Icône de la politique béninoise, elle s’est distinguée par son franc-parler et son aisance à dénoncer les travers et tares de l’univers politique ainsi que les menaces sur les acquis…

Disparition de Rosine Vieyra Soglo: Une icône de la politique s’en est allée

Disparition de Rosine Vieyra Soglo: Une icône de la politique s’en est allée

Icône de la politique béninoise, elle s’est distinguée par son franc-parler et son aisance à dénoncer les travers et tares de l’univers politique ainsi que les menaces sur les acquis démocratiques. A 87 ans, Rosine Vieyra Soglo s’en est allée ce dimanche 25 juillet.

« Moi je n’ai plus d’autres expériences à prouver… je suis persuadée d’avoir fait le maximum pour mon pays en aidant les femmes, les bébés triplés à travers la fondation Vidolé….Même si les résultats sont mitigés, je ne regrette rien de mes œuvres. J’ai fait tout ce qu’il fallait, mais je m’en vais triste à en mourir. Heureusement je me rends compte que Dieu sait ce qu’il fait. Il m’a rendue aveugle. A partir du moment où j’ai perdu ma vision, mes efforts n’ont plus aucune importance. Mais la foi soulève les montagnes, dit-on…».
Ces extraits d’une interview accordée à Maryse Assogbadjo de La Nation en février 2016 en disent long sur le combat de celle qui vient de nous quitter. Rosine Soglo s’en est allée à l’âge de 87 ans après avoir tant donné au Bénin.
La rumeur de sa mort qui s’est répandue telle une traînée de poudre a fini par être avérée. Un tour à la résidence familiale ramène à l’évidence l’équipe de La Nation y dépêchée, quelque peu incrédule à l’annonce de la terrible nouvelle. ‘’Maman’’ a rejoint le père céleste aux environs de 16 h 20, selon les agents de sécurité privée en poste devant le domicile. L’ambiance pesante sur les lieux témoigne à bien des égards de la douleur des proches et le ballet des véhicules montre combien il était difficile pour certains d’y croire sans en avoir la certitude. Annoncée plusieurs fois, sa mort démentie par la famille a fini par installer le doute dans les esprits.
L’ancienne première dame du Bénin (1991-1996) et ancienne députée à l’Assemblée nationale (1999-2019) aura marqué son temps à travers son combat politique et ses prises de position. Qu’on l’aime ou pas, le parcours de Rose Marie Honorine Vieyra Soglo, de son vrai nom, reste un exemple pour les générations actuelle et futures. Son audace au regard de son allant à dire certaines vérités, reste présente et vivace dans les mémoires.
Si elle reconnaît avoir pris beaucoup de coups dans l’univers politique, elle ne cache point sa satisfaction d’avoir appris, à force d’encaisser, à en donner également et de façon aussi redoutable.
Avec une voix qui porte dans le débat politique, elle a tenu un rôle important dans le parcours politique de son mari, Nicéphore Dieudonné Soglo, dès les premières heures de l’avènement de ce dernier à la tête du pays, en 1991. La création du parti ‘’ la Renaissance du Bénin (Rb)’’, en mars 1992, témoigne à n’en point douter de sa capacité à animer la vie politique de son pays et à soutenir l’action gouvernementale de son époux. Une formation politique qui aura longtemps contribué à son élection en tant que députée et tenu la dragée haute aux successeurs de Nicéphore Dieudonné Soglo, avec son statut de parti de l’Opposition.

Parti dont héritera Léhady Vinagnon Soglo jusqu’à l’avènement du système partisan qui sonnera le glas des clubs électoraux régulièrement enregistrés au nombre des formations politiques du pays. Sa fondation ‘’Vidolé’’ qu’elle a mise sur les fonts baptismaux révélera également toute son humanité face à l’enfance malheureuse, à la pauvreté et à la déchéance humaine. Tout un symbole pour un pays où la justice sociale peine à être une évidence. Les inégalités ont la peau dure et le cœur de cette avocate de formation, doyenne d’âge de l’Assemblée nationale du Bénin, a tôt conquis ses cibles qui retrouvent en elle la bonne samaritaine par qui les triplés ont droit à l’assistance qu’il faut pour survivre. Aucune crise n’aura ébranlé cette femme de conviction qui part, laissant à la postérité le souvenir d’une grande figure de la politique nationale?
Témoignages
Patrice Talon, président de la République

« Nous gardons d’elle l’image d’une femme brave
et exceptionnelle »
Femme engagée, Rosine Vieyra Soglo aura marqué la vie politique de notre pays pendant de longues années.
Nous gardons d’elle l’image d’une femme brave et exceptionnelle.
Paix à son âme.
Au nom de la nation, je présente mes condoléances attristées au président Soglo, aux enfants Léhady et Galiou, ainsi qu’aux familles Vieyra et Soglo?
Message de Louis Vlavonou, président de l’Assemblée nationale

« Je voudrais saluer la mémoire d’une femme
d’exception et de conviction »
J’ai appris avec une forte émotion la disparition de Maman Rose-Marie Honorine Vieyra, épouse de l’ancien président de la République du Bénin, Nicephore Dieudonné Soglo, ancienne députée et plusieurs fois doyenne d’âge de l’Assemblée nationale, membre du Parlement panafricain (Pap) et du Comité interparlementaire de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Cip-Uemoa) à plusieurs reprises, présidente de l’ancien parti politique la Renaissance du Bénin (Rb) et de l’organisation non gouvernementale “Vidolé”.
En cette douloureuse circonstance, je voudrais saluer la mémoire d’une femme d’exception et de conviction dont la participation à six législatures successives laisse inéluctablement une empreinte indélébile à l’institution parlementaire et au pays tout entier?
Puisse Dieu le Père Céleste lui faire une place de choix dans sa sainte demeure.
Au nom de l’Assemblée nationale et en mon nom propre, je présente mes sincères condoléances à toutes les familles éplorées, à toute la communauté parlementaire et à tout le peuple béninois?
Orden Alladatin, député

« Il faut reconnaître que c’est une dame engagée… »

C’est une dame pour qui j’ai un profond respect. Quelles que soient nos divergences de vues et autres au parlement, je n’ai pas vu un député qui ne lui voue pas de respect. Quand je suis allé à l’Assemblée nationale à la 7e législature, j’ai été contrarié d’entendre tous les collègues l’appeler Maman. Tout le monde l’appelle maman, que ce soit ses partisans ou ses adversaires politiques.
Après j’ai compris pourquoi les collègues faisaient ainsi. De toute façon, ça venait spontanément. Quand vous êtes en commission, elle est là à l’heure, et elle suit tous les débats. Je pense que son cerveau est resté en place du début jusqu’à la fin. Elle vous demande juste de parler un peu plus fort. Mais elle capte tout et elle a des interventions pointues. On peut ne pas l’aimer, il faut reconnaitre que c’est une dame engagée qui a ses convictions à elle. On l’a vue au lendemain des années 90, de quelle façon elle a conduit le parti la Renaissance du Bénin (Rb). Je n’ai pas été Rb, mais ceux qui ont fait la Rb vous disent qu’en définitive elle a été un leader. C’est ce que je garde d’elle et je crois que quelles que soient nos convictions, il faut savoir reconnaitre les mérites de ceux qui en ont dans la République. C’est dommage que pour cette œuvre de salubrité publique qui devrait correspondre à ses combats, à ce qu’elle a toujours revendiqué, qu’on ne se soit pas compris?

Eugène Azatassou, membre du parti Les démocrates

« Dommage qu’elle nous quitte maintenant qu’on a le plus besoin d’elle »
Madame Rosine Soglo m’est apparue comme une femme d’énergie. Une femme de caractère, capable de défendre ses convictions avec vigueur et compétence. Je n’ai pas toujours épousé ses points de vue au départ mais, même lorsque je n’épouse pas ses points de vue, je ne peux qu’être admiratif sur sa façon d’organiser le combat pour ses points de vue. J’ai toujours été admiratif.
Et après, quand je l’ai approchée, j’ai découvert que c’était une femme vraiment brave. C’est l’une de ces femmes qu’on devrait avoir de façon plus nombreuse dans notre pays. Et je trouve dommage qu’elle nous quitte maintenant qu’on a le plus besoin d’elle. Parce que dans la situation où nous nous trouvons, nous avons besoin de ses coups de gueule, de son caractère, de son courage. Vous vous rappelez comment on lui a apporté de l’argent et elle a dit non. Ce n’est pas donné à tout le monde. C’est une lourde perte pour le peuple béninois. Paix à son âme et mes condoléances à sa famille et au président?
Yacoubou Malèhossou, ancien député

« Si j’ai eu la chance d’aller deux fois à l’hémicycle, c’est grâce à elle »

Moi, je n’ai jamais dit madame, c’est maman. Si j’ai eu la chance d’aller deux fois à l’hémicycle, c’est grâce à elle. Parce que si maman décide, le fils ne peut rien. Si j’ai bonne mémoire, en 2007, j’étais à Abomey quand maman Rosine Vieyra Soglo m’a envoyé une commission pour m’inviter à descendre immédiatement à Cotonou. C’était l’avant dernier jour avant le dépôt des dossiers pour les législatives 2007.
Entre-temps, elle m’avait demandé si je veux aller à l’Assemblée nationale et j’ai dit maman, je ne suis pas un intellectuel, qu’est-ce que j’irai faire là-bas. Elle m’a répondu qu’il y a beaucoup qui ne sont pas intellectuels mais siègent là-bas. Là, elle m’avait demandé de proposer des gens puisque j’étais connu dans la 23e circonscription électorale. Et j’avais proposé Gabriel Médénou qui est actuellement le premier adjoint du maire d’Abomey.
Arrivé donc à Cotonou, j’ai constaté que la salle était pleine. Tous les membres du bureau politique de la Rb étaient présents ce jour-là. Et maman m’a dit, si tu veux qu’on décroche les quatre sièges, il faut que tu sois candidat. Tu resteras avec Ahanhanzo comme suppléant, mais c’est toi qui iras à l’Assemblée nationale.

On a commencé le débat à 23 h pour finir à 3 h du matin et finalement j’ai accepté. Je n’ai jamais oublié ce moment.
Aussi, toujours grâce à elle, j’ai siégé au cours de cette mandature à la Haute cour de justice. Elle m’a beaucoup aidé et grâce à elle j’ai compris beaucoup de choses. Si je parle à l’Assemblée nationale, parfois elle proteste, parce que quand les gens commencent à insulter les membres du gouvernement, je dis chers collègues, ayez la crainte de Dieu. Et maman disait, Malèhossou tais-toi, tu n’es pas venu ici pour parler de Dieu. Un autre souvenir, en décembre 2007, mon fils Aboudou Raoufou Malèhoussou a voulu se marier, et c’était son fils Léhady qui célébrait les mariages. Pour l’occasion elle a décidé que Papa célèbre, et ensemble avec elle, ce fut un grand moment. Pour mon second mandat, c’est son fils qui a insisté que j’aille faire le deuxième mandat. Et là encore, maman a dit, Aladji tu retournes à la Haute cour de justice. Je ne pourrais l’oublier. Paix à son âme.

Par Kokouvi EKLOU