Nouvelle expérience dans l’enseignement supérieur. Comme l’on devrait s’y attendre, le gouvernement a opté pour les nominations après appel à candidature des recteurs et leurs équipes comme nouveau mode de gouvernance des Universités du Bénin. A travers lesdits appels à candidature des Conseils d’Administration de l’Université d’Abomey-Calavi (Uac), de l’Université de Parakou (Up), de l’Université nationale des sciences techniques, Technologie, Ingénierie et Mathématique (Unstim) et de l’Université nationale d’Agronomie (Una), cette réforme vient d’être acté. Finie donc la gouvernance démocratique en milieux universitaires avec comme point de mire les élections rectorales et décanales. Avec cette option, le Bénin vient ainsi de s’arrimer aux normes internationales en la matière. « C’est la norme, même à l’international. On fait appel à des candidatures. Ce sont des gens qui viennent avec leurs dossiers et la conviction d’apporter quelque chose à l’institution. Ça passe par une sélection de dossiers, ensuite on passe les candidats à l’interview par des pairs bien informés de ce qu’est le développement d’une université afin qu’ils essayent de dégager les meilleurs », a tout récemment affirmé le Professeur Brice Sinsin. Même si l’on enregistre du bruit dans les couloirs, il importe de souligner que cette mesure permet fondamentalement de réduire les dépenses et de pallier substantiellement la construction des infrastructures en vue d’amortir le choc lié à la massification en milieu universitaire.
Cette décision du gouvernement serait également motivée par le rendement au terme des mandats des équipes rectorales et décanales qui se sont succédé. Cependant, avec leur titre de hauts lieux du savoir d’où sortent les sommités de la connaissance, les Universités du Bénin réclament une totale indépendance dans leur gouvernance. Pour Philippe Lalèyè, enseignant à la Faculté des sciences agronomiques et l’un des acteurs de ce processus, “c’était après de hautes luttes qu’on est arrivé là parce qu’on a estimé que pour la gestion des affaires au niveau de l’université, il faudrait que ce soit nous-mêmes qui désignions ceux qui seront chargés de nous conduire, par élection de façon démocratique…C’est sur cette base qu’on avait œuvré pour que les élections puissent avoir lieu dans nos universités et ça a été très bien apprécié au niveau de la sous-région où le Bénin fait exemple ». Mais c’est sans compter avec les exigences du gouvernement de la rupture qui attend plus d’elles en terme de qualité d’offre de formation, de maîtrise par l’Etat des besoins réels des universités tant en investissements que pour leur fonctionnement et surtout les grands changements qui interviendront certainement dans ce secteur.
« L’atout d’un recteur, c’est le leadership, sa capacité à innover pour dynamiser son institution. Par rapport aux questions financières et administratives, le gouvernement a déjà nommé des experts qui sont l’Agent comptable et le Secrétaire général de l’université. Donc, un recteur ne peut plus être un ‘’Sg bis’’ ou un ‘’comptable bis’’ qui soit en train de vérifier les moindres détails des comptes. Ce n’est pas son rôle », a également souligné le Professeur Brice Sinsin.
Des inquiétudes subsistent !
En clair, la réforme étant ainsi actée, le gouvernement fait plus ou moins un retour à la case départ. Car, si la nuance se trouve dans l’appel à candidature, il n’empêche que la finalité est une nomination et non une élection. A ce titre, plusieurs interrogations s’imposent. La démocratie serait-elle avec la nouvelle formule au rendez-vous de la gouvernance sur les campus ? Ce qui est certain, s’il s’avérait qu’il y a un retour des anciennes pratiques décriées, personne ne devrait s’étonner qu’à la longue, les mêmes causes produisent les mêmes effets et donc que les universitaires reviennent à la charge et luttent à nouveau pour des élections rectorales. L’un mis dans l’autre, les réponses aux questions ne viendront qu’après que la nouvelle aura fait ses preuves. Mais avant, il serait judicieux d’avoir un regard sur le défi des effectifs pléthoriques à relever. Par ailleurs, le monde universitaire qui tient non seulement à sa démocratie aimerait aussi une amélioration de l’offre pédagogique. De même, beaucoup se demandent si la nouvelle apportera une réponse à l’adéquation formation-emploi ou encore si les revendications des enseignants-chercheurs pourront-elles avoir un écho favorable sans oublier les recherches scientifiques à valoriser. Autant d’interrogations avec cet appel à candidature aux hautes fonctions universitaires mais seuls les résultats permettront de dissiper les inquiétudes.