Les dés sont jetés. Il a fallu attendre 17 mois après sa création pour qu’elle soit opérationnelle. Hier, en conseil des ministres, le chef de l’Etat a enfin franchi le pas attendu depuis un moment. La nomination de Ismath Bio Tchané épouse Mamadou vient donner le top du fonctionnement de la Cour des comptes. Précédemment confinée au sein de la Cour suprême, la Chambre des comptes change d’appellation, prend un nouveau statut et peut désormais s’émanciper comme ce fut le cas de la Chambre constitutionnelle devenue Cour constitutionnelle au début des années 1990.
Faisant office de pionnière, Ismath Bio Tchané épouse Mamadou a un grand rôle à jouer dans l’animation de cette jeune institution née avec des dents. Les attentes, diverses et multiples, sont immenses. Les acteurs de la société civile notamment qui ont réclamé à cor et à cri pendant longtemps la création d’une juridiction financière autonome sont maintenant servis. Reste à savoir si les défis prêtés à la Cour en matière de répression des infractions à la législation financière publique seront relevés. Contrairement à une idée largement répandue, la création de la Cour des comptes dans les pays de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) n’a pas été décidée dans l’optique de lutter contre la corruption. L’article 68 du Traité dispose plutôt que cette juridiction doit offrir « les garanties de transparence et d’indépendance requises » dans le but « d’assurer la fiabilité des données budgétaires nécessaires à l’organisation de la surveillance multilatérale des politiques budgétaires ». « Pour l’Uemoa, la question des Cours des comptes se situe au niveau de la méthodologie d’agrégation des données macro-économiques et macro-financières qui fondent la dynamique de la convergence des politiques en vue de soutenir la monnaie commune et le marché unique en chantier ». La lutte contre la corruption, notamment le volet pénal, étant beaucoup plus dans le giron des juridictions pénales. Au Bénin, on pense à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet).
Néanmoins, le gendarme de « l’ordre public financier » veille à la tenue régulière des comptes publics et exerce un contrôle de régularité à ce niveau. Cet aspect pédagogique oblige les gestionnaires des ressources publiques à plus de rigueur et de responsabilité dans la tenue des comptes. Avec l’avènement des budgets programmes, « la Cour des comptes va devoir jouer sa partition surtout sur le volet de l’appréciation des rapports de performance et l’évaluation des politiques publiques, en synergie avec les cadres de l’exécutif ». Le challenge de la bonne animation de cette juridiction suppose que le déficit de l’ex Chambre des comptes en ressources humaines, matérielles et financières sera comblé et que ses animateurs, notamment les conseillers et les auditeurs seront très motivés pour mener à bien leurs missions. C’est du moins ce qui est attendu de cette réforme qui aura fait couler beaucoup d’encre et de salive. Une Cour des comptes indolente, ancrée dans la lourdeur administrative donc peu performante sera loin de combler des attentes aussi élevées que le sommet du Kilimandjaro.