traiter les maladies infectieuses à l’aide de médicaments sûrs et efficaces. Pour orienter la recherche-développement, l’organisme onusien a publié en février dernier une liste de 12 familles de bactéries les plus menaçantes pour la santé humaine contre lesquelles il est urgent d’avoir de nouveaux antibiotiques. « Nos efforts devront aller dans le sens de l’amélioration de la sensibilisation et la compréhension du phénomène, du renforcement de la surveillance et la recherche, la réduction de l’incidence des infections, l’optimisation de l’usage des antibiotiques et l’allocation d’investissements durables », conclut Al Fateh Onifadé.
Le 3 septembre 1928, Dr Alexander Fleming, de retour de vacances, constate que les boîtes de Petri, où il faisait pousser des staphylocoques, ont été envahies par un champignon microscopique dénommé Penicillium notatum, qu’utilisait son voisin de paillasse. Cette découverte fortuite conduira à la mise au point, quelques années plus tard, du premier antibiotique, la Pénicilline qui a marqué le début de l’ère des antibiotiques. Le professeur Delphin Mêhinto soutient que ces médicaments ont révolutionné la prise en charge des maladies infectieuses et ont eu, dans le monde, un impact significatif sur l’espérance de vie en l’allongeant de plus de dix ans en moins d’un siècle.