Les statistiques font défaut mais il est évident que l’argent envoyé par le Béninois de l’extérieur à sa famille et ses investissements dans divers domaines contribuent à l’essor du Bénin. Romain da Costa, Béninois de la diaspora, en est convaincu. Le seul hic, selon lui, c’est que cet apport est dispersé et invisible.
Tout comme la diaspora des autres pays africains, les Béninois de l’extérieur contribuent pour une part non moins importante au développement du Bénin, notamment aux plans économique, social et culturel. « Si vous regardez dans le pays, à part quelques gros magnats tels que Samuel Aworet, on ne constate pas vraiment la présence économique de la diaspora. Pourtant, elle existe. Il y a cet apport qu’on envoie au pays et qui constitue de l’aide sociale qui n’entre pas directement dans le système économique», explique Romain da Costa, directeur des Relations internationales de la mairie de Rosny sous-bois en France, et président du Haut conseil des Béninois de l’extérieur (Hcbe) dont le bureau fait face à une organisation bis dirigée par Mathieu Hounyovi, donnant lieu visiblement à ‘‘ deux ailes’’ au sein du Hcbe.
A côté des sous envoyés au pays, poursuit-il, il y a quelques réalisations. « Individuellement, il y a beaucoup de Béninois de la diaspora qui ont des réalisations économiques dans le pays dans plusieurs domaines tels que la communication, l’agroalimentaire, etc. Donc, il y a ce retour-là mais qui est invisible », reconnaît-il.
Pourquoi alors l’apport des Béninois de l’extérieur au développement de leur pays d’origine est-il invisible contrairement à celui de la diaspora des autres pays africains ? Plusieurs raisons expliquent la situation, selon Romain da Costa. D’abord, le mouvement de retour des Béninois de l’extérieur vers le Bénin a commencé à partir de 1990. Idem pour leur contribution au développement du pays. Ensuite, au-delà des aides familiales et de quelques investissements çà et là, «le reste est invisible parce que ceux qui reviennent ne sont pas très bien connectés avec ceux qui sont au pays. Beaucoup reviennent avec de grandes idées mais ils déchantent vite, ils connaissent beaucoup d’échecs et repartent systématiquement si bien que ceux qui ont réussi, on ne les voit pas ».
Sur le plan politique, la diaspora béninoise ne pèse pas non plus. Bien avant la réforme du système partisan, note Romain da Costa, les Béninois de l’extérieur étaient éparpillés et sans une assise solide au sein des partis politiques. Ce qui ne permet pas à la diaspora de peser dans la vie politique du pays. En outre, il fait observer que les Béninois de l’extérieur sont assez divisés et individualistes.
Relooker le Hcbe ?
Restructurer le Hcbe conformément à l’esprit de la Conférence nationale permettra à la diaspora béninoise de contribuer efficacement et beaucoup plus au développement du Bénin. C’est ce que pense Romain da Costa. « En 1990, la Conférence a suggéré qu’il y ait cet organe qui sera le creuset où les Béninois se rassemblent et s’organisent pour servir leur pays. En 1997, le président Kérékou a fait en sorte que le Hcbe soit créé et sa mission est de rassembler tous les Béninois de l’extérieur, propulser chaque Béninois de l’extérieur qui a une vision pour le Bénin, qu’importe le domaine. Nous devons tous ensemble le propulser pour qu’il réussisse et qu’efficacement nous puissions contribuer au développement du pays. Le Hcbe a trois projets phares: la maison de la diaspora, la banque des Béninois de l’extérieur et avoir des élus à l’Assemblée nationale », rappelle-t-il. Malheureusement, jusqu’à sa prise de fonction en 2016, soit 20 ans après la création du Hcbe, rien de tout cela n’a été fait. En 2007, après la modification des statuts et règlement intérieur de l’organisation, le conseil d’administration du Hcbe composé d’une trentaine de membres dont des Béninois de l’extérieur et des représentants du gouvernement et des institutions de la République, a été supprimé, et c’est un bureau de sept membres qui conduit les destinées de l’organisation. Les représentants du gouvernement et des institutions de la République ont été donc retirés. « Ceux qui, du pays, devraient avoir leur mot à dire au sein du Hcbe ont été retirés au nom de l’autonomie associative, je pense que c’est ça qui a tué le Hcbe », déplore M. da Costa.
Pour lui, il est primordial que l’organisation retrouve sa structuration de départ pour permettre aux Béninois de l’extérieur de contribuer au développement de leur pays avec efficacité. « Avec les membres de mon bureau, on s’est dit que si on continue de cette façon, le Hcbe sera toujours une coquille vide », insiste-t-il. Il regrette aussi le fait que les cotisations peinent à tomber et qu’il se retrouve parfois dans l’obligation de mettre la main à la poche pour financer toutes ou partie des activités.
Pour corriger le tir, il propose de retoucher la structuration et le fonctionnement de l’organisation. Cette réforme a conduit lui et son bureau à mettre en place un comité scientifique composé d’au moins 140 Béninois du monde entier qui accompagnent le bureau mondial dans la réorganisation du Hcbe.
« Le projet qu’on mène aujourd’hui, c’est de transformer les sections Hcbe pays par pays en un Conseil des Béninois qui est plus consensuel parce qu’on demande aux associations dans les pays (qui sont plus efficaces que les sections Hcbe) de se réunir pour désigner leurs représentants de façon consensuelle. La réforme est en cours et va nous conduire à l’Assemblée générale, si on réussit à temps, en décembre 2021. Récemment, on était au Burkina Faso où on a mis en place le Conseil des Béninois du Burkina Faso (Cbbf). Le but final de tout ceci, c’est de montrer que l’organisation a fait peau neuve et tient désormais la route avec des membres prêts à relever les défis, et en même temps, on fait une proposition au gouvernement pour dire que tant que le Hcbe ne devient pas une institution, il y aura toujours de la pagaille », explique Romain da Costa. A l’en croire, il s’agit de dire au gouvernement que s’il souhaite qu’il y ait des réalisations efficaces avec lui (l’Exécutif), qu’il (l’Exécutif) doit transformer le Hcbe en une institution dans laquelle il va y avoir des Béninois de l’extérieur élus par leurs pairs et qui vont occuper la majorité des sièges. Et de l’autre côté, il y aura les membres désignés par le gouvernement, l’Assemblée nationale et d’autres institutions de la République. Ainsi, « on aura une institution en bonne et due forme pour gérer les relations avec les Béninois de l’extérieur. On sera beaucoup plus efficaces et plus respectés que si on continue de fonctionner comme une association de loi 1901. Cela évite aussi que des gens se lèvent pour créer une association bis ou une troisième association parce que de cette façon, ces associations seront tout le temps en concurrence et on ne sera jamais efficaces dans la façon de contribuer au développement du pays », assure-t-il.
En attendant l’aboutissement de cette réforme et surtout la réunification des ‘‘ deux ailes Hcbe ’’, l’on note que l’apport de la diaspora béninoise au développement du pays, demeure dispersé et imperceptible quoique cela contribue plus ou moins à la croissance économique. Il est clair que des efforts doivent être faits pour une contribution beaucoup plus structurée et importante permettant de créer de la valeur ajoutée pour booster l’économie nationale.